L’education selon ma mere, par Bob Ore Abitbol 

L’éducation selon ma mère 

Ma mère avait une manière singulière  de nous éduquer. Elle nous frappait  tous systématiquement  sans exception à la babouche que nous soyons fautifs ou pas!

De toutes façons, disait elle péremptoire, nous avions toujours quelque chose à nous reprocher. Pour une  femme de petite taille elle possédait  une force herculéenne!!!

Notre appartement n’était pas plus grand qu’un mouchoir de poche. A l’entrée qui servait également de sortie tellement c’était petit, des lits gigognes collés les uns aux autres, devenaient abri, aire de jeu,  centre d’études, poste de pilotage selon les heures, la saison et éventuellement de couche pour la nuit parce que tout de même, il fallait bien dormir de temps en temps!

Comme ces lits  occupaient pratiquement tout l’espace nous ne pouvions pas vraiment lui échapper.  

Dès son arrivée, craignant le pire, nous nous cachions comme des cloportes sous le lit. Silencieux, tremblants, collés les uns aux autres, nous nous taisions ,conscients de sa suprématie, de sa force et de sa dictature absolue! 

 

Elle rentrait, décidée, voyait le désordre que nous avions commis bien malgré nous (nous étions sept dans une petite chambre forcément ) mais elle n’en avait cure.  Tout ce qui importait c’était sa ferme intention de maintenir l’ordre et la discipline dans cette espèce de chenil où sept petits chiots aboyaient  dans le désordre et le chaos le plus indescriptible. 

D’une seule main,la gauche,elle soulevait les lits gigogne (je vous parle d’un double lit avec sommiers, matelas, draps et oreillers)  et de l’autre elle nous expédiait quelques bons coups avec ses babouches qui semblaient  téléguidées !

Elle avait inventé les drones des décennies avant qu’ils n’apparaissent officiellement sur le marché. 

Ils virevoltaient dans cet espace restreint,  tournaient en un vol plané impeccable, arrêtaient leur course, un instant, comme suspendus dans l’air puis  s’abattaient d’un coup sec sur nos petites têtes fragiles  avec la précision d’un obus bien placé ou d’un laser bien dirigé. Pas de dôme de fer pour nous protéger hélas!!!

Sans discernement, sans aucune distinction de sexe,de taille ou de religion elle frappait  au hasard,malgré nos cris, malgré nos larmes, malgré nos virulentes protestations!

Je me demande même, tellement elle était forte, si la babouche ne revenait pas, tel un boomerang  dans ses mains une fois son crime accompli, pour qu’elle puisse  tirer une fois de plus sur nous les pauvres diables, son projectile favori

Évidemment nous étions toujours innocents et c’étaient les autres, oui je dis bien les autres, toujours les mêmes, qui étaient les vrais coupables!

L’injustice me rendait fou!

Cela la laissait, elle, complètement insensible et indifférente!

Elle était la Mama!

Demain on lui pardonnera pensait-elle a juste titre!

Quelques bons petits plats dont elle avait le secret, un mot d’amour, une prière, une bénédiction et le tour était joué 

Elle était la patronne dans toute sa splendeur!

On ne rit pas avec les patrons 

Ils peuvent tout se permettre 

Elle se permettait tout!

Quelques rares fois,elle nous menaçait en nous promettant un règlement de compte définitif et des représailles sévères de la part de notre père!

-Attendez qu’il arrive!!!disait elle d’une voix de stentor! Vous verrez!! 

Nous ne demandions que cela!

Il nous protégeait  lui de la Tigresse!!!

Jamais une fois il n’a levé la main sur nous.

Jamais! 

Comme nous, il était victime de la furie douce de la Mama qui nous aimait tout autant que lui sans doute il faut le dire mais qui nous le démontrait de façon plus vigoureuse et plus violente ça aussi il faut le dire !!!

Bob Oré Abitbol 

boboreint@gmail.com

Extrait de son nouveau livre

« Le fils du Relieur » à paraître bientôt 

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