Un second mandat de Trump : perspectives et défis
David Bensoussan
L’auteur est professeur de sciences à l’Université du Québec
La victoire décisive du président Trump a surpris, d'autant plus que les sondages annonçaient une lutte serrée avec la candidate démocrate Kamala Harris. Avec un écart de 4 millions de voix dans le vote populaire, une majorité écrasante de 86 sièges au Sénat, et le contrôle total du Congrès, Trump domine désormais les branches exécutive, législative et judiciaire. La Cour suprême, conservatrice grâce à ses précédentes nominations, reste un atout majeur. Malgré deux tentatives d’assassinat et de destitution, ainsi que de multiples accusations civiles, Trump entame son mandat avec un pouvoir sans précédent. Il dispose d'une marge de manœuvre considérable.
Mesures économiques
Les États-Unis font actuellement face à des dettes annuelles colossales, avoisinant 1 billion de dollars. Pour y remédier, Trump souhaite ralentir la mondialisation. Ces dernières décennies, des milliers d’usines ont été délocalisées vers l’Asie, principalement en Chine. Alors qu'en 1945, la production industrielle américaine représentait 50 % de la production mondiale, elle n’en représente plus que 15 % aujourd’hui.
Sous la bannière de "America First", Trump envisage des taxes d’importation massives, avec une imposition de 60 % sur les produits chinois et de 20 % sur ceux en provenance d’Europe. Le but recherché est d’augmenter la production manufacturière aux États-Unis même. Une réduction radicale des services gouvernementaux, supervisée par Elon Musk et Vivek Ramaswamy, est également prévue en vue de faire des économies substantielles.
Sur le plan environnemental, Trump continue de s’écarter des engagements internationaux : les États-Unis restent hors de l'accord de Paris sur le climat et envisagent d'augmenter la production pétrolière de 13,5 à 15 milliards de barils.
Politique intérieure
L'administration Trump prévoit un durcissement des mesures contre l'immigration illégale, ciblant spécifiquement les criminels et émeutiers sans nationalité américaine.
La campagne électorale américaine a été marquée par des attaques verbales des deux côtés, au détriment de propositions socio-économiques concrètes. Les partisans du "progressisme" et du "wokisme" universitaires feront face à une opposition féroce : Trump a promis de déployer tous les moyens pour contrer ces mouvements.
Politique extérieure
Sous la présidence d’Obama, la dissuasion américaine a reculé. La Russie a annexé des territoires en Géorgie et en Ukraine, tout en établissant une base militaire permanente en Syrie. Trump, lui, s’engage à redéfinir les alliances, revenant à une doctrine claire : soutenir les pays alliés et s'opposer aux ennemis.
Le budget militaire des alliés américains sera augmenté. Des pays comme le Japon, la Corée, Taïwan et les pays membres de l’OTAN devront consacrer 2 % de leur PNB à la défense, en investissant notamment dans les avions furtifs F-35. Trump demande également aux alliés de financer la présence des armées américaines sur leur territoire. Son plan d’action pourrait revitaliser les armées des pays alliés et amoindrir le danger militaire russe ou chinois.
En ce qui concerne l'Ukraine, la position de Trump reste incertaine. Sa priorité sera d'affaiblir l'alliance Russie-Chine, même si cela impliquerait de de forcer un accord entre la Russie et l'Ukraine, potentiellement aux dépens de Kiev.
Dans le Pacifique, Trump va chercher à contenir la Chine tout en cherchant des terrains d’entente sur le plan économique et un modus vivendi sur le statut de Taiwan.
Quelle que soit l’administration américaine en place, Israël demeure le seul allié fiable dans l’ensemble des pays du Moyen-Orient. Le futur secrétaire d'État Marco Rubio va s’éloigner des politiques démocrates qui ont cherché à contenir l’Iran, brider Israël et œuvrer pour une solution à deux états. Il défend les mesures prises par Israël pour lutter contre le terrorisme palestinien et se propose d’exercer des pressions maximales sur l’Iran.
Revirement stratégique
Des figures telles que Matt Gaetz, accusé de délit sexuel, Tulsi Gabbard, proche de la Russie et de la Syrie, ou encore Pete Hegseth, animateur de Fox News sans expérience militaire suffisante, respectivement pressentis pour des hauts postes dans la justice, le renseignement et la défense font sourciller les observateurs. Ces nominations devront toutefois être approuvées par le Sénat.
Les positions de Trump reflètent une volonté de rupture stratégique. Avec une imprévisibilité qui est à la fois sa force et sa faiblesse, Trump s'oriente vers un rétablissement de l'hégémonie américaine sur des bases claires. Contrairement à l’administration Biden, il ne tergiversera pas sur les grandes questions de l'heure.
A Second Trump Term: Perspectives and Challenges
David Bensoussan
The author is a professor of science at the Université du Québec
The decisive victory of President Trump was surprising, especially as polls predicted a close race against Democratic candidate Kamala Harris. With a 4-million-vote lead in the popular vote, an overwhelming Senate majority of 86 seats, and full control of Congress, Trump now dominates the executive, legislative, and judicial branches. The Supreme Court, leaning conservative due to his prior appointments, remains a significant asset. Despite two assassination attempts, impeachment efforts, and numerous civil accusations, Trump begins his term with unprecedented power, allowing him considerable latitude.
Economic Measures
The United States is grappling with massive annual debts, approaching $1 trillion. To address this, Trump aims to curb globalization. Over recent decades, thousands of factories have relocated to Asia, primarily China. While in 1945, U.S. industrial production accounted for 50% of global output, it now represents just 15%.
Under the banner of "America First," Trump plans massive import tariffs—60% on Chinese goods and 20% on European products. The goal is to boost domestic manufacturing. Additionally, a drastic reduction in government services, overseen by Elon Musk and Vivek Ramaswamy, is expected to yield substantial savings.
On environmental policy, Trump continues to distance the U.S. from international commitments: the country remains outside the Paris Climate Accord and intends to increase oil production from 13.5 to 15 billion barrels.
Domestic Policy
The Trump administration plans stricter measures against illegal immigration, specifically targeting criminals and rioters without U.S. citizenship.
The U.S. election campaign was marked by verbal attacks on both sides, overshadowing substantive socio-economic proposals. Progressivism and "woke" university movements face fierce opposition: Trump has vowed to use all means to counter these ideologies.
Foreign Policy
During Obama’s presidency, American deterrence waned. Russia annexed territories in Georgia and Ukraine and established a permanent military base in Syria. Trump pledges to redefine alliances with a clear doctrine: support allied nations and oppose adversaries.
The military budgets of American allies will increase. Countries such as Japan, South Korea, Taiwan, and NATO members must allocate 2% of their GDP to defense, investing particularly in F-35 stealth aircraft. Additionally, Trump demands allies fund the presence of U.S. troops on their soil. This strategy could revitalize allied militaries and mitigate threats from Russia or China.
Regarding Ukraine, Trump’s position remains uncertain. His priority will likely be weakening the Russia-China alliance, potentially forcing a settlement between Russia and Ukraine, even at Kiev’s expense.
In the Pacific, Trump seeks to contain China while exploring economic cooperation and a modus vivendi regarding Taiwan's status.
Irrespective of the administration in power, Israel remains the U.S.’s only reliable ally in the Middle East. Incoming Secretary of State Marco Rubio plans to distance himself from Democratic policies aimed at containing Iran, restraining Israel, and pursuing a two-state solution. Rubio supports Israel’s measures against Palestinian terrorism and advocates for maximum pressure on Iran.
Strategic Shift
Proposed appointments like Matt Gaetz (facing allegations of sexual nature), Tulsi Gabbard (perceived as sympathetic to Russia and Syria), and Pete Hegseth (a Fox News host with limited military experience) for high-ranking positions in justice, intelligence, and defense, respectively, have raised eyebrows among observers. These nominations will require Senate approval.
Trump’s positions reflect a desire for strategic disruption. His unpredictability, both a strength and a weakness, signals a move to reestablish American hegemony with clear priorities. Unlike the Biden administration, he is unlikely to waver on critical issues.