Municipales en Tunisie. La stratégie des islamistes

Municipales en Tunisie. La stratégie des islamistes

 - Le Telegramme

 

Les premières municipales libres de Tunisie ont été marquées par une forte abstention dimanche dernier, les Tunisiens se disant démobilisés par les difficultés économiques et politiques. Ce vote était pourtant jugé crucial pour enraciner la démocratie dans l’unique pays rescapé du Printemps arabe. 

De notre envoyé spécial en Tunisie. Certes, seul un tiers des électeurs est allé aux urnes dimanche dernier lors des premières municipales en Tunisie après sa « révolution de Jasmin ». Le parti islamiste Ennahdha retrouve une position de leader devant Nidaa Tounes (Appel de Tunis), le parti présidentiel de Béji Caid Essebsi censé lui faire barrage à sa création en 2012. Paradoxe, les deux formations cohabitent au gouvernement.

Cette coalition de consensus semble avoir provoqué une défiance des deux-tiers des électeurs ayant choisi d’offrir largement leurs suffrages aux diverses listes « indépendantes » (celles-ci remportent 2 367 élus, soit 32,9 % des sièges). Des candidats anti-système ou encore des Benalistes (partisans de l’ex-Président Zine el-Abidine Ben Ali, tombé en 2011) faisant campagne pour un retour à l’ordre. S’ajoutent une inflation élevée, un chômage qui grimpe, ayant donné un premier signe de désaveu avec les manifestations violentes, sur fond de crise économique, en janvier dernier.

La carte de la séduction

En arrivant en tête (2 135 élus, soit 28,6 % des sièges), Ennahdha semble avoir mieux résisté à la débandade des partis traditionnels. Fier d’avoir renversé la parti présidentiel, Ennahdha, de Rached Ghannouchi, rêve de rafler les principales villes dont Tunis, Bizerte, Sfax… ou Djerba où il pointe en tête, et minimise cette désaffection en criant victoire.

Mais sans majorité absolue, il se voit dans l’obligation de se tourner à nouveau vers Nidaa Tounes (troisième avec 1 595 élus, soit 22,17 % des sièges), dominant l’Exécutif, afin de constituer des alliances lors du vote des conseils municipaux, d’ici à début juin. En échange, le leader islamiste donne des gages et use de sa stratégie à la patte de velours.

Soucieux de rompre avec l’image d’un islamiste radical dont il peine à se défaire, à l’étranger comme à l’intérieur du pays, le leader islamiste, en stratège, joue malicieusement la carte de séduction. D’abord, en répétant - sans convaincre ses adversaires - séparer le religieux du politique. Autre symbole aussi puissant, malgré l’hostilité de ses partisans, il fait élire sous sa bannière un juif tunisien. Simon Slama, membre d’une famille juive restée à Monastir. Devant l’étonnement suscité jusqu’au sein de sa famille, Simon Slama se réclame « candidat citoyen » sur une liste d’un parti qui a « changé ».

 

Le changement se fait attendre

Puis, le coup de Tunis. Ghannouchi, désormais en cravate, s’enorgueillit de la victoire d’une pharmacienne de 53 ans, non voilée. Souad Abderrahim est issue des rangs islamistes, députée à la précédente législature. Répondant à ceux qui ne veulent pas voir une « cheikh (nom donné aux imams) » à ce siège très symbolique de maire de la capitale, elle donne le ton : « Devenir la première femme maire de Tunis, c’est un honneur pour la femme tunisienne ».

Face au bras de fer, des tractations inédites de toutes parts se jouent avec les « indépendants », qui veulent jouer leur rôle sur le local. On imagine mal les islamistes bloqués par Nidaa Tounes, co-responsable de l’Exécutif. Dans le cas contraire, une crise profonde pourrait crisper encore les Tunisiens, lassés d’attendre un réel changement de la politique économique et sociale, à un an des élections législatives et présidentielle.

 

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