Israël, la terre promise des start-up

Israël, la terre promise des start-up

 

Emmanuel Macron rêve de faire de l’Hexagone la référence européenne en matière de jeunes entreprises innovantes. Israël, incarnation de la « start-up Nation » depuis une décennie, peut être le modèle à suivre. Voici comment l’Etat hébreu s’y est employé.

Le président de la République l’a promis, il veut faire de la France une « start-up nation ». Concrètement, détaillait-il pendant sa campagne, « une nation où chacun peut se dire qu’il pourra créer une start-up ». Vous pensez aux Etats-Unis ? A Apple, dont l’histoire a commencé dans le garage de Steve Jobs, en Californie ?

Oubliez vos vieux schémas… La start-up nation, aujourd’hui, s’appelle Israël. La formule était justement le titre du best-seller de deux Israéliens, Dan Senor et Saul Singer, paru en 2009. Plus de 6 000 start-up constellent l’Etat hébreu, qui célèbre cette année ses 70 ans d’existence. Rapporté aux 8 millions de citoyens, ce chiffre place Israël à la première place mondiale en termes de nombre de jeunes pousses par habitant.

Longtemps, Tel-Aviv a été l’épicentre du secteur, mais la Silicon Wadi — l’équivalent de la Silicon Valley américaine, le pôle des industries de pointe — se développe à vitesse grand V. Elle intègre désormais Jérusalem — dont le maire, Nir Barkat, est un ancien startuper à succès — et s’étend de Haïfa, au nord, jusqu’à Beer-Sheva, au sud.

Espérer le succès de Waze

Partout, les espaces de coworking poussent comme des champignons. C’est dans un de ces bureaux partagés qu’est né Waze. Fondée en 2008 par un chercheur israélien, l’application de trafic routier a été rachetée 1,1 milliard de dollars (893 millions d’euros) par Google en 2013. Depuis, d’autres ont encore fait mieux ! Il y a un an, Intel s’est offert, pour 15 milliards de dollars (12,18 milliards d’euros), Mobileye, spécialisé dans les systèmes anticollisions pour les voitures autonomes.

Dans le quartier de Har-Hotzvim à Jérusalem où Mobileye a ses bureaux, une centaine d’autres start-up travaillent sur ce marché d’avenir. Par ricochet, les constructeurs mondiaux ont déboulé dans la Silicon Wadi pour implanter des centres de recherche et développement (R & D). Un cercle vertueux qui assure le plein-emploi et fait rêver l’Elysée.

« La France doit être leader en matière de start-up »

Derrière ces succès, il y a une vraie politique nationale. Israël investit 4,3 % de son PIB dans la R & D, soit bien plus que la France (2,2 %). Et, côté investisseurs privés, l’Etat hébreu compte 70 sociétés de capital-risque. Concrètement, des investisseurs prêts à prendre de gros risques pour financer des innovations de rupture. Le Jérusalem Venture Partners (JVP), installé dans un vaste bâtiment blanc, est l’un des premiers fonds du pays. Fondé en 1993, il a levé plus de 1 milliard de dollars (850 millions d’euros) et créé 120 entreprises, dont 12 ont été introduites au Nasdaq, l’indice des valeurs technologiques américaines.

Le mois dernier, Erel Margalit, son PDG fondateur, dînait à Bercy avec Mounir Mahjoubi, le secrétaire d’Etat chargé du Numérique. « La France a besoin d’écrire un récit national pour ses jeunes générations, et ce récit, c’est l’innovation, explique-t-il. L’Allemagne dispose du leadership européen sur l’industrie, la France doit conquérir le leadership en matière de start-up. »

Une chose est sûre, ce secteur est une priorité du ministre de l’Economie. « L’innovation est la clé de notre compétitivité et de notre avenir », insistait Bruno Le Maire en début d’année, en lançant un fonds pour financer l’innovation à hauteur de 200 à 300 millions d’euros par an.

A 4 000 km de la Silicon Wadi, les start-up tricolores ont aussi des atouts, comme en témoigne le succès de la marque French Tech ou de Viva Technology, la grand-messe annuelle de l’innovation à Paris (créée par Publicis et le groupe Les Echos - Le Parisien) dont la 3e édition aura lieu du 24 au 26 mai. Israël aura d’ailleurs cette année un pavillon pour y présenter 12 start-up d’excellence.

 

Tel-Aviv : Carbyne, l’appli de sécurité qui fait polémique

Cette start-up de Tel-Aviv a mis au point une application de vidéosurveillance. Vous êtes victime d’une agression, témoin d’un fait divers : ouvrez l’appli et filmez la scène. Vos images sont transmises en direct au centre de supervision urbain de la police municipale, qui vous géolocalise. Douze villes en Israël ont déjà franchi le pas. « L’idée m’est venue après avoir été agressé sur la plage de Tel-Aviv, confie Amir Elichai, le jeune PDG. Uber ou mon livreur de pizza savent me géolocaliser, mais ce jour-là, la police n’en était pas capable… Je me suis dit qu’il fallait y remédier ».

Ehoud Barak, l’ex-premier ministre travailliste d’Israël, est l’actuel directeur de la start-up. A Nice (Alpes-Maritimes), dans une ville encore traumatisée par l’attentat du 14 juillet 2016, Carbyne a été expérimentée ces dernières semaines. S’en est suivie une intense polémique, plusieurs associations et élus d’opposition dénonçant un risque de « délation généralisée » et une « atteinte aux libertés fondamentales ». L’application vient finalement d’être interdite par la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés).

« Ce sont les terroristes et ceux qui veulent porter atteinte à notre démocratie qui bénéficient de cette décision », a déploré Christian Estrosi. Amir Elichai, lui, est toujours « en discussion avec Sarcelle, Marseille, Monaco, Cannes et Toulouse », mais la décision de la CNIL risque de torpiller ses projets de développement dans l’Hexagone.

 

Beer-Sheva : les « grandes oreilles » de Tsahal

UNIT 8200 : c’est l’unité de renseignement de l’armée israélienne, en charge notamment des écoutes, du décryptage de codes, de la cyberdéfense et des cyberattaques. Elle compte plusieurs milliers de soldats, s’appuie sur du matériel dernier cri et exerce des fonctions comparables à la Direction générale de la sécurité extérieure en France.

L’unité 8200 a été suspectée par plusieurs médias d’avoir participé à la conception de Stuxnet en 2010, un virus informatique qui a saboté plusieurs ordinateurs dans les installations nucléaires iraniennes.

Au sein de l’unité 8200, la culture et l’organisation du travail sont réputées très proches de celles des start-up. Les soldats travaillent en petits groupes, n’hésitent pas à confronter les points de vue et même — ce qui serait impensable dans l’armée française — à pousser la hiérarchie dans ses retranchements !

 

Jérusalem : de la Torah au e-commerce chez Bizmax

En plein cœur du quartier ultraorthodoxe de Jérusalem, cet espace de coworking dédié aux start-up détonne. Chez Bizmax, les haredis — littéralement « ceux qui craignent Dieu » — dont les journées sont d’ordinaire consacrées à l’étude de la Torah, font entorse à leurs habitudes.

Les hommes, costumes et chapeaux noirs, arborent les papillotes, les femmes, jupes longues et bras couverts, portent un foulard sur la tête. Tous ont l’habit traditionnel, mais c’est pour mieux plonger dans la modernité. Car Bizmax, cela signifie… « business maximum », confie une startupeuse ultraorthodoxe, mère de dix enfants.

Depuis la suppression d’une aide publique pour les familles nombreuses, la communauté cherchait de nouvelles solutions. Beaucoup de haredis ont donc lancé leur start-up. « La vie regorge de paradoxes, s’amuse Chaïm Simcha. Quand vous êtes haredi, au départ, vous ne pensez pas à travailler. Encore moins dans l’e-commerce. Et définitivement pas dans la mode ! Mais mon rabbin m’a dit ok, tu peux te lancer. »

Le jeune entrepreneur a développé Screenshot, le Shazam du vêtement. Comme l’appli musicale, capable d’identifier n’importe quelle chanson, Screenshot scanne l’image d’un vêtement, d’un mannequin ou d’un acteur et propose une liste de vêtements identiques vendus en ligne. « C’est l’appli shopping de Kim Kardashian », s’enthousiasme Chaïm Simcha, qui vient de signer un partenariat avec la reine des réseaux sociaux.

 

Haïfa : le Technion, le MIT israélien

Le Technion d’Haïfa : c’est le MIT (NDLR : l’une des meilleures universités américaines) israélien, à qui l’on doit, entre autres, la clé USB, la messagerie instantanée ou encore l’irrigation goutte-à-goutte.

Fondé en 1912, il caracole aujourd’hui dans le top 10 des meilleures universités pour la science et la recherche. Ses meilleurs chercheurs ont été récompensés par de nombreux prix Nobel. Et ses étudiants ont créé plus de start-up cotées au Nasdaq que la France entière.

 

Jérusalem : Mobiley, la licorne à lunettes

Cette start-up qui développe des systèmes anticollisions et d’assistance à la conduite de véhicules (Adas) est la véritable pépite de Jérusalem. Créé en 1999, Mobileye a été racheté pour 15 milliards de dollars par Intel en 2017.

Mobileye a une sœur jumelle, Orcam, installée dans les mêmes bureaux. Fondée en 2010, la jeune pousse est désormais une licorne (une start-up valorisée à plus de 1 milliard de dollars). Elle propose les lunettes MyEye 2.0, une nouvelle génération de lunettes pour malvoyants, capables de lire des textes ou d’identifier des produits dans un magasin, grâce à un lecteur de code-barres.

Mais le succès du produit est freiné par son coût, qui reste prohibitif, autour de 4 500 euros. Orcam rêve cependant de parvenir à convaincre les organismes de santé de prendre en charge une partie de l’équipement. « Nous préparons des dossiers auprès de l’Assurance maladie française, nous devons fournir des études cliniques, détaille un cadre de l’entreprise. Nous démarchons aussi des mutuelles privées. »

LeParisien.fr

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