Le shalom de Noël Par Laurent Klein

Petit papa Noël, lorsque tu descendais du ciel, avec tes jouets par milliers, tu ne m'en apportais jamais. Sois rassuré, je ne t'en veux pas ! Moi, en décembre, je fêtais Hanoucah.

Pendant une semaine, j'allumais en chantant de petites bougies colorées, chaque soir une de plus, jusqu'au dernier soir où le chandelier, posé à la fenêtre, brillait de tous ses feux. Il faut croire que ton savoir-faire commercial était très au point car mes parents avaient également pris l'habitude de me faire des cadeaux à cette occasion.

Mais pas de sapin, pas de hotte, pas de rennes, rien de cette magie qui envahissait tout l'espace extérieur à la maison et qui faisait qu'à Paris, il était si difficile d'échapper à Noël.

Et pourtant, que de proximité. Car une fois oublié le bon gros père Noël et son manteau rouge, pensons à ce qui devrait être l'essentiel de la fête : la naissance de Jésus.

En réalité, j'ai toujours eu le sentiment qu'à l'occasion de Noël, les chrétiens racontaient une histoire juive. Le contexte historique, les lieux, les personnages, tout est juif. Jésus, Marie, Joseph, et tous les autres, sont juifs. Leur histoire s'inscrit dans celle de mon peuple.

Certains éléments me sont très familiers, comme la circoncision de Jésus, qui fut longtemps indiquée sur le calendrier des PTT à la date du 1er janvier, soit huit jours après sa naissance, en conformité avec la loi juive. Mais aussi la présentation au Temple, Jésus lisant et commentant la loi à la synagogue, Jésus confrontant sa compréhension des Ecritures à celle d'autres rabbins, dans une démarche typiquement pharisienne.

DES RITUELS DICTINCTS

Tout est juif, sauf la façon de le raconter, de mettre l'événement en scène, de présenter la Sainte Famille. L'enfant Jésus, né en terre d'Israël, que l'on n'appelait pas encore Palestine, trône dans une étable provençale, Marie ressemble souvent à une madone italienne et Joseph, parfois à un bédouin d'Hollywood. Quant à la messe de minuit catholique, avec son apparat, elle est fort éloignée de la prière juive, plus simple et informelle.

A l'époque de la naissance du petit Yèchou (1), à Beth-Lèhem Yèhouda, Bethléhem en Judée, ville de ses ancêtres, l'attente d'un Messie libérateur traversait le monde juif d'une manière si fulgurante que pour les chrétiens, Jésus est ce Messie attendu par les juifs.

Je peux comprendre cette croyance qui trouve ses sources dans le judaïsme, je la respecte, mais je ne la fais pas mienne. Ce voisinage entre nos traditions n'est pas aisé à vivre, car nous souhaitons rester nous-mêmes, être compris pour ce que nous sommes. Chrétiens et juifs, il nous est parfois difficile de nous écouter et de nous regarder franchement.

Bien que descendant de David, Jésus n'est pas le Messie pour les juifs. Bien que célébré en décembre, Hanoucah n'est pas le Noël des juifs. Il est important de le dire, de ne pas nous ignorer, ni nous mépriser. De préserver cette différence comme une richesse, d'en faire un espace de dialogue.

Ce que nous attendons tous, alors que la nuit hivernale enveloppe nos esprits, c'est la lumière de l'espoir. Lumière de Hanoucah, celle des huit jours de la fête, un jour de plus que le cycle de la Création, ce huitième jour, jour supplémentaire, qui nous enjoint de créer les conditions de notre libération, tout comme Juda Macchabée a libéré le Temple des cultes païens et rendu sa liberté à Israël (2).

Lumière de Noël, celle de la parole de YHWH offerte aux êtres humains grâce à la naissance d'un enfant juif. Espoir d'un respect mutuel, où les lumières de Hanoucah et celle de Noël chercheraient à rencontrer les lumières d'autres traditions et nous demanderaient de réfléchir aux valeurs que nous voulons défendre, au monde que nous souhaitons transmettre à nos enfants. 

Le 22 décembre au soir, j'allumerai, en famille et avec mes amis, les huit bougies de Hanoucah. Lorsque les enfants chanteront : " Nous sommes venus chasser l'obscurité. Chacun de nous est une petite lumière, et tous ensemble, nous sommes une lumière puissante. Va-t-en obscurité, fuis devant la lumière ! ", je ne manquerai pas d'y associer tous ceux qui luttent pour faire fuir l'obscurantisme, tous ceux qui tentent de faire briller la lumière de la paix. Je vous souhaite de passer de très bonnes fêtes, que ce Noël vous apporte le shalom, la paix. 

1. Jésus en hébreu, diminutif de Yèhochou'a, Josué, qui signifie : " YHWH délivre. " 

2. En 165 avant Jésus-Christ, Juda Macchabée prit la tête de la révolte juive contre l'occupant gréco-syrien. Il libéra le Temple de Jérusalem et le purifia après qu'il a été profané. 
Hanoucah signifie inauguration.

Par Laurent Klein, de confession juive, notamment auteur, avec Mehrezia Labidi, de Abraham, réveille-toi, ils sont devenus fous (L'Atelier).  

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