TU FINIRAS CLOCHARD COMME TON ZOLA, PAR PHILIPPE VAL

TU FINIRAS CLOCHARD COMME TON ZOLA, PAR PHILIPPE VAL

Cet ouvrage imposant, près de neuf cents pages, est en fait une biographie de Philippe Val. Pour la forme, c’est un clone de l’ancien patron de Charlie Hebdo qui s’adresse au jeune fils, cinq ans, de Val, pour lui narrer, par le menu, l’histoire extraordinaire de son géniteur.

On est littéralement subjugué par les références littéraires aussi nombreuses qu’appropriées qui témoignent de la culture exceptionnelle de l’auteur. Zola, bien sûr, mais aussi, au fil des pages : Socrate, Aragon, Rimbaud, Musset, Descartes, Molière, Montesquieu, La Fontaine, Dumas, Borges, Apollinaire, Verlaine, Du Bellay, Proust, Villon, Genet, Sartre, Barthes, Shakespeare, Sagan, Bourdieu et j’en passe. Et, pour ce qui est de la chanson : Piaf, Brassens, Mariano, Trenet, Félix Leclerc, Vian, Barbara, Mouloudji, Gréco, Léo Ferré, Bob Dylan, Renaud, Nougaro et bien d’autres. Sans oublier le cinéma : Abel Gance, Gary Cooper, Ingrid Bergman et tutti quanti. Et la musique classique, Mozart, par-dessus tout.

Sans fards, véritablement à cœur ouvert, Philippe Val évoque son enfance, ses parents, ses grands-parents, ses frères, ses oncles et ses tantes, ses années d’école et de lycée, ses camarades de classe, la pension, les vacances, notamment en Allemagne et son chien, Jef, un épagneul breton.  Son père, René-Alphonse, un boucher qui a réussi dans le commerce à grande échelle de la viande de cheval, un « président-directeur d’une boucherie en gros », divorcera de son épouse, Jacqueline, pour se mettre en ménage avec Manou. « Merde, où est passée maman ? » se dira longtemps Philippe. Sa mère aura en fait plusieurs compagnons, dont le gros Marcel. « Toute l’enfance de Philippe était une fuite vers l’âge adulte ».

Très jeune, Philippe Val est confronté au problème de l’antisémitisme. À travers Zola, précisément et l’affaire Dreyfus. « Et Philippe a compris que Zola et ses amis, en défendant Dreyfus, parce qu’il était innocent, défendaient également l’idée que l’antisémitisme n’était pas une opinion  parmi d’autres ». Pour Philippe Val, l’antisémitisme était une barbarie qui précipiterait l’Europe dans la catastrophe. Pendant longtemps, avant de se lancer dans le journalisme, Philippe Val sera un homme de scène, une bête de spectacle. Il formera, avec Patrick Font, un duo qu’on pouvait croire indestructible, « Font et Val ». Et pourtant ! Les deux amis finiront par se séparer. Plus tard, quand il sera amené à diriger Charlie Hebdo renaissant, il imposera une charte très stricte que Cavanna rédigera à sa demande et à celle de Cabu. « Celle-ci stipulera que le respect des idéaux universalistes des Lumières, de la Raison et des droits de l’homme, la défense de la démocratie et de l’État de droit, le refus de l’antisémitisme, la lutte contre le racisme et l’engagement pour la défense des animaux  devrait être la règle à Charlie. Val tint même à préciser qu’il quitterait illico le journal s’il venait un jour à flirter avec l’antisémitisme.

C’est à l’époque de la seconde Intifada que Philippe Val, à contre-courant de nombre de ses amis, commence à se rapprocher d’Israël. Il découvre les liens qui unirent en son temps le mufti de Jérusalem à Hitler, le financement par les nazis des Frères Musulmans et que le peuple palestinien est avant tout victime de ses dirigeants. Bref, il préférait Tel Aviv à Gaza.

Les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, le meurtre de Sarah Halimi, sont parmi les sujets traités dans ce récit passionnant.

Un véritable document sur une époque riche en événements de la vie française.

Ce livre a reçu le prix « Europe » de la LICRA lors du 12ème Salon du Livre de l’Antiracisme et de la Diversité de la Fédération de Paris de la LICRA qui s’est tenu le 19 mai 2019 à la mairie du 5ème arrondissement.

Jean-Pierre Allali

(*) Éditions de l’Observatoire. Janvier 2019. 864 pages. 24,90 €.

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