
Michel Houellebecq le voyant qui se défend de l’être - Vanessa De Loya Stauber
Connu pour son goût de l’anticipation, il a envisagé l’impensable, annoncé la montée du terrorisme islamique, messager de mauvaises nouvelles, il a mis le doigt sur nos peurs brûlantes. Epouvantails lisibles dans ses livres dés 2015. L’ex Ministre E.Valls a dû rassurer les français suite à la sortie de «Soumission » en s’écriant que la France islamiste n’adviendra pas. L’histoire aujourd’hui donne raison à l’auteur avec le rapport miné sur les frères musulmans.
Jamais aussi proche du totalitarisme injecté par l’Iran. Urgent crier au déminage de cet endoctrinement tentaculaire au sein des écoles coraniques fréristes, et des nombreuses associations fédératrices comptant un nombre affolant de militants qui propagent la stratégie du martyr !
Parallélement le prix de Jérusalem a été attribué à l’unanimité lors du forum du livre à cet écrivain qualifié comme réfléchissant profondément à la condition humaine. N’ayant de cesse à décrire la déroute de l’aventure moderne.
‘’ Les grands romans véhiculent des mauvaises nouvelles ‘’ dit -il….
Précisons que 13 de ses livres sont traduits en hébreu.
Durant son voyage de 10 jours, M.H a été invité au Musée d’art moderne de Tel -Aviv à une soirée littéraire et musicale. En collaboration avec l’Institut Français et l’édition Babel pour présenter son livre “ la carte et le territoire “ adapté en roman graphique par l’illustrateur Louis Paillard.
Sans texte à l’appui, avec fébrilité, M.H déclama ses poèmes. Eran Tzur chanteur rock et fan de l’auteur ravit le public.
M.H a tenu à se rendre au kibboutz Be’eri, l’un des plus ravagé lors du 7 Octobre. Suivi du Mémorial de Yad Vashem (institut international de la mémoire) puis à la nouvelle bibliothèque, remarquable pour son architecture. En dernier lieu il a visité l’Eglise du Saint Sépulcre où repose le tombeau du Christ... L’auteur a mesuré durant ce deuxième voyage en Israël combien Jerusalem occupe une place symbolique pour les Chrétiens.
Je relaterai ici les propos épars tenus par M.H lors de la conversation publique du 22 Mai à Jerusalem avec Arik Glasner, critique littéraire, théoricien écrivain et son échange avec Jeremy Fogel philosophe.
…Aprés mon retour d’Irlande où j’ai vécu 10 ans, j’ai eu un choc devant l’extension des mosquées et des associations propagées dans la France. Je me suis aussitôt documenté.
Pour autant je ne suis pas certain de la tache prophétique des écrivains. Si on parcourt la bible,
Daniel peut être lu comme une histoire passionnante. Jonas est proche d’une littérature de fiction. Le cantique est trop surfait selon moi, trop de métaphores...
Au départ Soumission était une histoire plus qu’une prophétie. L’actualité a propulsé ce livre à une autre place. La vérité est méchante.
La puissance de la littérature je l’ai ressentie lors de ma visite au kibboutz de Be’eri voyant dans les décombres d’une maison saccagée un de mes livres ‘’restez vivant, mode d’emploi ’’ en hébreu !
Je mesure la capacité du détachement que procure un livre. Quand il n’y a plus rien à lire c’ est effrayant, ça nous renvoit à vivre le réel !
Un seul monde à habiter ne suffit pas. Ecrire c’est vouloir un autre monde. Il faut espérer que le lecteur veuille aussi un monde supplémentaire.
A la question quel est mon livre préféré je dirai celui qui m’a donné du fil à retordre compte le plus. De la même manière qu’on aime plus les enfants handicapés.
La poésie est centrale dans ma vie. Il faut être prêt quand ça se produit, c est pas un travail. La possibilité d’une îsle m’a permis d’ intégrer la poésie. Lamartine l’a fait comme un aboutissement dans Graziella. Balzac écrit n’importe comment, il peut bacler ! Flaubert le perfectionniste est mortifère. J’aime Pierre Michon, il se donne beaucoup de mal dans chaque phrase, on sent sa souffrance. J’ai choisi l’intensité dans l’écriture plus que le style. Thomas Mann me fait rire et pleurer. Ça compte de réunir les deux dans un écrit. Emmanuel Carrère se situe au centre de ses livres. Ça me ressemble pas mais je l’aime ! Je reproche le manque de réalité sociale dans la littérature. Le roman il faut y réfléchir avant de le commencer. Ne pas le finir est un échec dont on ne se remet pas. Je peux écrire avec beaucoup de clarté, ma dérision a participé au succés inattendu des Particules élémentaires.
Quelle phase dans l’écriture je préfère, la partie la plus agréable. Dans le 1 tiers on se dit on va y arriver, à la fin c’est plus dure comme un état de surchauffe du cerveau. L’essentiel est de poursuivre une recherche philosophique. La question de Dieu n’est pas absente dans mes livres. Elle est centrale alors que Dostoïevski en parle moins….L’amour aussi est présent, parfois sous la forme de l’évitement humain. J’ai reconnu être romantique : l’espoir d’une rencontre nous aide à rester vivant « voilà ce sera toi » ….
Vous me désignez comme l’écrivain français le plus exportable au regard des déconstructeurs, j’avoue ne pas les avoir lus.
En occident on a peur de tout, de sa santé de son régime …suis pas prophète mais je sens que l’occident a fait son temps ! J’ai peu d’estime pour le 20 siècle je me sentirai plus à l’aise au 19 siècle.
Dans mon essai ‘’en présence de Shopenhauer ‘’je dis le préferer à Nietzsche qui rejette la compassion. L’éternel retour n’existe pas sinon en opposition au boudhisme. Mon petit vice est de me moquer de Nietzsche, ne croyant pas à sa sincérité sauf quand il titille Kant. Pour autant je trouve excellent son livre ‘’Shopenhauer éducateur’’.
On m’a reproché l’ennui présent dans mes livres. Je pense à la chanson ‘’envie d’avoir envie’’…Le désir s’effrite avec l’âge de la société. L’Europe est bien pire qu’Israël.
La menace constante amplifie le désir de vivre.
La guerre redonne le goût à la vie, elle exulte une joie de vivre palpable dans votre pays......
Du passage en Israël de Michel Houellebecq, retenons le soin des interlocuteurs à ne pas l’enfermer dans un qualificatif de prophète et de veiller à ne pas l’alourdir en l’interrogeant sur nos turpitudes.
Avec acuité, il a saisi notre instinct de conservation haut en couleur qui nous épargne de l’entropie pour transformer la crainte du futur en élan vital !
Vanessa De Loya Stauber, psychanalyste.
Jerusalem