Les inquiétudes devant les volte-face et l’absence de stratégie américaines. Par Freddy Eytan
L’invasion du nord de la Syrie par les forces turques était prévue après le départ des troupes américaines de la région. Depuis plus de 17 ans, Erdogan gouverne son pays d’une main de fer en se moquant éperdument des relations internationales, de son alliance signée avec les Occidentaux et l’OTAN, en insultant quotidiennement l’Etat juif et en aidant les Frères musulmans.
Sûr de lui-même et mégalomane inné, il pense poursuivre sa politique hégémonique pour restaurer l’Empire ottoman. Depuis 1974, la Turquie occupe la moitié de l’île de Chypre. Depuis plusieurs décennies, elle opprime les Kurdes et bafoue les droits de l’Homme et toutes les libertés. Imaginons, la Turquie musulmane membre de l’Union européenne… Une candidature qui d’ailleurs n’est toujours pas écartée par Erdogan.
Les Européens laissent faire, craignant un afflux de réfugiés et de djihadistes. Leur inquiétude est de revoir des centaines de ressortissants combattants de Daesh sur leur sol circulant en toute liberté.
Daesh a perdu la guerre en Syrie et en Irak, mais n’a pas encore rendu les armes. Les 2 000 combattants détenus en prison pourront être relâchés par les Kurdes suite à l’invasion turque. Ainsi, Daesh poursuivra de plus belle ses attentats terroristes spectaculaires dans la région comme en Europe.
La France de Macron critique le lâchage des Kurdes par Donald Trump mais leur a-t-elle, elle, apporté secours ? A-t-elle envoyé des troupes comme elle l’a fait au Sahel ? Emmanuel Macron ne s’est-il pas engagé à maintenir des forces françaises aux côtés des Forces démocratiques syriennes (FDS) et à soutenir financièrement la reconstruction et les services publics sur le territoire qu’elles contrôlent ? Comme de coutume, toujours des promesses non tenues.
Convoquer après coup le Conseil de Sécurité et faire la morale ne suffisent pas, ni contre la Turquie ni contre les Islamistes. Il faut passer aux actes et non pas critiquer toujours Trump qui ne veut plus être le Gendarme du monde. C’est son droit absolu.
Certes, Israël est inquiet des volte-face du président Trump et de l’absence de stratégie cohérente car la psychologie joue un rôle non négligeable sur les leaders et les peuples. Le manque de réaction américaine contre les attaques iraniennes et turques est interprété comme une forte faiblesse des Etats-Unis et de leurs alliés.
Toutefois, le retrait des troupes américaines de Syrie ne change pas fondamentalement l’équilibre des forces dans la région au détriment de l’Etat d’Israël.
Ce départ ne veut pas dire que les Etats-Unis abandonnent l’Etat juif et ses alliés au Moyen-Orient et que les accords stratégiques et militaires signés vont être supprimés. Dans notre région, il existe plusieurs bases américaines importantes, notamment en Turquie et dans plusieurs pays arabes, une flotte en Méditerranée, et des unités mobiles de Marines capables de lancer des opérations ponctuelles.
Certes, le président Trump est imprévisible et change souvent d’avis selon les circonstances mais, sur le fond, il applique ses promesses électorales. La politique étrangère américaine est basée sur deux piliers : ne plus intervenir dans les conflits locaux et ne plus dépenser de l’argent inutile pour des alliés souvent ingrats. Ses prédécesseurs, Bush et Obama, avaient aussi insisté sur les droits de l’Homme et les valeurs démocratiques. Bush a échoué en envahissant l’Irak et en l’abandonnant ensuite aux Iraniens chiites.
Comme Bush, Obama n’avait pas compris que dans un monde tribal, archaïque et profondément religieux, la démocratie ne marche guère. Son aveugle soutien au Printemps arabe et surtout à la confrérie des Frères musulmans en Egypte et à Gaza n’étaient que des échecs successifs et humiliants. Trump réalise qu’il est impossible de changer ces régimes par la force, ni par la volonté des peuples. Pour maintenir une certaine stabilité au Moyen-Orient et au Maghreb, il est préférable d’avoir des régimes et des royaumes totalitaires.
Le départ américain était d’ailleurs prévu de longue date car il s’inscrit dans une liste de promesses électorales du candidat Donald Trump. Il s’inscrit dans une politique planétaire, bien précise et déclarée, du Président américain qui souhaite privilégier les affaires intérieures de son pays et économiser les budgets et les aides financières extérieures. Rappelons que son prédécesseur, Barack Obama, a refusé, dès le déclenchement de la crise syrienne, d’intervenir militairement pour faire chuter le régime sanguinaire de Bachar el-Assad. Nul doute que le syndrome de la guerre du Vietnam l’avait aussi forcé à un retrait de l’Afghanistan et d’Irak. Dans ce domaine, Trump poursuit la même politique étrangère, mais il le fait différemment, avec fracas, et sur Twitter… Il est triste et regrettable que le propriétaire de la Maison Blanche gère si nonchalamment les affaires du monde.
Sur le plan stratégique, et malgré toutes les difficultés en raison aussi de la présence de la Russie, Tsahal et ses différents services de Renseignement trouveront toujours le moyen de poursuivre les raids contre l’acheminement des armes au Hezbollah et contre toute présence de l’Iran sur le plateau du Golan syrien. Concernant les Kurdes, c’est sans doute un coup sévère et inquiétant pour l’avenir de la région. Rappelons que, déjà, dans les années 1960, les Israéliens avaient aidé les Kurdes dans leur combat et pour leur indépendance, dirigé à l’époque par le chef légendaire Moustafa Barzani, mais depuis les temps ont bien évolué et changé…
Dans ce contexte géopolitique nouveau, les Ayatollahs d’Iran se frottent les mains et Vladimir Poutine suit de près la situation en demeurant sur le sol syrien avec ses 63 000 soldats et ses milliers de mercenaires.
Dans la jungle du Moyen-Orient, le combat de l’Etat d’Israël se poursuivra contre l’Iran, Daesh et le Hezbollah, avec ou sans la présence américaine en Syrie.
En conclusion, le départ des soldats américains de Syrie confirme une fois de plus que nous ne devrions toujours compter que sur notre puissante armée, seul Tsahal est vraiment capable de nous défendre contre les menaces proches et lointaines.
Freddy Eytan, « Les inquiétudes devant les volte-face et l’absence de stratégie américaines », Le CAPE de Jérusalem