Le hip hop à la mode yéménite du trio A-WA
Le trio israélien féminin A-WA est de retour avec son deuxième album Bayti Fi Rasi qui succède au carton international d’Habib Galbi. Ses racines yéménites sont encore une fois à l’honneur. Tair, Liron et Tagel Haim content l’histoire du périple de leur arrière-grand-mère du Yémen jusqu’en Israël.
En 2016, Habib Galbi, leur premier disque, en a sans doute surpris plus d’un : ce mélange de hip hop, de musiques électroniques et de chants traditionnels yéménites était assurément quelque chose auquel le public ne s’attendait pas. Pourtant l’enthousiasme est là dès le début pour les trois sœurs Haim : le single Habib Galbi est un succès dans le monde arabe, mais surtout arrive premier des ventes en Israël. Pour la première fois, un titre arabophone atteint cette place.
Cela leur ouvre la porte aux tournées internationales notamment en Europe et aux États-Unis, mais aussi aux critiques qui pensent à un tube éphémère : "les gens ont pensé qu’on allait faire un seul hit et puis plus rien parce que quand on est arrivé avec Habib Galbi notre premier single. C'était un grand succès directement. Mais pour nous, ça a été un long processus d’arriver là" précise Tair Haim, une des trois sœurs.
Les chanteuses militantes ont en effet toujours baigné dans un univers musical. Enfants, leur père leur a donné des cours de chants, de danse et de théâtre et il les faisait répéter à la maison : "Notre père jouait et chantait à la maison. C’est lui qui nous a donné ce goût pour la musique. Il nous a toujours encouragées à faire de la musique et à devenir musiciennes" raconte Liron Haim.
Le récit du voyage de Rachel
Les trois sœurs Tair, Liron et Tagel donnent sur ce nouveau long format d’ailleurs une grande place à leur famille puisqu’il tourne autour de leur arrière-grand-mère Rachel. Partie du Yémen tout comme 49 000 juifs yéménites pour se réfugier en Israël avec l’opération "Tapis volant" en 1949.
Le deuxième single Hana Mash Hu Al Yaman par exemple parle de la difficulté à se faire accepter dans le pays d’arrivée : "Je suis arrivée vers toi, fuyante. Tu m’as vu comme une primitive. Je t’ai vu comme une dernière chance". Un texte qui fait aussi clairement écho à la situation actuelle que vivent les réfugiés partout dans le monde, des Vénézuéliens aux Palestiniens.
Mais même si les thématiques qu’elles abordent sont dures, les mélodies restent joyeuses et sont faites pour danser. Leur "hip hop yéménite" garde en effet cet aspect essentiel de la musique folklorique du Yémen : "les paroles des chansons yéménites sont parfois tristes. Mais à l’inverse, les rythmes et tout le côté musical est joyeux et groovy" explique Liron.
Entourées de Tamir Muskat qui s’occupait de la production, elles ont apporté beaucoup plus de travail notamment sur les chansons qu’elles ont totalement écrites, contrairement à Habib Galbi qui reprenait des chants traditionnels. Autant fans de rock psychédélique, que de reggae, elles se sont très bien entendues avec leur producteur qui est lui aussi très ouvert.
Membre de Balkan Beat Box (groupe avec lequel A-WA avait déjà collaboré en 2017), il a tout de suite su travailler sur les morceaux des trois chanteuses. "C’était tellement agréable de travailler avec lui. Il nous a donné l’espace dont on avait besoin pour pouvoir créer librement et montrer la vision qu’on avait de l’album et des chansons" détaille Liron, alors que Tagel renchérit : "On était comme quatre cuisiniers à travailler ensemble et chacun ramenait des ingrédients".
Des clips colorés comme leur musique
Elles n’ont pas non plus délaissé le travail visuel. Leurs clips sont totalement conçus et imaginés par elles. Le style correspond à leur musique : un mélange coloré de culture hip hop et de vêtements yéménites. Ainsi elles peuvent pousser leurs idées jusqu’au bout : "On s’est inspirées de ce qu’on aimait comme les images du vieux cinéma égyptien avec lequel on a grandi. On essaye de le mélanger ça avec notre culture hip hop" indique Liron. Elles en profitent aussi pour faire découvrir les paysages de leur enfance puisqu’elles filment tout le temps leurs vidéos à Shaharut, là où elles ont grandi dans le sud d’Israël. Le décor est désertique et "ressemble au Yémen".
Un panorama loin de ressembler à la France, qu’elles considèrent comme "une deuxième maison". Elles s’apprêtent d'ailleurs à y être encore pendant une partie de leur été pour retrouver le public français. Le pays est l'un des endroits où elles ont le plus de fans depuis leur découverte en 2014 au festival des Transmusicales à Rennes. Mais un de leurs objectifs sera cet été de retourner aux États-Unis où elles ont déjà tourné pour montrer leur merveilleux melting-pot musical.