Tunis me plaisait : un mélange.

Tunis me plaisait : un mélange.

 

En 1932, à l’occasion d’un voyage en Italie, Fernand Braudel, alors professeur à Alger, fit escale à Tunis. Il l’évoquait ainsi en 1983 dans le Corriere della Sera :

« Je fis halte à Tunis, la ville nord-africaine, méditerranéenne, déjà levantine, que je préférais à toutes les autres (…) L’Italie et la France, tout en se querellant, y avaient greffé sur un vieil héritage la ville la plus joyeuse, étonnante et capiteuse que j’aie jamais connue. » Dans son journal personnel étudié par sa disciple Giuliana Gemelli il ajoutait :

 « Poésie, lumière, joies de la table (…) plaisir éperdu de la mer (…) la Méditerranée est pour moi mélange (…)

Tunis me plaisait : un mélange. »

---------

Les Livournais et la Tunisie

Sans doute les Tunisiens d’aujourd’hui ont-ils oublié cette présence livournaise à Tunis. L’histoire d’une minorité privilégiée heurte toujours le politiquement correct. Le souvenir en reste au moins chez les Andalous, toujours attachés à leur identité et à leur passé.

Les Tunisiens éprouvent pourtant la nostalgie du pluralisme. Certes la cohabitation avec les Grana a surtout été vécue au niveau des classes supérieures. Elle a permis à la Tunisie une ouverture sans domination.

Les Grana ont reçu du pouvoir des privilèges et obtenu la considération qu’ils attendaient en contrepartie de ce qu’ils avaient apporté. Ils ont permis une société plurielle. En Algérie, les minorités italiennes et espagnoles ont oublié leur culture et se sont fondues dans l’entité française. En Tunisie, l’identité italienne s’est maintenue malgré la colonisation française. L’aurait-elle pu sans la base que représentait cette élite moderne, capable de sauvegarder sa différence tout en maintenant sa maîtrise de la culture française ?

La Tunisie tout entière n’a-t-elle pas bénéficié de la coexistence de ces deux cultures greffées sur la sienne propre ? L’intervention, l’an dernier, de mon ami Adriano Salmieri me l’a fait croire. Les notes de voyage de Fernand Braudel m’en ont fait prendre conscience.

Lionel Lévy

 

Envoi de Renato Bensasson

Français