États-Unis et Union européenne: concordances et discordances, par David Bensoussan
Jusqu’à nouvel ordre, les normes de commerce et le droit extraterritorial des États-Unis continueront de définir les règles du marché.
L’UE n’a pas de vision stratégique politique et économique commune et ses pays membres ne sont pas unis dans leur réponse vis-à-vis des États-Unis.
Les États-Unis (É-U) et l'Union européenne (UE) ont des positions tantôt concourantes, tantôt divergentes dans les domaines de la politique extérieure, de la défense et de l'économie. L'UE est constituée de 28 pays et a 24 langues officielles, mais n'a pas de programme politique commun.
La politique extérieure
Le désaccord entre les grandes puissances occidentales à propos de l'Iran a été mis en évidence lors de la réunion annuelle de la conférence de Munich sur la sécurité: désaccord relatif au retrait américain de l'accord des 5 +1 sur le nucléaire et sur l'embargo américain de l'Iran.
Contrairement aux É-U, L'UE veut découpler les dossiers problématiques de l'Iran: le nucléaire, les essais balistiques, la déstabilisation du Moyen-Orient, les activités terroristes en Europe même, sans toutefois avoir une idée claire de la feuille de route à suivre.
Quant aux pays de l'Europe de l'Est, ils épousent pleinement la position américaine et souhaitent rester très proches des É-U et de l'OTAN. Le politicien polonais Bronislav Geremek disait: pour nous, l'UE c'est la prospérité, l'OTAN c'est la survie.
L'ancien secrétaire de l'OTAN Anders Fogh Rasmussen a trouvé utile de rappeler que l'histoire récente démontre que la Russie avance ses pions chaque fois que l'OTAN tergiverse.
Il n'en demeure pas moins que les sanctions européennes et américaines contre la Russie, à la suite de l'invasion de la Crimée et de l'ingérence russe dans le Donbass en Ukraine, sont maintenues.
La défense
Depuis sa nomination à la présidence, Donald Trump a exercé des pressions pour faire augmenter le budget de défense européenne à 2% du PIB des États membres d'ici 2022 et de premiers efforts en ce sens peuvent déjà être observés.
Si l'Europe atteignait cette cible, son budget passerait à 360 milliards et dépasserait largement le budget de la défense russe, ce qui amorcerait un rattrapage depuis longtemps attendu.
La question à l'ordre du jour est la qualité de l'armement à acquérir: le bon sens voudrait que l'Europe se procure des armements sophistiqués américains, dont l'avion stratégique F35. Or, la Belgique a opté pour l'achat des avions F35, tandis que l'Allemagne et la France ont lancé un projet d'avion de combat du futur SCAF qui sera mis en service après 2040.
Les lois anticorruption
Les flux commerciaux de l'UE vers les É-U se montent à 511 milliards comparé à ceux des É-U vers l'Europe qui atteignent 452 milliards. De plus en plus, les grandes compagnies européennes ont le choix entre le marché américain ou l'exclusion de ce marché si elles ne respectent pas certaines lois américaines.
Après le scandale de Watergate, des lois anticorruption furent votées aux É-U pour assurer l'égalité des chances et rendre possible une compétition saine sur le marché. Consciente de ce qu'il y aurait distorsion de la concurrence si ces lois n'étaient pas respectées à l'étranger, l'administration judiciaire américaine a cherché à faire adopter la loi anticorruption au plan international et l'a fait entériner par l'Organisation de coopération et de développement économiques (l'OCDE).
Ainsi et à titre d'exemple, la compagnie Siemens qui a été impliquée dans un scandale de corruption a payé une amende de 1,6 milliard dont 800 millions ont été versés aux É-U.
Extraterritorialité du droit américain
En 1996, la loi Damato–Kennedy a sanctionné les États voyous — la Libye et l'Iran — en raison de leur soutien au terrorisme. Après les attentats contre les tours de la Bourse le 11 septembre 2001, l'administration américaine est arrivée à la conclusion que, pour des raisons de sécurité nationale, la lutte contre le terrorisme passe par la lutte économique contre des compagnies et des États qui font affaire directement ou indirectement avec les pays sous embargo.
Afin de ne pas perdre le marché américain, les grandes compagnies telles Air France, Total, Peugeot et Citroën ont cessé leurs activités en Iran, pays dans lesquels des milliards de dollars ont été investis. La Banque PNB Paribas a payé une amende de 9 milliards au trésor américain pour avoir facilité des transactions en dollars avec Cuba, l'Iran et le Soudan.
Des critiques sont émises par des pays européens par rapport aux sanctions américaines contre lesquelles ils ne peuvent s'opposer et dont les conséquences peuvent être déstabilisantes. Après plusieurs avertissements relatifs à des cas de corruption, la multinationale française Alstom a reçu une pénalité de plus de 700 millions de dollars en 2014. L'année qui a suivi, la branche Alstom Énergie a été rachetée par General Electric.
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