Rencontre-débat autour de Gisèle Halimi à l’institut français de Tunisie : Traduire contre l’oubli
Cet évènement littéraire d’envergure a été annoncé lors d’une rencontre-débat organisée à l’Institut français de Tunisie, titrée « Pourquoi traduire Gisèle Halimi en langue arabe ? » : afin de rendre hommage à l’une des avocates militantes les plus engagées de son époque. Feu Gisèle Halimi était à l’avant-garde des combats menés au profit de la Femme, notamment celui pour le droit à l’avortement et de l’entière liberté de disposer de son corps. La militante tunisienne s’est longtemps engagée pour l’abolition de la peine de mort, entre autres causes justes.
Walid Soliman et Walid Ahmed Ferchichi, les deux traducteurs des deux livres, ont répondu présents lors de cette rencontre, à côté de l’éditeur Habib Zoghbi et de l’avocate et militante pour les droits des libertés individuelles et les droits des femmes Bochra Bel Haj Hmida. Se sont joints à la discussion via internet, Karima Dirèch, historienne franco-algérienne, Samia Maktouf, avocate franco-tunisienne et présidente de l’Association des avocats franco-tunisiens et Wassyla Tamzali, écrivaine et militante féministe algérienne. Ahlem Lamouchi, présidente du bureau de Tunis de la Fédération internationale des femmes africaines a modéré l’échange. Cet évènement a été soutenu dans le cadre du projet «Livres des 2 rives » et concrétisé en partenariat avec « La Maison du livre ».
Ce rendez-vous, hommage à cette icône des combats pour la dignité de l’être humain, souligne l’importance de la traduction dans une société plurilingue, telle que la Tunisie. Il s’agit d’ailleurs d’une parution première des deux traductions en langue arabe. L’engagement de Gisèle Halimi est politique et universel, y compris pour l’égalité femmes / hommes. Cette dernière, sous protectorat, a défendu les causes de son pays, et s’est engagée pour les nations algériennes et tunisiennes.
Habib Zoghbi, en hommage à cette sommité, déclare que ce projet était un « rêve ». Que les livres de Halimi ne soient pas traduits en langue arabe était, selon lui « inacceptable ». Une traduction qui a vu le jour après la disparition de la militante au parcours inégalé. M.Zoghbi lance un appel au ministère de l’Education tunisien : celui de programmer les ouvrages de Halimi dans l’enseignement.
Samira Maktouf, depuis Paris, s’est exprimée sur cette visionnaire : « Halimi aurait été sur tous les fronts de nos jours, si elle était encore parmi nous. Elle a toujours cru en une Tunisie moderne et en les progrès qu’elle a acquis», rappelant ses combats lors de son intervention. De nombreuses libertés fondamentales défendues par Halimi ont vu le jour une fois pratiquées : elle faisait du terrain et était pédagogue et femme d’action. Etant imprégnée par Halimi, l’Association des avocats franco-tunisiens a créé un prix en hommage à « Gisèle Halimi ».
Bochra Bel Haj Hmida est revenue sur quelques anecdotes qui l’ont liée à Gisèle. « Je l‘ai connue très tôt, enfant même, mais je n’étais pas assez consciente de l’engagement de cette personnalité et à quel point elle allait m’inspirer par la suite. Elle militait farouchement contre la torture et la peine de mort. Je regrette qu’elle n’ait pas exercé en Tunisie ». Ces combats étaient ceux de toutes les générations.
Walid Soliman, traducteur en arabe d’ «Une farouche liberté» regrette que la nouvelle génération ne connaisse pas les combats de Halimi et son parcours inspirant, suivi, pendant des décennies, par des philosophes et écrivains de toutes parts. « Elle a fait gagner aux femmes beaucoup de temps et d’acquis. C’est le livre qui me rend le plus fier de l’avoir traduit. Le jargon que j’avais traduit était spécial et pas facile. Il fallait respecter sa touche, son esprit. Pendant que je traduisais, c’est comme si je l’écoutais ou que je parlais avec elle. J’aurais aimé qu’elle voit ses livres en langue arabe », déclare Soliman.
Walid Ahmed Ferchichi, traducteur d’ « Avocate Irrespectueuse » a déjà traduit Olfa Youssef. « Je rends hommage à la famille Halimi qui fait partie du patrimoine tunisien arabo-juif ». L’homme de lettres enchaîne : « Ce qui m’a fasciné dans le livre, c’est la ténacité de Gisèle à remettre en cause ce noble métier d’avocat et à l’interroger. Dans ce livre, elle fait son « mea-culpa » avec une grandeur d’esprit fascinante. Elle n’a jamais défendu des causes perdues et des perdants. Cette traduction consolide davantage ce travail de mémoire collective ». Issu du Sommet des deux rives, le programme « Livres des deux rives » vise à renforcer le dialogue entre les deux rives de la Méditerranée par des actions de coopération autour du livre, à soutenir les flux de traductions entre le français et l’arabe, et à accompagner le secteur du livre en Tunisie, en Algérie et au Maroc. Porté par l’Institut français et doté de 80.000 euros, le programme «Livres des deux rives», se poursuit jusqu’en février 2023. Les deux premiers livres traduits de Gisèle Halimi seront bientôt en vente.