L’Amérique a connu des périodes d’isolationnisme et d’interventionnisme périodiques marquées par des idéologies libérales ou conservatrices teintées de pragmatisme. La nouvelle administration américaine qui tient à se démarquer des initiatives du président Trump, se trouve à un tournant qui peut avoir des conséquences géopolitiques importantes. Comment s’annonce cette nouvelle réalité ?
De l’isolationnisme à l’interventionnisme
L’isolationnisme du président Wilson fut érigé en doctrine au lendemain de la Première Guerre mondiale. Les États-Unis ne firent pas partie de la Société des Nations. Forcés de s’impliquer dans les deux guerres mondiales, les États-Unis s’engagèrent sur la scène internationale en partenariat avec des alliés en vue de promouvoir les intérêts – et lorsque c’était possible – les valeurs américaines et intégrèrent la nouvelle Organisation des Nations unies (ONU) fondée en 1945.
L’ONU ne fonctionna réellement que lorsque cela fit l’affaire des cinq grandes puissances siégeant au Conseil de sécurité. Au fil des ans, l’Assemblée générale a été enrayée par des votes groupés. En outre, l’ONU s’est montrée incapable d’arrêter les massacres au Cambodge, à Srebrenica, au Darfour et au Rwanda ; certains de ces massacres furent perpétrés en présence même des forces de l’ONU !
La guerre froide
La guerre froide fut une course d’influence entre le bloc atlantique et le bloc soviétique, défendant respectivement des valeurs de libéralisme et de communisme. La libre entreprise aura eu raison de la dictature du prolétariat vanté par le communisme et l’Union soviétique fut démantelée en 1991.
Regain interventionniste
Après l’effondrement du bloc soviétique, il s’ensuivit trois décades d’interventionnisme américain qui s’affirma en Afghanistan, en Irak et en Syrie. Ces interventions coûtèrent la vie de milliers de personnes en plus de s’élever à plus de 6 billions de dollars. Cela ne mit pas pour autant fin au chaos dans la région. L’espoir de pouvoir apporter la démocratie à ces contrées s’avéra être des plus naïfs.
Par ailleurs, l’OTAN continua son expansion dans les pays de l’Est, au grand déplaisir de la Russie. Lorsqu’il fut question d’intégrer l’Ukraine à l’OTAN, la Russie occupa la Crimée et soutint les séparatistes prorusses au Donbass ukrainien.
Le pari d’Obama
Mis à part les attaques ciblées de drones, le président Obama chercha à promouvoir la démocratie en soutenant les révolutions du printemps arabe et le résultat fut désastreux. La démocratie a reculé en Égypte et des guerres civiles continuent de déchirer encore aujourd’hui la Syrie, la Libye et le Yémen.
Avec l’accord des 5+1 sur le nucléaire iranien et le dégel de 150 milliards de dollars détenus par l’Iran, Obama fit le pari de ramener l’Iran dans le concert des nations plutôt que d’en faire un paria. Or, la déstabilisation du Moyen-Orient par l’Iran a continué de plus belle et les slogans publics de « Mort à l’Amérique » n’ont pas pour autant cessé.
La présidence de Trump
Durant la présidence de Trump, la politique américaine tendit à nouveau vers l’isolationnisme. Trump a cherché à assurer le flux de pétrole dans le Golfe arabo-persique, démanteler les réseaux terroristes, assurer la sécurité d’Israël et contenir l’Iran par l’embargo économique et par la vente d’armes aux pays sunnites de la péninsule arabique. Néanmoins, la réduction des engagements américains au Proche-Orient a permis à la Russie et à la Turquie de s’ancrer en Syrie et en Libye.
Au reste, le président Trump a remis en question les avantages et les abus que retiraient la Chine d’un libre marché à sens unique et a fait pression sur les pays de l’OTAN et des pays de l’ouest du Pacifique pour qu’ils participent d’avantage au fardeau de la défense.
La vision Biden
La vision du président Biden est celle d’une collaboration avec les pays démocratiques pour assurer la santé publique, une économie libérale, le contrôle des changements climatiques, la cybersécurité, et la non-prolifération d’armes nucléaires.
Les États-Unis ont réintégré l’accord de Paris sur le climat et l’Organisation mondiale de la santé, et envisagent par ailleurs de revitaliser l’accord des 5 +1 sur le nucléaire iranien. En ce qui a trait à l’Iran, la Russie vend des technologies nucléaires à l’Iran et la Chine contrôle le marché iranien. Néanmoins, les développements nucléaires et balistiques de l’Iran – et de la Corée du Nord – devraient également préoccuper la Russie et la Chine avec lesquels il faudra arriver à établir une politique commune. Les leaders des grandes puissances européennes se sont exprimés publiquement sur l’importance de freiner les développements nucléaires et balistiques de l’Iran.
La nouvelle administration américaine comprend une grande proportion de hauts fonctionnaires de l’ère Obama. Certains sont tentés par la promotion de la démocratie. Mais la défense de l’idéologie démocratique devra tenir compte de la nécessité de prise de mesures démocratiques progressives, le soutien au printemps arabe n’ayant pas eu les résultats escomptés, bien au contraire. Il faudra viser non pas l’idéal, mais le possible. En outre, les Accords d’Abraham ont montré que le dégel du processus de paix au Moyen-Orient ne nécessitait pas de préalable.
La réalité actuelle
Ni la Russie ni la Chine ne semblent prêtes à s’adapter au libéralisme. La Russie a une formidable puissance militaire, mais son économie est moins forte que celle de l’Italie et elle ne constitue pas une menace pour les États-Unis.
La Chine a des visées expansionnistes dans le Pacifique du Sud-est ainsi qu’aux régions frontalières de l’Inde. D’ici la fin de la décennie, la Chine sera la plus grande puissance économique et ses ambitions géopolitiques croîtront certainement. Il va sans dire que la démocratie en pâtira sur la planète.
L’administration Biden va chercher à collaborer avec des états fiables avec lesquels elle agira en collaboration et en complémentarité – avec un sens de pragmatisme – pour consolider les liens entre les sociétés aspirant à la démocratie libérale. Il lui faudra également s’entendre avec la Chine et la Russie pour définir les champs d’intérêt commun ou auxiliaire.
La politique du possible serait de loin bien plus préférable par rapport à la politique de l’idéal.