Une série de coïncidences - Par Bob Oré Abitbol

Une série de coïncidences 

 

Par Bob Oré Abitbol

Il n’y pas de hasard, il n’y a que des rencontres. 

 

J’aime les fêtes juives! Toutes les fêtes juives !

Roch Hachana, qui célèbre le renouvellement de nos vies et de nos âmes: Temps des moissons, temps des semailles. Kippour pour pardonner et être pardonné de nos excès et de nos péchés. Sukoth pour nous dire la fragilité de nos possessions et nous contraindre à voir la vraie valeur des choses. Pessah, voyage au plus profond de nous-mêmes, pour comprendre le concept de liberté et apprendre à nous libérer corps et âme, comme nos ancêtres ont dû le faire pendant quarante ans dans le désert. Simhah Torah pour célébrer ce don de D. de ce joyau unique au monde avec en plus le Chabbat hebdomadaire qui rythme nos vies et nos saisons. 

Cependant, une des célébrations que j’aime en particulier est Hanoukka, fête des lumières, fête des enfants, fête de la joie et de l’amour partagés. Rappel du courage de Judah Maccabée et du miracle de sa lampe à huile qui dure le temps  pour son camp de remporter une victoire capitale.  L’atmosphère qui règne dans les maisons juives à ce moment, les cadeaux pour tous, les yeux émerveillés des enfants ! 

Tout a une raison d’être dans cette religion, pensée dans son essence pour nous rendre heureux, pour nous aider à nous alimenter sainement, pour nous faire penser, pour nous faire réfléchir, pour nous permettre de vivre une vie harmonieuse de couple et de citoyen, pour régler nos existences spirituellement, physiquement, pratiquement à chaque instant de nos vies, avec des balises à chaque détour du chemin, tout le long de la route, pour ne pas nous perdre dans une humanité vide de sens sinon et vivre ainsi en harmonie  avec D. et nos semblables. 

L’homme cherche par tous les moyens à vivre une expérience divine alors que D. cherche à travers nous, à vivre une expérience humaine. 
C’est pourquoi il nous veut heureux, rassasiés, qu’Il nous a donné dans la Torah inspirée par Lui, des fêtes et de multiples occasions de célébrer la famille, la convivialité, l’amour du prochain,

le rire, en un mot : La vie, telle que nous la connaissons et telle que nous devrions la vivre!
  

Un D. clément, miséricordieux qui veut tout expérimenter à travers nous: Le goût des fruits, le parfums des fleurs, la couleur du ciel, les oiseaux,  les poissons entre deux rives, entre deux océans, le rire d’un enfant, la musique, tout ce que la nature comprend et qu’Il a créé Lui et nul autre. 

 

Sentir, toucher,voir,entendre, goûter pour apprécier chaque miracle produit justement par cette nature, cette nature qui est Lui et Lui qui est la nature toute entière!

 

Je ne suis pas particulièrement pieux mais j’aime cette religion qui cherche à apporter paix, discipline et sérénité à ceux et celles qui la suive correctement et choisissent librement de la suivre. 

 

Chaque action, chaque célébration est précédée et suivie d’une prière,d'une benediction pour sanctifier chaque chose, pour élever nos âmes  et nos corps vers quelque chose de plus haut, de plus beau, de plus noble, de plus apaisant. 

Je me trouvais à Florence, splendide ville-musée située en pleine Toscane, lumineuse région Italienne. 

Je venais de visiter Turin dans le Nord, chef-lieu du constructeur automobile Fiat où je m’étais rendu à un salon de prêt à porter, puisque le vêtement était mon metier. 

La ville, quelle que soit l’heure ou le jour, est une symphonie permanente de parfums, de couleurs et de bruits. Des milliers, des millions de touristes passent chaque année admirer monuments, palais somptueux, témoins de la ‘’Renaissance’’ et d’un passé glorieux pas si lointain que cela finalement.Boutiques de luxe, galeries d’art, restaurants et bars s’organisent en une architecture complexe, différente et unique dans cette ville si particulière. C’est avec Paris et Venise l’une des villes, à juste titre, les plus visitées de la planète et l’une que j’aime le plus au monde.

Ponte Vecchio, plus vieux pont en existence: Les guides qui s’y connaissent, racontent admirativement comment Raphaël, Michel-Ange, Caravaggio et d’autres artistes peintres aussi célèbres, passaient régulièrement y chercher inspiration et modèles pour leurs tableaux. 

 

Je décidais, puisque c’était l’anniversaire du décès de mon père survenu quelques années  auparavant, de rester à Florence et d’attendre un prochain “Salon” quelque part en Europe.

C’est dans cette atmosphère euphorique et festive que je me retrouvais, paradoxalement, seul et plutôt triste. 

À Turin, j’avais rencontré amis et  fournisseurs, fait quelques affaires, je pouvais donc me reposer et méditer tranquillement. Simultanément je cherchais le nom d’un fournisseur “Caroline Tricot” dont le produit m’intéressait au plus haut point. 

Je demandais au concierge de mon hôtel, je cherchais dans le bottin, les ordinateurs n’existants pas encore et les téléphones intelligents encore moins:

Rien! 

Le nom du fabricant devait sans doute être différent de la marque elle-même et sans cette information toute recherche semblait futile. 

Assis à une terrasse, nombreuses dans la ville, je prenais un café en lisant mon journal lorsqu’un mannequin, Vanessa, sublime créature rencontrée à Turin me salua avec effusion 

-Ma Bob que fais tu là? Je te croyais reparti chez toi!

Je vivais effectivement à Montréal, au Canada. 

-Viens! Viens avec moi me dit elle en un français approximatif, j’ai rendez-vous avec le  directeur d’une boutique puis nous irons déjeuner ensemble si tu veux. 

J’acceptais avec plaisir et la suivi. 

En passant je vis clairement derrière la vitrine d’un magasin de reliure, le sosie de mon père, dans la même position où il se trouvait lorsqu’il travaillait et faisait ce métier justement,  lorsqu’il serrait les dents pour apposer en lettres d’or les titres des livres qu’il venait de remettre à neuf  avec amour. 

Sur une chaise haute, tricotant un bonnet ou un pull quelconque, une femme qui ressemblait tout à fait à ma mère, composait le reste du tableau. 

La scène entière paraissait irréelle!

Comme si le temps s’était arrêté et simultanément comme si le passé, intact, revenait me faire un clin d’œil complice en ce triste jour anniversaire!

 

Après avoir parcouru un dédale de rues, de ponts au dessus de l’Arno, le fleuve tranquille qui traverse la ville, nous arrivâmes à une boutique qui vendait des vêtements de luxe. 

Sur la vitrine, un auto-collant indiquait clairement ‘’Caroline Tricot’’

Intrigué, je demandais à la vendeuse

- Vous connaissez le fabricant de cette marque ? 

- Oui, très bien, me dit-elle, cette boutique leur appartient ! 

Je pris, tout content, l’adresse et le téléphone de l’usine et moi et ma belle compagne allâmes déjeuner. 

Elle me proposa sympathiquement de nous revoir le soir même

- Je suis invité à dîner dans une famille ce soir pour une célébration spéciale, viens avec moi! 

N’aimant pas me retrouver seul, j’acceptais avec enthousiasme sans poser d’avantage de questions. 

Vers sept heures elle passa me prendre comme convenu, et de nouveau nous marchâmes dans la ville animée. 

Voyageant sans arrêt pratiquement toute l’année,j’étais, je l’avoue, déconnecté de la ville où j’étais né, celle où je vivais, de la religion aussi belle soit-elle que je prenais à la légère quoique sincèrement juif. 

Les traditions, les coutumes c’était bon à la maison mais loin de tout et de tous je ne me sentais lié à personne ni à rien en particulier sinon à moi-même 

Il me semblait que le temps ne coulait pas de la même manière pour moi. Je vivais, profitant de chaque instant présent, me saoulant de vie, d’amours éphémères, de grands restaurants, de sorties tard dans la nuit. 

Je m’adaptais au fur et à mesure aux lieux et aux circonstances. J’oubliais les dates du calendrier juif à l’exception peut-être de Roch Hachana et de Yom Kippour et encore!

Je vivais!

Je ne m’astreignais à rien. 

Un jour à Paris, l’autre à Milan un autre en Sardaigne ou sur la Côte d’Azur. Un autre encore à New York, Hong Kong ou Marbella ! On perd vite la notion du temps et de l’espace!

On est occupé à vivre! On vit!

Toutes ces séries d’événements me laissaient perplexe! Toutes ces coïncidences étaient elles fortuites? 

Ma petite personne face à l’univers étant tellement minuscule qui s’occupait de moi pour rendre ma tâche et ma vie plus facile? Qui me permettait contre toute probabilité de réussir mes projets jugés par tout le monde comme irréalisables, donquichottesques, fous?

Mais étaient-ce vraiment des coïncidences?

Il me semblait que l’univers tout entier se liguait favorablement pour répondre à mes désirs les plus profonds, à mes aspirations les plus absurdes. 

Il me semblait vraiment que si je demandais quelque chose avec suffisamment de ferveur, avec suffisamment de foi, avec suffisamment d’amour n’importe quoi, tout, pouvait m’être accordé et réalisable par miracle. 

Imaginez un ordinateur géant, à la grandeur de l’univers, une espèce de Siri ou d’Alexa qui répondent instantanément à vos demandes les plus folles, les plus incongrues, les plus incroyables et vous aurez une idée de ce dont je vous parle.

D. dans son immense sagesse a créé une machine pour servir l’humanité !

Il suffit pour cela de rêver!

Il suffit pour cela de prier!

Il suffit pour cela d’y croire!

 

Quelques heures plus tard, accompagnée de Vanessa, nous nous retrouvâmes devant une lourde porte aux motifs complexes, la norme à Florence. 

La maison ou plutôt un palais décorée avec  goût et raffinement, était entièrement illuminée de candélabres et de bougies. Des chandelles qui dansaient dans tous les sens, dans tous les coins. Des tableaux aux murs ajoutaient une note de qualité et d’harmonie à ce décor hors-normes. 

La table était mise pour une trentaine de personnes. Des parfums exquis de cuisine émanaient de partout. 

Tout le monde était habillé élégamment, des enfants jouaient gaiement sur d’épais tapis aux couleurs chatoyantes, partout des paquets  cadeaux étaient amoncelées. Un air de fête empli de musique, de chants hébraïques me rappelant le bonheur naïf et pur de mon enfance. Celui aussi du temps heureux où j’étais scout. Le bonheur simple d’être et de vivre:

 

Ils célébraient le premier soir  de Hanoukka!

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