« Les valeurs juives plus importantes qu’un journal », dit Bari Weiss du NY Times

« Les valeurs juives plus importantes qu’un journal », dit Bari Weiss du NY Times

S'adressant à 500 personnes via Zoom, l'ancienne responsable de la rubrique "Opinions" continue à défendre Israël et estime que la pandémie est un moment crucial pour la diaspora

Le 14 juillet, Bari Weiss a déclenché un tollé quand elle a soudainement démissionné de son poste de chef de rubrique et éditorialiste au New York Times et en publiant sur son site web une lettre ouverte cinglante. Elle y citait le harcèlement dont elle faisait l’objet quant à la fréquence de ses articles sur des sujets juifs, ainsi que le fait que ses collègues la traitaient de « nazie et de raciste ».

L’auteur acclamée de How to Fight Anti-Semitism [Comment lutter contre l’antisémitisme] était la tête d’affiche d’une campagne en ligne de la Fédération CJA de Montréal pour le rétablissement et la résilience de la communauté, jeudi, où elle a parlé de la force du peuple juif face à la pandémie de COVID-19 et de la montée de l’antisémitisme en Amérique du nord.

S’adressant à environ 500 participants via Zoom depuis son domicile à San Francisco, Mme Weiss a commencé par reconnaître « ce moment très brut et incertain [la crise sanitaire COVID-19] que nous vivons » et ses répercussions financières et émotionnelles mondiales.

« Des millions de personnes sont sans emploi, il y a une agitation sociale énorme dans nos villes, le tribalisme, la haine et la discrimination sont présents partout où nous regardons, et pourtant il semble très difficile de compter sur les dirigeants en ce moment », a-t-elle déclaré à son auditoire.

Les États-Unis, le Canada et le monde se trouvent à un point d’inflexion, a-t-elle dit, un point où les enjeux sont particulièrement élevés pour la diaspora juive.

Bari Weiss s’adressant à 500 personnes via Zoom, invitée d’honneur de la campagne Community Recovery and Resilience de la Fédération CJA de Montréal, le 23 juillet 2020. (Capture écran)

C’est la mauvaise nouvelle, a fait remarquer Bari Weiss. La bonne nouvelle, a-t-elle dit, est que « nous sommes membres du peuple juif – le peuple qui a renouvelé et s’est reconstruit à partir de braises, plus que tout autre peuple dans toute l’histoire de l’humanité ».

« L’histoire juive est plus qu’un souvenir du passé, c’est un manuel de morale. C’est un phare. C’est une boussole. Si nos ancêtres ont pu trouver leur chemin lorsqu’ils ont été frappés d’une manière que nous ne pouvons qu’imaginer, nous le pouvons aussi », commente Bari Weiss.

Reconnaissant qu’elle n’est ni érudite ni rabbin et qu’il lui manque un « diplôme prestigieux », Mme Weiss, lauréate du prix Bastiat 2018 pour son travail journalistique, a fait remarquer qu’il ne faut pas être un génie pour expliquer la résistance des Juifs.

Le secret de cette endurance, a-t-elle dit, réside dans les valeurs juives telles que le monothéisme, la liberté, le respect du shabbat, la valorisation des idées diverses et le caractère sacré de la vie humaine. Ces idées, a-t-elle dit, ont transformé le monde.

Mais les idées ne peuvent pas gagner par elles-mêmes, a-t-elle dit – elles ne brillent que « grâce aux gens qui les font briller ».

« Sans nous, [ces idées] s’évanouissent », a dit Mme Weiss. « Avec nous, elles sont capables d’éclairer le monde. » « Alors que nous vivons ce moment historique, je veux juste me rappeler que l’histoire juive est toujours écrite dans le présent. Ce n’est pas un fait accompli. Nous écrivons maintenant notre part. Nous allons décider de la manière dont nous nous souviendrons de notre histoire, et c’est cette notion qui me donne toujours de l’espoir, même dans les périodes sombres. »

L’éditorialiste a connu sa part de périodes sombres. Outre les menaces de mort de l’extrême droite et des tenants de la suprématie blanche, elle a été victime de l’antisémitisme de gauche lorsqu’elle était étudiante à Columbia et dans de nombreux contextes professionnels.

« J’en plaisante avec les gens, mais c’est en quelque sorte vrai. J’ai l’impression d’avoir une kippa permanente attachée à ma tête à tout moment », a-t-elle déclaré. « Et cela s’accompagne de bénédictions et de responsabilités, comme vous le dira toute personne qui porte son judaïsme en public. »

Elle a confié que le fait d’avoir été publiquement critiquée en tant que Juive l’a incitée à renouer avec le judaïsme.

« Je dis souvent cela : être un Juif anti-antisémites ne suffit pas. Ce n’est pas pour cela que nous avons été mis sur terre. Nous avons été mis sur terre pour être des Juifs. Plus je me suis connectée à mon propre judaïsme, à l’histoire juive, plus ma conviction est devenue forte. Je suis très claire sur qui je suis, sur ce que je suis et sur ce pour quoi je me bats », a-t-elle affirmé.

Beaucoup de gens pensent que [ma démission est] folle, comme, pourquoi abandonner ce poste de prestige ? Pour moi, c’est extrêmement clair : je fais partie d’une lignée de personnes qui défendent des valeurs bien plus importantes que n’importe quelle plateforme ou journal prestigieux.

Et c’est ce qui, explique-t-elle, l’a décidée à quitter le New York Times.

« Beaucoup de gens pensent que [ma démission est] folle, comme, pourquoi abandonner ce poste de prestige ? Pour moi, c’est extrêmement clair : je fais partie d’une lignée de personnes qui défendent des valeurs bien plus importantes que n’importe quelle plateforme ou journal prestigieux. C’est vraiment ce qui me motive », a-t-elle indiqué.

Au niveau mondial, Mme Weiss estime que la pandémie a intensifié l’antisémitisme. Elle cite comme l’une des raisons le besoin des gens d’avoir un bouc émissaire en période de troubles ; l’augmentation du temps d’écran polarise également davantage les gens sur le plan politique, selon elle, et les interactions en ligne facilitent la déshumanisation des personnes qu’ils ne rencontrent jamais face à face.

Ce dont nous avons besoin en ce moment, c’est de penser « sioniste », a-t-elle dit, précisant qu’elle ne parlait pas seulement de soutenir Israël, mais plutôt de penser de manière créative et audacieuse.

« Pensez aux personnes qui vivaient dans des maisons confortables à Budapest et qui se sont dit dans les années 1900 et 1910 : ‘Nous allons mettre des sandales et déménager dans un marais.’ S’ils étaient capables d’avoir ce genre d’idée radicale, nous aussi », a-t-elle souligné.

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