Cette coutume consiste à prendre, la veille de Yom Kippour, un poulet vivant (un mâle pour les hommes, une femelle pour les femmes) et à le faire tourner au dessus de la tête en disant un formule qui charge la bête de nos péchés, en souhaitant que sa mort se substitue à la notre au cas où on la mériterait. L'animal est ensuite égorgé et soit donné en cadeau aux nécessiteux, soit mangé par son propriétaire qui en donne la valeur à la tsedaka.
Ce rituel n'est mentionné dans aucune source antique (que ce soit dans la Torah Ecrite ou dans le Talmud), son apparition est donc forcément postérieure au Ve siècle de l'ère vulgaire. Les Richonim commencent à en parler au XIIe siècle, il s'est donc formé entre ces deux époques (plus probablement entre le VIIIe et le Xe siècle).
Rachi, dans son commentaire sur Chabbat 81b mentionne une coutume pratiquée à son époque : deux ou trois semaines avant Roch Hachana, les enfants confectionnaient de petits paniers qu'ils remplissaient de terre, dans laquelle ils plantaient des haricots. La veille de Roch Hachana, ils prenaient les plantes qui avaient poussé, les faisaient tourner au dessus de leur tête en chantant "que ceci soit mon remplacement", puis les jetaient dans un cours d'eau.
Certains voient dans cette coutume une ébauche des Kapparot que nous connaissons. Or, le problème est que ce rituel est directement inspiré d'un rituel païen appelé "Jardin d'Adonis". Mais cette coutume évolue rapidement : de Roch Hachana on passe à Yom Kippour ; des enfants à toute la famille ; de la plante au poulet. L'abandon du haricot est peut-être du au fait que celui-ci faisant partie des Kitniot ; si on en infestait les points d'eau ceux-ci devenaient inutilisables à Pessah. Ou peut-être que c'est simplement pour se distinguer des païens. Ainsi quelque temps plus tard le Roch (Yoma 8,23) décrit une coutume en tout point identique aux kapparot que nous connaissons aujourd'hui. Il précise que cela se fait habituellement avec un poulet, mais que les personnes les plus riches le faisaient avec un bélier, en souvenir du Sacrifice d'Its'hak.
Mais pendant ce temps, à cause du lien avec les pratiques païennes, de nombreux décisionnaires se sont élevés contre cette tradition.
Le Rambam (Hil'hot Erev Yom Hakipourim), le Rachba (Tchouvot Harachba), le Mordehai (commentaire sur Yoma), le Tour (Ora'h Haim 605) et le Bet Yossef (idem) se dressent contre ce qu'ils considèrent un Dere'h Haemori, une façon de faire idôlatre. De ce fait, dans la majorité des communautés séfarades qui avaient adopté les Kapparot (essentiellement en Espagne), on abandonne vite cette pratique.
Néanmoins, dans le monde ashkénaze, les Kapparot ont leurs défenseurs. Le Rama (encore sur Ora'h Haim 605) explique que bien que l'origine de cette coutume soit douteuse, elle s'est installée et a pris une importance qui empêche de l'interdire (Minhag Vatikin).
Rav Tsvi Hirsch 'Hajes explique (Darkei Hahoraa 1,6) : Le peuple est souvent trop ignorant pour distinguer ce qui est la Halakha de ce qui est un Minhag. S'il voit que l'on abolit un rituel qu'il a l'habitude de faire, il risque de penser qu'on peut abolir n'importe quelle loi, c'est la raison pour laquelle il faut absolument maintenir les coutumes, fussent-elle erronées.
Il ajoute que les origines des Kapparot sont vraiment incertaines et que leur lien avec un quelconque rituel païen est totalement inconnu, tant des Juifs que des Non-Juifs. Si personne ne fait le lien, ce n'est pas un problème.
Le Ramban (Or'hot Haim, Hil'hot Erev Yom Hakipourim 1 et Vayikra 1,19) soulève un autre problème : ce rituel revient à faire, selon lui, un Korban 'Hatat, un sacrifice expiatoire. Or il affirme qu'il est absolument interdit de faire un tel sacrifice en dehors du Temple. La Michna Broura (toujours sur Ora'h Haim 605) répond à cela. Premièrement, le principe du sacrifice expiatoire n'est pas forcément lié au Temple. Deuxièmement, l'animal sacrifié, ici un poulet, ne fait pas partie des animaux qui pouvaient être sacrifiés au Temple, la confusion avec les sacrifices rituels est donc impossible.
L'Arou'h Hachoulhan et le Kaf Ha'haim (devinez en commentaire de quoi ?) voient plutôt une raison pratique d'interdire : pour abattre toutes les Kapparot de leur communauté (un volatile par personne), le Chohet devait travailler des heures d'affilée au terme desquelles il lui était impossible d'avoir la vigilance requise par sa fonction. Sans parler de l'usure du couteau. Les dernières bêtes abattues avaient donc de gros risques d'être Taref. En mangeant les Kapparot, au lieu de se purifier de ses péchés, on prend le risque de s'en rajouter... Il est clair qu'on ne peut pas prendre le risque de commettre une Avera pour accomplir un Minhag !
Le Kaf Ha'haim propose d'ailleurs non pas de supprimer totalement cette pratique mais de remplacer le poulet par de l'argent - la valeur marchande d'un poulet par personne, à donner à la Tsedaka. Le Levouch (inutile de vous dire où) dit qu'il est possible de remplacer le poulet par un poisson (ainsi il n'y a plus de problème de Chehita). Le Hafets Haim propose lui d'étaler les Kapparot sur tous les 10 Jours de Pénitence au lieu de tout concentrer sur la veille de Yom Kippour.
D'une façon où d'une autre, la coutume continue donc d'exister.
Mais, me demanderez-vous, comment se fait-il qu'elle perdure même chez certains séfarades, alors que leurs principaux décisionnaires n'ont pas ménagé leurs efforts pour l'interdire ?
La raison est la suivante. Si les efforts des Richonim d'Espagne ont été couronnés de succès (les Kapparot sont d'ailleurs tout à fait étrangères à la coutume des séfarades au sens propre, c'est à dire ceux originaires de la péninsule ibérique), le Ari Zal, lui, a non seulement soutenu mais aussi répandu cette coutume, à laquelle il était très attaché (rapporté par le Magen Avraham) ! Ainsi au fil du temps les différents courants suivant ses enseignement ont repris sans hésiter les Kapparot. Le Ben Ich Hai (commentaire sur Vayeleh 2) valide ainsi cette coutume, malgré le fait qu'elle soit en contradiction avec le Choulhan Arouh (rappelons que Rabbi Yossef Caro a toujours insisté pour que les coutumes antérieures à son oeuvres soient maintenues). C'est également sur cette base que Rav Ovadia Yossef l'autorise (Yechavé Daat 2,71), toutefois il demande que les recommandations du Hafets Haim soient suivies (à savoir que l'abattage soit étalé sur plusieurs jours).
La coutume veut que les femmes enceintes (de plus de 40 jours de grossesse) fassent également des Kapparot pour leur bébé. Certaines, ne sachant si elles attendent un garçon ou une fille le font même avec un coq et un poule.
Quoi qu'il en soit, aujourd'hui la plupart des communautés ne mettent en pratique les Kapparot qu'à travers la Tsedaka, en faisant tourner sur la tête une somme d'argent (soit la valeur marchande d'un poulet, soit un somme symbolique comme 18 (Hai) unités de la monnaie locale) qu'on donne ensuite aux pauvres.
Toutefois, en souvenir des Kapparot, beaucoup de personnes ont la coutume de manger un plat à base de poulet la veille de Yom Kippour.