Henri Tibi, un nom qui reste inconnu de la plupart. C’est à cet homme, auteur-compositeur-interprète franco-tunisien, originaire de la ville multiculturelle de La Goulette, à proximité de Tunis, que le réalisateur tunisien Yassine Redissi consacre son nouveau documentaire, « Je reviendrai là-bas ».
Le film sortira le 22 février prochain dans les salles tunisiennes, puis en France.
Né à Tunis en 1930, mort en 2013 près de Besançon, Henri Tibi a connu le succès d’abord en tant que champion de tennis de table puis par ses morceaux dans lesquels il conte la ville de La Goulette, sa douceur de vivre et son histoire.
Seul ou parfois accompagné d’autres artistes et d’un orchestre, le chanteur juif tunisien a gagné la reconnaissance de la communauté juive et arabe, chantant en français, arabe et judéo-tunisien.
Ses tubes s’intitulent « Tunis ma verte patrie », « L’ami Sarfati », « Tunis, Tunis, Tunis », « Le froid, l’amour, la neige » ou encore « Zaama ya Rabbi Haï Taïeb ».
C’est cette œuvre oubliée qu’a voulu réhabiliter Yassine Redissi. Il livre ainsi un road-trip musical sur l’amitié, le vivre-ensemble et le temps qui passe.
Le mois dernier, le réalisateur expliquait à la page Instagram @_staytunes_, avoir toujours, depuis enfant, entendu parler de l’histoire des Juifs tunisiens.
« Comme d’autres Tunisiens de ma génération, j’ai commencé à fantasmer ce passé multiculturel et à être nostalgique d’un temps que je n’avais pas connu », a-t-il expliqué.
« En 2016, j’ai eu un déclic en lisant le livre ‘Il était une fois La Goulette’, de Mustapha Chelbi, et j’ai décidé d’enquêter sur la vie d’Henri Tibi, une figure goulettoise. Je connaissais ses vidéos où il chante son amour pour la Tunisie dans les rues de Besançon, et j’étais frappé par le lien qui l’unissait à son pays, bien plus puissant que chez beaucoup d’autres Tunisiens. J’ai alors rencontré le chanteur Slim Ben Ammar, qui avait exactement la même nostalgie que moi, et on a commencé à travailler ensemble sur ce projet fou. »
Sept ans plus tard, son film et un album lié de Slim Ben Ammar sont sur le point de sortir.
« J’espère que cela va permettre à la jeunesse tunisienne de découvrir l’histoire d’Henri Tibi, artiste marginal, qui est décédé dans l’anonymat mais qui a toujours espéré revenir à Tunis », explique le réalisateur.
« J’appartiens à la génération qui a fait beaucoup de choses au moment de la révolution, et mon film est une autre forme d’engagement, c’est mon manifeste pour une Tunisie plurielle et ouverte. Les Juifs ont fait l’histoire de la Tunisie avec un grand H, et ont influencé notre façon de manger, boire, chanter… Je suis sûr que si je fais un test ADN, je vais trouver des ancêtres juifs. »
Il espère également que « Je reviendrai là-bas » donnera à son public l’envie de venir visiter La Goulette.
Le film a reçu la mention spéciale du jury au Cairo International Film Festival et le prix du « Best Director – Documentary » au Berlin Indie Film Festival. Il a aussi été sélectionné au Madrid Indie Film Festival.
Il fait échos au documentaire « Du TGM au TGV » de Ruggero Gabbai et Sonia Fellous, sorti à l’automne dernier, qui retrace le parcours de la communauté juive de Tunisie partie pour la France en quête d’une nouvelle vie.