Histoire des Andalous en Tunisie

 

La Tunisie, terre d'accueil des morisques venus d'Espagne au début du XVIIè siècle, par Slimane Mostafa Zbiss (1903-2003).

L’Espagne à l’insigne privilège, face aux autres pays occidentaux de se parer d’une double culture, fruit, à la fois, de l’héritage hellénistique et romain, d’une part, et de l’héritage arabe, d’autre part.

Si l’Occident peut se réclamer des plus grands penseurs, des plus grands poètes et littérateurs, des artistes les plus fins, des savants les plus distingués, des monuments les plus éclatants, l’Espagne à l’avantage de partager, avec bonheur, ce très riche patrimoine et possède, en plus, un autre patrimoine encore plus riche et plus brillant qui lui vient de la civilisation arabo-musulmane dont elle s’est profondément imprégnée au cours de près de huit siècles de connivence avec un peuple venu d’orient avec une croyance et une langue nouvelles qui allaient bouleverser totalement l’individu espagnol et introduire un développement inattendu dans son mode de vivre, de penser et de s’exprimer. Trop longtemps dressé contre cet apport culturel, jugé comme une tare nationale, l’Espagnol n’a cependant jamais essayé de le détruire se rendant compte inconsciemment de son prix inestimable et de son caractère irremplaçable. Il a laissé la place à la génération d’aujourd’hui qui a pris conscience de son immense valeur et qui, maintenant, tout en l’honorant comme il se doit, témoigne aux générations précédentes tout leur hommage et toute leur gratitude pour leur avoir transmis, dans toute leur splendeur, les trésors culturels d’appoint venus d’Orient, qu’ils auraient pu, plus d’une fois au cours des siècles, détruire à jamais et ôter à l’Espagne cet aspect de sa culture nationale qui lui fait aujourd’hui tant l’honneur et fait de ce pays un trait d’union entre l’Orient et Occident, entre l’Islam et la Chrétienneté, entre les courants de pensée et d’expression arabo-musulmans et latino-chrétiens. Pour les pays arabes l’Espagne n’a jamais cessé l’être le pays d’Ibn Roshd de Cordoue, d’Ibn Khaffaja de Valence et d’Ibn Arabi de Murcie, le pays où resplendissent la grande mosquée de Cordoue, les palais de l’Alhambra et de l’Aljaféria et du minaret (la Giralda) de la grande mosquée - aujourd’hui cathédrale – de Séville.
Pour les Tunisiens, l’Espagne, toujours chère à leur cœur, conserve toutes ces valeurs. Pour bon nombre d’entre eux, les Morisques, elle représente la terre des aïeux, la terre à laquelle, pendant de nombreux siècles leurs parents et leurs arrière-parents n’ont cessé de rêver et n’ont cessé de caresser l’espoir d’y revenir.

La preuve que certains d’entre eux ont conservé jalousement les titres notariés de leur maison et de leurs autres propriétés dans telle ville ou dans tel village ou bourg de la presqu’île ibérique. Ils ont conservé jalousement leurs noms de famille espagnols et c’est une de leur particularités, dans leurs nouvelle terre d’accueil arabe et musulmane comme la Tunisie, que de les voir porter encore des noms comme Mohamed Sancho, ou Ali Catalina, ou Abou Bakr Marco, ou Béchir de Los Rios, ou Mostafa Al-Koundi (Conde) ou Aboul Qacim Kristo, ou Ahmed Al Jorji, etc… La liste des noms spécifiquement espagnols est longue. Nous y reviendrons bientôt. Mais il ne se suffisait pas de porter un nom sonnant étrangement dans le milieu où les nouveaux venus se sont installés, mais il était absolument nécessaire de le faire suivre de l’ethnique Al-Andulsi (d’Al-andalus- d’Espagne) pour bien marquer une origine bien définie à laquelle on tenait pardessus tout. On y tenait tellement, l’invoquant avec une pointe d’orgueil poussée jusqu’au défi et même jusqu’à la provocation. On y tenait tellement que, dans le souci de veiller à la pureté de la race, on ne donnait ses enfants en mariage qu’à un prétendant dont l’appartenance à une origine andalouse est connue et parfois prouvée.
L’appartenance de cette collectivité aux différentes provinces d’Espagne est révélée par les noms des familles qui la composent. De la province Alicante venaient la famille Lakanti de Testour et la famille Sakich(de Sax), également de Testour. Une autre famille, à Tunis-ville porte le nom Sachi – de Sax également. Une troisième famille Sakesly de Sax également porte le suffixe turc (li) qui indique l’origine, la provenance Sukesli, c'est-à-dire originaire de Sax. La turquisation d’un nom espagnol est un fait assez courant : A El Alia, le nom de la famille (de Los Rios) a été transformé en K’chouk (Kouchouk), nom on ne peut plus turc. A Testour, la famille Al- Hendin, à la périphérie sud de Grenade, a vu son nom turquisé allègrement par la substitution du suffixe arabe (i) indiquant l’origine, par le suffixe turc (li) ayant le même sens.
Dans ce dernier cas la turquisation semble s’expliquer par le fait que la famille Hindili comptait pour une famille ayant détenu, à Testour, une charge officielle dans l’administration turque. Son nom devait nécessairement figurer sur les registres sous sa forme turquisée, telle devait être la raison qui a motivé la modification apportée au nom des deux familles précédentes. Ces trois exemples semblent nous autoriser à déclarer que l’autorité turque qui gouvernait alors la Tunisie, pratiquait couramment ce genre de modifications, plus commodes pour leurs écritures et pour leur entendement

Les Morisques en Tunisie qui portent des noms de villes et de villages espagnols représentent à peu près toutes les régions espagnoles. Bien que leur exode se soit effectué principalement par les ports du sud de l’Espagne ils ont conservé en arrivant en Tunisie leur ethnique d’origine. Un seul générique, Al Andalousi (l’Andalou) les réunissait et constituait la marque de l’unité de leur communauté. Une autre remarque s’impose pour expliquer la diversification interne de leur ethnie. On sait que les autorités chrétiennes, avant de leur expulser définitivement en 1609, avaient effectué de nombreuses translations de Morisques des régions côtières vers les régions internes de la Péninsule et vice-versa. Ainsi des gens de Maqueda, au Nord Ouest de Tolède, par exemple, se sont trouvés déplacés à Malaga et des gens d’Almeria se sont trouvés inclus dans la communauté de Grenade, loin des contacts possibles avec les Turcs ennemis irréductibles des Espagnols.

Mais poursuivons nos citations des familles originaires de la province d’Alicante établies à Tunis. La famille Balma de Tunis vient de Palma de Gandia. La famille Daya de Tunis et de Sfax viennent de Daya, 50 km environ à l’Est d’Orihuela. Les Catral (on prononce qotrane= goudron) de Tunis tirent leur origine de Catral à environ 40 Km ou Nord Est de Orihuela. Les Dani de Testour viennent de Dénia. De la province d’Albacete sont originaires les Herera d’El Alia (de Herera à environ 35 km au Sud Ouest d’Albacete), les Dehisi de Déhisa (40 km environ à l’Est d’Alcaraz) et les Bagarra du village de Bugarra (à environ 70 km de Albacete).
De la province de Castellon, on citera la famille Almenara du village de Almenara (à environ 10 km au Nord de Sagunto), la famille Billaluna de Msaken qui semble venir du village espagnol Vila Lola dans la banlieue Ouest de Castellon de la Plana, enfin la famille Berrayana de Monastir qui tire son origine de Burriana (à 30 km environ de Castellon de la Plana).
Valence semble nous avoir envoyé en Tunisie le plus grand nombre de familles d’entre lesquelles nous nommerons la famille Zghonda de Sagunto à environ 60 km au Nord de Valence. La famille Baterni vient de Paterna dans la banlieue Nord Ouest de Valence. Chelva à 100 km environ à l’Est de Sagunto nous a envoyé les Chelbi qu’il s’agit de distinguer des Chelbi (Tchalabi) qui nous sont venus avec les Turcs Ottomans. Le khemisi de Testour, semblent venir de Al-Gemisi de la banlieue Sud de Valence.

Les famille Bargaoui de Berga à 100 km environ de Barcelona, (au Nord-Ouest) Catlan krandel (Grandel) et Palau apparaissent comme des familles catalanes.
La famille tunisoise Flis semble provenir du village Flix de la province de Tarragona à environ 70 km au Nord de Tortosa.

La famille Moro Semble provenir du village Moro à environ 200 km à l’Est de Huesca. De Huesca viennent les wichka de Tébourba et Tunis ; les Baili viennent de Bailo à 60 km environ au Nord Ouest de Huesca ; de Barbastro à 50 km environ à l’Est de Huesca vient la famille Al-Mizzi de Tébourba. Les Ibn al-Akhoua de Tunis semblent venir du village Binacua à 70 km environ au Nord Est de Huesca. Les Ibn An Nifar de Tunis et de Sfax semblent être originaires de Binefar à 80 km environ au Sud Est de Huesca.

La province de Soria a donné à la Tunisie la famille Soria qui a fondé avec les familles de Los Rios et Herera le petit village d’Al-Alia. De cette province de Soria proviennent les familles Ghmara (de Gomara à 35 km environ au Sud Ouest de Soria) et al Andalusi (de Andalus à 50 km environ au Sud Ouest de Soria).

Murcie, patrie d’Ibn Arabi disciple du maître tunisien en mysticisme- soufisme Abdel Aziz el Mahdaoui de la Marsa, et patrie d’Abou Al Abbas al Mursi, élève de Aboul Hassan ach-Chadhuli, lui-même élève d’Ibn Arabi. Murcie nous a donné un poète très fin, Abderrazak Karabaca, du village espagnol de Caravace, à 100 km environ l’Ouest de Murcie. Elle nous a donné le nom de El Bardo (d’El Bardo, village situé à 50 km environ au Nord Ouest de Soria) , nom que porte une des villes- résidences des Beys, rois de Tunis avant l’ère républicaine.
Une autre ville de la province de Murcie, Carthagène garde intacte l’anatomie du nom tunisien qu’autrefois on donnait à Carthage. Tous les auteurs arabes nommaient cette capitale unique Carthagène jusqu’au jour où les Français l’ont transformée en Carthage.

La province d’Almeria est illustrée en Tunisie par les familles Birra, de Vera (à environ 100 km au Nord Est d’Almeria), par la famille Annijari de Nijar (à environ 45 km au Nord Est de Almeria), par la famille Al Mami de Al Mami dans la banlieue Est de Almeria. La famille Ar’achico de Soliman, provient de la localité El Rio Chico à quelques km au Sud Ouest de Berja. La famille Moulinou vient du village El Molina (à 30 km environ de Vera). La famille Assid vient de ElCid à quelques km au Nord Ouest de Berja. Enfin, la famille Addali est originaire de Dalias, à 10 km environ au Sud-Est de Berja.

De la province de Zaragoza semble se réclamer les Zbiss At Thighri, Llopis le Tagarin, de la marche frontière supérieure Nord de l’Espagne musulmane. La famille Al Borji origninaire de Al-Borja, localité à environ 100 km au Sud Ouest de Zaragoza. De la même province semble nous être venu le nom El Batan, localité près de Tébourba. Ce nom lui serait venu d’El Batan à 15 km environ au nord de Zaragoza.

Avec Elvira, à 50 km environ au Nord Ouest de Malaga, nous entrons dans la province de Malaga. Elvira nous rappelle qu’elle fut le fief des Banu Khaldun de Séville et l’on sait que le roi Don Pédro, en 1363, offrit à Ibn Khaldoun, l’historien tunisien de lui rendre tous ses biens s’il voulait prendre du service à sa Cour. De la province de Malaga sont les familles Blaїech et Blech (Velez) de Tunis et Kairouan. Nous comptons aussi, parmi la population de Tunis une famille illustre dans la jurisprudence et qui vient directement de Malaga, c’est la famille du Malqui. Une autre famille malaguine est celle du Haj Ali Calalina que la colonie andalouse de Tunis avait envoyé, un jour, prospecter à 60 km de la capitale l’emplacement d’une nouvelle ville pour l’installation de nouveaux venus d’Andalous arrivés récemment d’Espagne. Sa prospection aboutit à l’emplacement de Zaghouan et il fut à l’origine de sa fondation. Ce Haj Ali vient du village de Santa Catalina dans la province de Malaga.

Dans la province voisine, la province de Grenade, Alcala la Real, Qalaat Yahsoub ou encore Qalaat Bani Saïd nous rappelle qu’un groupe de membres de la famille des Ibn Saïd s’était brillamment illustré au XIIIè siècle à Tunis. Nous ne citerons que le plus brillant d’entre eux, le Premier Ministre Ibn Abul Husayn qui fut un fin lettré mais surtout chef d’une garnison importante d’Andalous cantonnée à Radès, à 15 km au Sud de Tunis et qui tint tête, en 1270 aux troupes de Saint-Louis descendues non loin de là, à Carthage. De Guadix, à 40 km environ au nord Est de Grenade vient un savant qui fait le plus grand honneur à l’Espagne, dont il est issu, et à la Tunisie où il a fait carrière et où il est mort entouré de la vénération unanime : nous avons nommé Ibn Jabir al Wadi Achi. La famille El Basti nous vient directement de Baza. De même la famille Boutouria semble venir de Budurria (à 15 km environ du Sud Est de Baza). Les Al-Munakkabi, opulents négociants de Béjà et de Tunis, sont originaires du Port al-Munacar (à 70 km au Sud de Grenade). Enfin, de la banlieue sud de Grenade, le village Al-Hendin, nous a envoyé une famille Al-Hindini, ethnique transformé par les Turcs Ottomans en Hindili, comme nous l’avons vu précédemment.

De la province de Jaen est la famille Jahin de Testour. Le premier Cadi de Testour Arroy est de Los Arroyos à 200 km environ au Nord Est de Jaen. La famille Badda de Béjà qui vient d’Ubeda. La famille Cruz devenue Galluz par ailleurs et dont l’origine semble être le village espagnol la Cruz. A ces familles il faut ajouter celle de l’illustre jurisconsulte Al Bayyasi de Baeza (à 57 km au Nord Est de Jaen) qui est mort et enterré à Tunis. N’oublions pas Quesada (à 90 km au Nord Est aussi de Jaen) qui nous donné un gâteau succulent : la guizata.
La province de Cordoue nous a donné des Cordobès = Kortoubi en quantité, à Tunis et ailleurs, et surtout à Gafsa une famille Mensia, de Dona Mensia (à 65 km environ de Cordoue).
Les Makada de Mateur et Tunis viennent de Maqueda (à 40 km environ au Nord ouest de Tolède).

Les Al Boulaqi de Béjà viennent d’El-Bullaque (à environ 75 km au Nord Ouest de Ciudad Réal). De cette province sont aussi la famille Kristou de Ghar el Melh qui vient de Cristo Espiritu Santo (à 120 km environ de Ciudad Réal, et la famille du grand mathématicien al Qalasadi, venu de Calzada de Calatrava (à 60 km environ au Nord Est de Cindad Real).
De la province d’Avila semble venir les Martinach de Testour qu tirent leur origine de la localité Martinez à 80 km environ à l’Ouest d’Avila.

L’extrême sud de l’Espagne a fourni à la Tunisie un contingent très important d’habitants d’Algezira (al jazira al khadhra) les khadrawaine qui ont occupé et occupent encore un vaste et riche quartier de kairouan. De la zone de Tarifa sont venus les Qastalli ainsi que les Lili de Al Alia d’un lieu-dit al-Il, entre Tarifa et Algeciras.

De Séville sont venus beaucoup de familles connues sous l’ethnique Ichbili (le Sévillan) et plus particulièrement la famille de l’historien bien connu Ibn Khaldoun. La famille Ichtibba de Zaghouan vient d’Esteppa (à 200 km environ à l’Est de Séville). La famille Kamech de Medjez el-Bab vient de Cams dans la banlieue de Séville, à l’Ouest.

Le Kef compte parmi sa colonie andalouse une famille Chrichi de Jerez de la Frontiera dans la province de Cadiz.

Béja en compte une autre, les Ballouma de Las Palomas (à environ 200 km au Nord Ouest de Badojoz). De même que les Gaddana, de Tunis semblent venir Guaddana del Caudillo (à environ 35 km au Nord Est de Badajoz).
A Testour existe un pont dit de Sirizou du nom d’un jardin limitrophe ayant appartenu à la famille Sirizou qui semble être originaire de Cereso, localité située à environ 150 km au Sud-Ouest de Salamanca, dans la province de Caceres.

Les Térouel une famille de fabricants et de commerçants de la chéchia, autrefois prospères mais aujourd’hui disparus se réclament de la ville de Teruel.
De cette province semblent provenir les El Qobbi de Korba puis qu’ils se réclament de la localité la Coba (à environ 120 km au Nord Ouest de Teruel).
Sidi Ali Es-sordo de Tunis semble venir de la localité Sordos (à 150 km environ à l’Ouest de Oriense, dans la province de même nom).

La famille Ragama, de Gaafur tire son origine de Ragama (à 70 km environ de Salamanca). La famille Zapata de Tunis et Soliman, a pour origine Torre Zapata (à 40 km environ au Sud de Salamaca) et la famille Merichkou (Morisco) se réclame de la localité Moriscos, à quelques km au Nord Est de Salamanca.

La famille Heredia de Bizerte se réclame du village de Heredia (à 60 km au Nord de Logronô dans la province de Burgos).

Aux familles Huici et Huiça de Tunis qui sont originaires de Huici (à 45km environ au Nord Ouest de Pamplona), il faut ajouter la famille Karkar qui viendrait de la localité Carcar (à 80 km environ au Sud Est de Pamplona, dans province de Navarra).
Quant à Pamplona, elle a laissé son nom légèrement déformé, Embluna, à un vaste domaine agricole sur la bifurcation de la route de Bizerte vers Ghar el Melh.

Les Ronon de Testour et les Fourti de Tunis et Djerba représentent en Tunisie la province de la Coruna. Les premiers viendraient de Ronon (à 80 km environ au Sud-Est de la Coruna), les seconds viendraient de Forte, à quelques km environ au Sud-Est de Santiago.
Enfin, pour clôturer ce large exposé sur la représentativité espagnole en Tunisie, citons le grand Moustafa Cardénach, de Grombalia, qui fut dans toute la région un potentat dans l’agriculture et un chef incontesté de plusieurs dizaines de milliers d’Andalous travaillant sous ses ordres.

Moustafa Cardenach tient son nom de famille de la localité Cardènas, à environ 120 km au Nord Est de Burgos, dans la province de Logrono. De la même province viendraient les Mensia de Gafsa qui seraient originaires de Mensilla (à environ 100 km au Nord Est de Burgos).
Aux noms espagnols renvoyant à des localités de la péninsule, il y a lieu d’ajouter une infinité de noms qui sonnent étrangement en milieu arabe tel que Tinsa, Menduero, Manacho, Merkiko, Bantor, Makariro, Memmich, Tlich, etc. Il serait très long et très fastidieux de poursuivre les citations. Quoique nous fassions la liste sera incomplète. Tous les jours nous repérons un nouveau nom, une nouvelle famille. C’est que jusqu’à ces derniers temps, les familles andalouses cantonnées dans leur village, à l’abri de toute publicité, ne se sont pas signalées par un fait quelconque. Aujourd’hui, beaucoup de familles ont quitté le village natal et on donné à Tunis, à l’administration, un grand nombre de magistrats, de fonctionnaires, de cadres et même de ministres. L’industrie, le commerce, les banques et les professions libérales sont dirigées par de nombreux andalous que les journaux signalent à l’attention du public, à l’occasion d’un succès professionnel ou d’un succès universitaire, de fiançailles ou de mariages, de naissance d’un bébé ou du décès de quelqu’un.

Aussi est-ce sur les journaux et à la télévision que nous sont fournies des renseignements nouveaux concernant les Morisques et surtout l’apparition d’un nouveau personnage demeuré jusqu’ici dans l’ombre. N’oublions pas la gente féminine. Depuis l’avènement de la République, les filles scolarisées sont allées en grand nombre à l’université, ce qui augmente nos chances de renseignements.

Ainsi donc, malgré le temps passé depuis l’époque où cette colonie de musulmans espagnols a abordé le sol tunisien, malgré les pressions de toutes sortes exercées sur eux pour les faire modifier d’un pouce leur identité, ces Espagnols sont restés identiques à eux-mêmes.

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