Tunisie. 1968, un printemps rebelle

Tunisie. 1968, un printemps rebelle

Que reste-t-il du “Mars 68” tunisien ? Le site tunisien Leaders évoquait cette“époque impitoyable qu’a vécue la gauche tunisienne dans les années soixante”, à l’occasion de la sortie en 2013 du documentaire La Mémoire noire. Le réalisateur, Hichem Ben Ammar, “a essayé, à travers une série de quatre témoignages, de faire revivre les atrocités commises par Bourguiba envers Perspectives et le mouvement de gauche créé en 1963 [à la résidence universitaire d’Antony] à Paris. Entre les arrestations spectaculaires et les procès politiques retentissants, les militants de gauche en ont vu de toutes les couleurs.”

Ces militants seront surnommés les “perspectivistes”, du nom de la revue Perspectives tunisiennes, publiée par le Groupe d’étude et d’action socialiste tunisien (Geast). Ils tentent d’analyser la situation de leur pays et de proposer des solutions de remplacement au pouvoir autoritaire de Habib Bourguiba et de son parti, le Néo-Destour, au cœur de la lutte pour l’indépendance dès les années 1930 et à la tête du pays de 1957 à 1987.

Un symbole de résistance à la dictature

Jusqu’au début des années 1960, l’Union générale des étudiants de Tunisie (Uget) offrait un espace d’expression ouvert aux débats avant d’être progressivement noyautée par les fidèles du régime. Alors que les perspectivistes, ancrés à gauche, sont très critiques à l’égard du parti au pouvoir. À partir de 1965, les grèves et les manifestations se succèdent et sont violemment réprimées. Le mouvement se mobilise aussi pour des causes régionales et internationales. Début juin 1967, durant la guerre israélo-arabe des Six-Jours (5-10 juin), il manifeste sa solidarité avec le peuple palestinien. Des attaques menées contre les ambassades anglaise et américaine et contre le quartier juif de Lafayette, dans le centre de Tunis, déstabilisent le mouvement. Les tensions entre les autorités et les contestataires se durcissent. En janvier 1968, à l’occasion de la visite du vice-président américain Hubert Humphrey, les étudiants tunisiens descendent dans la rue pour dénoncer la complicité de l’impérialisme anglo-américain avec le sionisme et aussi pour affirmer leur solidarité avec le peuple vietnamien.

La répression est de plus en plus forte, comme en témoignera le philosophe Michel Foucault, qui vivait à cette époque en Tunisie en tant que professeur invité à la faculté de lettres de Tunis, et dont des élèves participaient au mouvement. La mobilisation ne faiblit pas. Une grève générale est lancée le 15 mars pour exiger la libération des détenus. La répression est plus forte que jamais. À l’aube du 20 mars, l’arrestation de plus de 100 militants qui seront condamnés à de lourdes peines de prison va freiner le mouvement, qui perd de son élan sans avoir réussi à toucher les travailleurs. Ces derniers, quoique au centre du discours politique et social des perspectivistes, sont fidèles à leur syndicat, l’Union générale tunisienne du travail, et ne rejoignent pas les rangs des contestataires. Pour les Tunisiens, “Mars 68” restera un symbole de résistance à la dictature.

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