Zehrfuss, l’architecte de la reconstruction tunisienne

Zehrfuss, l’architecte de la reconstruction tunisienne

ÉCRIT PAR ONS LARGUECH

TITULAIRE DU PREMIER GRAND PRIX DE ROME EN 1939, SECRÉTAIRE PERPÉTUEL DE L’ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS DE 1994 À 1996 ET FIGURE MAJEURE DE L’ARCHITECTURE DES TRENTE GLORIEUSES, L’ARCHITECTE FRANÇAIS BERNARD ZEHRFUSS MARQUERA DE SON EMPREINTE LA RECONSTRUCTION D’UNE TUNISIE RAVAGÉE PAR LA SECONDE GUERRE MONDIALE. CETTE PÉRIODE PROLIFIQUE CARACTÉRISÉE PAR UN ENSEMBLE DE GRANDS TRAVAUX DONNERA NAISSANCE À UN COURANT QU’ON APPELLE AUJOURD’HUI ‘’LA RECONSTRUCTION’’ ET POSERA LES PRÉMISSES DU MOUVEMENT MODERNE EN TUNISIE.

Envoyé à Tunis en 1943 afin d’expertiser les dégâts de la guerre, Zehrfuss sera nommé, sous le protectorat français, directeur du service d’architecture de la direction des travaux publics jusqu’en 1948. Il se chargera à la tête d’une équipe d’architectes dont jacques Marmey et Jason Kyriacopoulos d’une série de projets de grande envergure ayant pour objet le réaménagement du territoire tunisien selon des notions de fonctionnalisme, salubrité et économie.

Visionnaire, Zehrfuss fera de la Tunisie un ‘’laboratoire de la reconstruction’’ ou s’associent théories du mouvement moderne et architecture vernaculaire tunisienne. Nous hériterons de cette période un grand nombre de créations tel que le modèle de logement ‘’MINIMA’’ ou encore la reconstruction de Sfax et de Bizerte. Focus sur les trois œuvres majeures de Zehrfuss!

//Cimetière militaire de Gammarth

Inauguré le 5 janvier 1944, le cimetière militaire français de Gammarth rend hommage aux militaires chrétiens des troupes d’Afrique du nord tombés lors de la campagne de Tunisie entre 1942 et 1943. Flanqué sur les hauteurs de la colline de Gammarth, ce lieu calme et serein relève d’une architecture poétique et chargée en émotions. Le grand soin porté par Zehrfuss au paysage en fait l’une de ses plus grandes réalisations et sans doute l’une des plus belles œuvres d’architecture du paysage en Tunisie. Zehrfuss imagine une composition géométrique rationnelle et précise où les 1875 tombes s’alignent harmonieusement en arc de cercle et s’orientent vers la mer. L’ensemble des tombes est unifié par un traitement épuré et humble témoin d’une influence directe des cimetières musulmans. Une sculpture blanche, sobre et continue composée d’un simple parallélépipède construit sur la terre orné d’une croix d’une hauteur réduite.

//Immeuble de la sureté (Ministère de l’intérieur actuellement)

Scellé à jamais dans la mémoire collective Tunisienne, le siège du ministère de l’intérieur domine l’avenue Habib Bourguiba et reste l’un des bâtiments les plus emblématiques de la république Tunisienne. L’édifice assied depuis sa construction en tant ‘’qu’immeuble de la sureté’’, l’autorité du pouvoir dirigeant en Tunisie. Le colosse de béton, imaginé par Zehrfuss nourrit l’image qui lui est associé dans l’imaginaire collectif de par son importance et son austérité. En effet, pour dessiner ce bâtiment, l’architecte se détache de ses inspirations antérieures issues de l’architecture Tunisienne vernaculaire et opte pour une architecture rationnelle, rigoureuse et purement fonctionnelle. En résulte un bâtiment rectangulaire imposant avec sept étages de haut et rythmé par une série de fenêtres rectilignes et continues. Une conception qui parait aujourd’hui matérialiser la citation ‘’La forme suit la fonction’’.

//La maison de l’UNESCO 

Parmi les bâtiments allégoriques de l’après-guerre, œuvre porteuse d’un message de paix et de collaboration universelle, le siège de l’Unesco s’inscrira à jamais dans l’histoire comme la plus grande œuvre de Zehrfuss. Le créateur en collaboration avec deux autres grands noms de l’architecture et de l’ingénierie dans le monde, l’américain Marcel Breuer et l’italien Pier Luigi Nervi, dotera Paris de son plus beau monument moderne. Un édifice à la pointe de la technologie, reflet de la pensée moderniste. Le projet se veut à la fois monumental et fonctionnel mais surtout multiculturel et ouvert sur le monde. Pour cela, le siège s’est décliné en trois entités autonomes posées tels de grands objets sur le terrain et d’une ‘’Piazza’’. L’immense bâtiment du secrétariat en forme de Y incurvée, la structure en accordéon de la salle des conférences ou encore l’escalier des pompiers révèlent un grand art structurel et sculptural où le béton est maitre des lieux. Plus tard en 1964, Zehrfuss entamera des travaux d’extension. Voulant dissimuler le nouveau bâtiment, il trouve l’inspiration en Tunisie dans les maisons romaines souterraines du site de Bulla Reggia. Ainsi, il enterre suivant ce modèle les nouveaux locaux au-dessous de la Piazza tout en dégageant six grands patios qui assurent l’éclairage et la ventilation.

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