L’image du parlant à la bouche couverte, surgissant dans l’espace social et subjectif, invite une symbolisation que le langage des rêves, semble saisir plus rapidement que notre pensée consciente. L’oral, la mémoire, la culture, qui expriment des priorités relationnelles apprises dès l’enfance, approfondies et transmises au cours des générations, valorisent la bouche, sa voix, et placent celle-ci au centre des échanges significatifs. La voix qui s’explique, la voix du témoin. La bouche, ambassadrice du cœur. Certes la technologie peut complémenter la voix, où celle-ci ne peut pas parvenir.
Un grand père à l’ouïe faible peut utiliser un appareil auditif, pour entendre et répondre à ses petits enfants.
Mais tenter de déplacer le centre vivant et symbolique de nos interactions -l’oral-, par le biais de la technologie, revient à jouer avec l’ontologie du langage,
c’est à dire miser sur la perte de repaires. Les enjeux symboliques sont des épées à double tranchants, qui n’épargnerons pas ceux qui se pensent au delà d’atteinte de leurs retombées.
Le langage agit aussi comme un miroir, qui renvoie au sujet les nouvelles définitions, et par ceci redéfinit le sujet.
Se voir dans la position de celui qui ferme la bouche de l’autre par force, est s’engager dans une bataille personnelle déjà perdue, en ouvrant la voie à la dissociation permanente entre langage et mémoire.
La question trop peu méditée concernant la domination sur l’autre par le biais d’outils de technologie, se trouve habituellement expliquée et justifiée par les avancées de la ‘connaissance’ scientifique.
Mais quand la base éthique manque à ce processus, ces outils sont une insulte à l’idée même de la connaissance, qui sous entend partage et transmission de valeurs constructives.
Produire des instruments de torture et de destruction, et sophistiquer leurs applications maléfiques, ne devrait pas être mis dans les catégories de la connaissance, mais pris comme ratage, faillite, et preuve de carence morale.
Les valeurs éthiques des scientifiques qui s’engageaient à la solde des nazis, disqualifient leur pensée du titre de connaissance.
Les propagandistes de ce genre de systèmes, aiment croire qu’ils contrôlent les éléments de langage.
Avec de piètres arguments de psychologie de masse, ils tentent de s’attaquer à des colosses qui vivent dans leur propre inconscient, et avec lesquels ils ont rendez vous chaque nuit.
Ainsi les nazis ont-ils œuvré à donner tous les arguments, aux peuples du monde et à leurs propres descendants, pour en finir avec leur expérimentation sociale ratée et remplie de ridicule, qui a émasculé leur communauté nationale dans sa raison d’être, sa contribution morale sincère au bien de tous.
Ils se sont réveillés comme perdants de l’histoire, ceux qui devaient devenir le proverbe, l’exemple à ne pas suivre.
Or leur perte s’annonçait déjà dans leur arrogance, les faisant croire que la technologie peut soumettre et remplacer l’oral, que les mains peuvent, ou savent, dominer la bouche.
Le renversement nécessaire de cette fausse polarité, s’opérait déjà dès lors que leur idéologie commença à s’exprimer.
Depuis leur esthétique sublimant la race, jusqu’à leur politique d’irruption terrifiante dans les gestes de masse, leur langage et symbolisations étaient placées dans un programme d’auto-destruction.
La faillite morale d’une génération a ainsi condamné la langue allemande à ne rien avoir à offrir aux oreilles du monde, si ce n’est de tenter par tous les moyens possibles, de s’extirper du marasme associatif qui pointe le problème historique du doigt, vers soi-même.
Forcer l’autre se révèle n’être trop souvent en finale, qu’un pari suicidaire.
Car le voyage-retour de cette démarche s’opère de l’intérieur, beaucoup plus que de causes extérieures.
La soif de pouvoir ne peut pas les sortir du piège psychologique où ils se sont placés.
S’appuyer sur l’argument des technologies ne les lave pas du goudron de leurs intentions, dans l’espace de leur propre inconscient.
Fuir le langage, le nier par des choses matérielles, que le langage nomme, utilise, et domine, confère à ces choses un caractère de mensonge.
Le raisonnement qui conduit à ce mensonge est une idolâtrie, qui ne peut que devenir oppression, et dont il faudra pour l’humain parlant impérativement se libérer.
On ne peut pas faire passer des chaînes d’esclavage pour des colliers inoffensifs. Le miroir n’entend pas le mensonge.
Si on tente, on se retrouve dans les sables mouvants du symbolique, le langage universel qui parle toutes les langues, et qui voit les fantasmes infantiles du pouvoir comme des rochers minutieusement placés, où les navires flamboyants des egos humains, aussi impressionnants fussent-ils, viennent systématiquement échouer avec perte et fracas.
Le remède à cette confrontation est trop simple.
L’amour et son manque suffisent à en couvrir tous les aspects.
Est-ce la bouche d’une société se sentant coupable, qui doit se couvrir car elle parle mal des autres?
Cette société dit-elle des mots qui mettent des populations en danger?
Quand la bouche dit que tout autre est laid, s’enferme t-elle à la fin dans la solitude: même en public, bouche confinée ?
Bouche qui n’aime pas la voix ni l’accent de l’autre, la voici finalement derrière son petit mur privé.
Un proverbe Africain dit:
Si tu m’aimais, tu ne m’embrasserais pas pour m’empêcher de parler.
La bouche masquée
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