Jérusalem: qui sont les "chrétiens sionistes" derrière la décision de Trump

Jérusalem: qui sont les "chrétiens sionistes" derrière la décision de Trump

 Par Catherine Gouëset

 

La volonté de Donald Trump de transférer l'ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem a été inspirée au président américain par le très actif lobby chrétien conservateur.

"Nous, chrétiens américains, saluons l'obéissance de Donald Trump à la Parole de Dieu à propos de Jérusalem". Laurie Cardoza-Moore, une activiste chrétienne pro-israélienne saluait à l'avance, dans une tribune publiée dans Haaretz, la décision du président américain d'annoncer le transfert de l'ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv vers la ville sainte, ce mercredi. La voix de ses semblables a visiblement plus porté que celle d'Emmanuel Macron, d'Angela Merkel, de Theresa May ou du pape, qui ont essayé de dissuader le locataire de la Maison Blanche d'acter ce geste susceptible de provoquer une flambée de violence. Qui sont ces chrétiens qui plaident avec ferveur la cause de l'État juif? 

Le socle électoral de Trump

L'engouement de la droite religieuse américaine pour Israël remonte aux années Reagan et à l'émergence de prédicateurs influents tels Jerry Falwell, qui ont profondément modifié le parti républicain. C'est à leur initiative qu'a été voté en 1995 le Jerusalem Embassy Act, la loi qui prévoit le déplacement de l'ambassade américaine de Tel Aviv vers la ville sainte. "Le texte a été adopté à une large majorité sous la présidence de Bill Clinton, alors que le Congrès été dominé par les républicains", rappelle à L'Express l'universitaire Lauric Henneton*, spécialiste des questions religieuses aux Etats-Unis. Depuis lors, tous les présidents signaient une dérogation pour reporter son application, tous les six mois, afin d'éviter des troubles. Donald Trump lui-même l'a fait à deux reprises depuis le début de son mandat. 

"Trump pense déjà aux prochaines élections. Son geste vise deux cibles, précise le chercheur: sa base chrétienne conservatrice, ainsi que l'un des principaux donateurs du parti républicain, le roi des casinos Sheldon Adelson". Très proche de Benyamin Netanyahu, ce dernier avait manifesté son mécontentement à l'annonce d'un report de cette décision, au printemps dernier. 

Les protestants évangéliques, partisans inconditionnel de la droite israélienne, constituent le socle le plus solide de l'électorat républicain: 80% d'entre eux ont voté pour Trump -bien que lui-même soit très peu porté sur la religion, plus encore que pour le born againGeorge W. Bush (78%). En termes électoraux, ils pèsent beaucoup plus lourd que les juifs américains (2% de la population) qui eux, votent ... à 70% pour les démocrates. 

"Sionistes chrétiens"

Les chrétiens évangéliques "ont toujours considéré les prophéties bibliques comme des aperçus de réalités à venir", observe Sébastien Fath, chercheur au Groupe de sociologie des religions et de la laïcité, dans un article consacré à Israël et aux évangéliques américains. Ainsi, en 2010, 58% des Évangéliques blancs (et 41% de l'ensemble des Américains) estimaient que Jésus allait revenir sur terre avant 2050, selon le Pew research center.  

Ce message trouve un écho particulier dans le Sud, où les fondamentalistes chrétiens sont bien implantés. Dans la Bible belt, souligne Sébastien Fath, la thématique du 'peuple élu' menacé par l'extérieur évoque de puissantes analogies avec la 'cause perdue' des anciens confédérés. 

Au sein de cette base chrétienne conservatrice, les "sionistes chrétiens" plaident depuis plusieurs années pour un engagement encore plus actif en faveur d'Israël. Ces millénaristes prennent au pied de la lettre les prédictions de la Bible. "C'est à ta postérité que je donnerai ce pays" a promis Dieu à Abraham dans la Genèse. Selon eux, le retour du Messie aura lieu en Israël après y avoir rassemblé le peuple juif. Et c'est en Terre sainte qu'aura lieu le combat final entre le Créateur et les forces du mal, au pied de la colline de l'Armaggedon. A l'issue de cette bataille, les juifs se convertiront et reconnaîtront en Jésus leur Messie.  

Millénaristes ou non, un grand nombre d'organisations évangéliques mènent un lobbying intense en soutien à l'Etat hébreu, tels la National Christian Leadership Conference for Israel, le Christian Zionist Congress, Voices United for Israel ou la Christian's Israel Public Campaign. Ils organisent des collectes, des pèlerinages en Israël, et soutiennent activement les colonies dans les territoires occupés. 

Le poids de ces chrétiens conservateurs s'est-il accru dans le camp républicain au cours des dernières années? "Pas forcément, observe Lauric Henneton, mais ils ont surtout moins de contrepoids dans l'administration Trump", alors que le président n'a toujours pas recruté le personnel du Département d'Etat: plus de la moitié des postes requérant une validation par le Sénat n'avaient pas été pourvus à la mi-octobre. 

Des relais dans l'entourage de Trump

Ils ont aussi des alliés solides dans l'entourage du chef de l'Etat. L'ex-conseiller stratégique Steve Bannon, a eu droit à une standing ovationlorsqu'il s'est proclamé fier d'être un "chrétien sioniste" à l'occasion du dîner annuel de l'organisation sioniste américaine (ZOA) à New York, mi-novembre. C'était sa première visite à une organisation juive américaine depuis qu'il a rejoint l'administration Trump, relève le Times of Israel. Qualifiée d'extrémiste par le quotidien, la petite organisation avait invité d'autres proches du président, dont le faucon Tom Cotton, sénateur de l'Arkansas pressenti pour succéder à Mike Pompeo à la tête de la CIA, et Sebastian Gorka, ex-conseiller de Trump lié à l'extrême droite hongroise. 

* Lauric Henneton, auteur de La fin du rêve américain? Odile Jacob, 2017. 

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