GRAND MARIAGE À HEDERA, par Bob Oré Abitbol

GRAND MARIAGE À HEDERA

“Souvenirs et oubli”

 

"The clock of life is wound but once, and no man has the power to tell just

when the hands will stop, at late or early hour.

NOW is the only time you own.

W.Shakespeare

 

Je vous l’ai déjà dit cela faisait dix-huit ans que je n’avais pas été en Israël, ce pays, mon pays, dont le monde entier vante les qualités exceptionnelles, l’accueil, les paysages, l’histoire, les myriades de cuisines, la géographie et l’atmosphère unique !

Toutes nos pensées sont dirigées vers cet État fragile et fort qui nous hante, nous rassure, nous protège, dont nous sommes fiers et pour lequel nous tremblons sans arrêt simultanément !

Comme nous Israël est juif, sûr de sa foi en lui-même et en même temps craignant pour sa survie.

Partout la vitalité de ce peuple hors du commun explose, les gens exultent, la vie, la belle vie est apparente, transparente, joyeuse. Nous sommes en famille et nous le ressentons dans nos fibres et dans nos âmes.

Des paysages arides dont on devine qu’ils seront fertiles. Des montagnes, des vallées, des cascades. Des forêts d’ eucalyptus, de chênes, de vignes, de lilas, de citronniers, d’orangeraies, de palmiers, pêle-mêle et évidemment partout où le regard se pose des oliviers millénaires à perte de vue !

De Tel Aviv à Netanya en passant par Herzlia, Haïfa, Aco, la Méditerranée au bleu profond, lumineux, omniprésente à chaque détour de route, nous accompagne joyeusement.

J’aime la mer, j’ai toujours aimé la mer !

Et là, elle est là, devant moi, derrière moi, autour de moi m’entourant, m’enveloppant comme une amie, comme une maîtresse, comme un souvenir ancien et toujours recommencé qui me rappelle mon enfance, ma jeunesse, ma ville natale!

Je découvre des rues similaires à celles de mon quartier à Casablanca et mon cœur tout entier respire ces effluves marines, écoute le cœur battant les flux et le reflux de la mer ainsi que ceux familiers de la plage avec un sentiment intense de bonheur entremêlé de nostalgie retrouvée!

Des tombes très anciennes de saints, des portraits de Herzl, de Ben Gourion, de Golda Meir tapissent les murs, des noms de rues dédiés aux Rois et prophètes de la Bible racontent l’histoire de ce pays hors-normes!

Entourés d’amis qui sont venus de partout et de très loin, mes amis Robert et Olga ont célébré il y a peu le mariage de leur fils Jordan avec une jeune femme ravissante, Theresita. Des invités du monde entier se sont déplacés pour être à Hedera, belle ville côtière, pour cet évènement grandiose, somptueux comme seul ce pays peut l’offrir, comme seuls des gens généreux et beaux peuvent le concevoir et le réaliser.

Sont venus des invités du Maroc où restent encore, éparpillés dans quelques villes, quelques vestiges de notre glorieux passé, où vivait encore une population autrefois si nombreuse, si chaleureuse, si vivante aujourd’hui disparue “diasporisée” autour du monde.

De Paris aussi où le judaïsme est en danger, de Los Angeles bien sûr où la famille vit, aimée et respectée de tous.

Des orchestres différents, une ambiance festive dans les jardins et dans cette salle de fêtes magnifique à Hedera à quelques kilomètres de Tel Aviv, un cocktail et un dîner somptueux ont été préparé pour tous les convives.

Il y’a peu de temps cependant, un drame terrible a frappé les parents du marié et sa famille: Leur fils aîné, Adam, atteint d’une maladie incurable, est décédé! Malgré une mobilisation mondiale de grande envergure où vedettes de Cinéma ainsi que toutes sortes de personnalités de premier plan ont fait des appels personnels “Hope for Adam” n’a pas réussi à atteindre son objectif : le sauver!

Bouleversante réalité à surmonter ! Comment survivre à son enfant ? Comment continuer à accepter la clarté du jour en son absence ? Une tristesse inconsolable!

Le père m’indique du doigt le ciel d’où son fils disparu assiste, Il en est sûr, à la bénédiction nuptiale. Qu’il est présent absolument et que de là-haut il observe et voit tout!

De loin j’aperçois Liah la jeune et belle veuve d’Adam, entourée de ses jeunes enfants près de la Houppa où trois rabbins célèbrent à voix chaude et puissante la famille et les nouveaux mariés.

Nos yeux se rencontrent. Un frisson me traverse comme si un éclair me transperçait le cœur et l’âme.

Je pleure, non je sanglote

Sa peine devient la mienne,

Son désarroi, son cœur qui se serre, sa gorge qui se noue je la ressens au plus profond de moi-même.

Quand on partage sa joie elle se multiplie, quand on partage sa peine elle s’amenuise.

Pendant que les rabbins tels les trois ténors célèbres, font de la surenchère avec leurs voix, pendant que dans la liesse et l’euphorie Jordan prête serment à sa nouvelle épouse, Teresita, je suis des yeux Liah, ses enfants, Robert, Olga.

Je suis heureux et triste

Je souris et je pleure...

“L'absence n'est-elle pas, pour qui aime, la plus certaine, la plus efficace, la plus vivace, la plus indestructible, la plus fidèle des présences?”

Le problème majeur avec une mort prématurée c’est qu’on ne pleure pas seulement le passé et le présent mais nous pleurons aussi ce qui aurait pu être et ne sera jamais !

Comme un flot, comme une peine ramassée sur elle-même, comme une pierre lourde en plein milieu de mon cœur je regarde tout ! Un sentiment d’impuissance et d’empathie qui se manifestent dans l’endroit le plus incongru du monde, entouré de visages heureux, d’amour, de tendresse, d’allégresse, de fête et hélas de tristesse aussi !

Dieu a tout créé : Les fleurs, les fruits, le soleil, le vent, l’amour, la tendresse, le rire, le sourire, la passion,le pardon, la joie de vivre, les mille sentiments qui nous animent et qui donnent sens à nos vies. Dans sa grande sagesse il a aussi créé heureusement l’oubli. Sans ce sentiment profond la vie serait insoutenable!

« Le temps est un grand docteur” disait constamment et sentencieusement ma mère.

Robert et Olga deux êtres humains chaleureux, particuliers, humanistes,

généreux, cherchant à rendre service en toutes occasions,

Non seulement ils sont bons naturellement mais ils veulent l’être encore plus consciemment, délibérément.

Ils cherchent la paix et l’amour toujours et partout et comprennent ce sentiment intime intuitivement.

Les voici, malgré cette tragédie, doucement se tourner vers la vie, vers l’avenir. Ont-ils le choix?

Dans le sourire de leur petit-fils, dans le rire de leur petite-fille, dans ses façons d’être, dans le caractère particulier du troisième ne retrouvent-ils pas, le cœur serré, le sourire d’Adam, le rire d’Adam, le caractère unique et spécial d’Adam, la beauté sublime d’Adam et la volonté, le besoin, la nécessité de lui survivre?

Quelle courage cependant, quelle force et quelle abnégation pour pouvoir accepter l’irréparable!

Mais au fond à quoi ça sert de pleurer?

A quoi ça sert de se lamenter ?

Pourquoi se déchirer?

A quoi ça sert de vivre?

Doit-on toujours souffrir?

Quelle est la raison d’être?

A chaque goutte de miel

Faut-il toujours une goutte de fiel?

J’évoque ce moment et pendant que je le décris mon cœur gonflé, prêt à éclater, comme si mon être tout entier demande justice à l’Éternel mais il fait beau à Tel-Aviv et le ciel n’est pas du tout préparé à me donner une réponse quelconque !

Quelques jours plus tard nous célébrons avec la même foi, la même effervescence et la même abondance le Shabbat Katan à Herzlia près de la mer !

Il semble pourtant que la vie est là simple et tranquille: des rires, des cris de joie, des sourires heureux fusent de partout. Le soleil radieux se mêle à la pluie de mes larmes, mon cœur saigne, j’ai mal, je suis heureux d’être dans ce pays que je redécouvre et que j’aime chaque fois d’avantage.

Contradiction et paradoxe que vivent quotidiennement les Israéliens!

N’est-ce pas la réalité justement du peuple d’Israël tout entier, obligé de sacrifier ses fils et ses filles uniquement pour “survivre” alors qu’il semble, de l’extérieur du moins, tellement facile de “vivre ensemble” et de tout partager ? La peine et la joie entremêlées toujours, quel que soit le voyage?

 

Le cœur serré je pense à mes amis : Robert, Olga, Michelle, son mari ,ses enfants, Jordan, sa nouvelle épouse, Teresita, Adam le grand absent, Liah sa veuve éplorée et ses trois bébés.

Tous partagés

Entre doléances et espérance

Entre rires et pleurs

Entre bonheur et malheur

Entre regrets et remords

Entre la vie et la mort

Entre la tristesse et la joie

Entre la fête et la défaite

Entre hier et aujourd’hui

Entre le soleil et la pluie

Entre le jour et la nuit

Entre souvenirs et oubli

Entre souvenirs et oubli !!!

 

Itkadash ve itkadash cheme raba

Kol sasson ve kol simcha

©Bob Oré Abitbol

 

boboreint@gmail.com

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