Elia Finzi : Imprimeur, fils d'imprimeur

Elia Finzi : Imprimeur, fils d'imprimeur

Il était imprimeur de père en fils, éditeur, journaliste, fondateur et directeur du seul journal italophone de Tunisie et du monde arabe, «Il Corriere di Tunisi», un bimensuel fondé en 1956, doublé d’une version en ligne accessible depuis 2005 sur Internet. Les fameuses «Editions Finzi » de la rue de Russie, c’était lui. Elia Finzi nous a quittés, il y a juste quelques semaines, à l’âge de 85 ans. Ce descendant d’immigrants juifs livournais (les Grana) installés à Tunis depuis près de deux siècles était né Tunisien, comme son père et son grand-père. Ses enfants le sont aussi.

Au XIXe siècle, une importante communauté italienne s’est installée en Tunisie. Des quelque 100.000 Italiens qui vivaient en Tunisie du temps du Protectorat français, il n’en reste plus aujourd’hui que quelques centaines, en grande majorité ressortissants tunisiens. Il Corriere di Tunisi qui en est le vestige, l’icône, perpétue la culture et la langue italiennes. Elia Finzi était lui aussi la mémoire vivante de la communauté. Il sera relayé dans ce statut par sa fille Silvia, professeur à l’Université de Tunis.

La communauté Grana, associée depuis toujours au souk du même nom de la médina de Tunis, a marqué de son influence la capitale avec ses immeubles art déco, ses théâtres, son dialecte et sa cuisine. La romancière italo-tunisienne Marinette Pendola considère à juste titre que l’expérience des migrants italiens en Tunisie s’inscrit dans une vraie tradition d’ouverture et de tolérance méditerranéennes. La communauté livournaise fait partie non seulement du passé mais constitue encore de nos jours une passerelle entre les deux rives de la Méditerranée.

L’arrière-grand-père d’Elia Finzi, imprimeur de profession et fondateur de la lignée familiale tunisoise a 25 ans quand il débarque à Tunis en provenance de Livourne, comme réfugié politique. Comme beaucoup de jeunes de sa génération, il était un fervent partisan de l’unité italienne et des idées laïques, révolutionnaires pour l’époque, de Mazzini, et surtout de Garibaldi, artisan de l’unité italienne. Julio Finzi ne tarde pas à devenir une sorte d’agent de liaison entre les réfugiés politiques nouvellement installés et le gouvernement beylical. Rejoint par les siens, il fonde une famille nombreuse dont la majeure partie fait souche dans sa nouvelle patrie. Dès la première année de son installation, en 1829, ce pionnier fonde une imprimerie. Les premiers ateliers étaient situés à l’actuelle rue de la Commission, tout près de sa maison où allait loger, quelques années plus tard et pour un certain temps, le grand Giuseppe Garibaldi. Tunis entra ainsi dans l’ère de l’imprimerie moderne. Le grand-père d’Elia Fizi, Vittorio, qui a repris en main l’entreprise familiale, diversifie l’activité en l’étendant à la librairie et à la reliure mais doit attendre jusqu’en 1879 l’autorisation beylicale pour introduire la typographie, puis la lithographie, avec interdiction absolue d’imprimer des écrits à caractère politique, assortie de l’obligation de se soumettre à un contrôle strict…

C’est le père d’Elia, qui déplace en 1913 l’imprimerie à la rue de Russie, là où elle est encore aujourd’hui. C’est aussi lui qui introduit la première machine linotype en Tunisie, en 1905, une grande avancée technologique pour l’époque (procédé de clavier gravant sur une plaque de plomb). Le parcours des Finzi est indissociable de l’histoire de l’imprimerie en Tunisie. Le tout nouvel établissement de Douar Hicher qui porte leur nom est équipé des machines les plus récentes dans la profession et a permis le passage de l’artisanat à l’industrie. Il est dirigé par le fils d’Elia, Claudio, la cinquantaine, né lui aussi à Tunis. Les Editions Finzi assuraient depuis un siècle toutes sortes de travaux d’imprimerie : livres, journaux, revues, outre des travaux administratifs, scientifiques, culturels et politiques en caractères latins, arabes, hébraïques, et cyrilliques. De nombreuses grandes figures de Tunis y avaient défilé pour le suivi de l’impression de leurs travaux. Ils sont donc, à ce titre, une mémoire vivante de la capitale. Parallèlement à son activité d’imprimeur, d’éditeur et de directeur de journal, Elia Finzi était aussi un acteur de la société civile. 37 années durant, il fut membre du Lions Club de Tunis.

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