Le lycee Carnot en 1960, par Paul Zarka

Je garde de cet été là (1960) le souvenir d’un moment de bonheur contrarié, mais un beau souvenir tout de même, en raison des promesses dont il était rempli pour mes espérances amoureuses, et pour l’assurance qu’il m’avait donné. Si une jolie fille comme Solange s’était autant intéressée à moi, c’est que je devais bien valoir quelque chose ! 

Mais, des preuves sur la valeur de soi doivent à cet âge se manifester régulièrement au  risque d’un fort  découragement voire de déprime. 

 

Après ce bel été, l’heure de la rentrée avait naturellement sonné et je devais reprendre le chemin de l’école non sans une certaine appréhension. Je rentrais en effet en classe de troisième et si j’avais fait une bonne année scolaire de cinquième, la classe de quatrième fut assez contrastée au niveau de mes résultats qui laissaient à désirer notamment en mathématiques. De plus, on m’avait annoncé M. Durand comme professeur de mathématiques de réputation très sévère.

 

Un défaut de mémoire m’oblige a utiliser le pseudo de M. Durand. Assez élégant et de taille moyenne portant des lunettes en écaille. Il portait un costume trois pièces gris foncé. Je parle de la classe de troisième serie moderne de l’année scolaire 1960-1961.

 

Mes soucis ne faisaient que commencer, car voilà qu’au moment du premier cours de maths, et cela avant même d’entrer en classe, Monsieur Durand me désigna comme bouc émissaire en raison d’un simple bavardage à l’entrée en classe. Alors que je souhaitais m’asseoir au premier rang pour manifester mes bonnes résolutions d’écoute, il m’enjoignait de m’installer au dernier rang de la classe et ce, à titre définitif, pour toute l’année scolaire. Sa méthode qui consistait d’emblée à faire un  exemple était assurément efficace puisqu’on n’entendit pas une mouche voler pendant ses cours tout au long de l’année ! 

 

J’allais donc m’asseoir derrière au dernier rang, mais humiliation suprême, il me demanda d’aller m’installer encore plus au fond soit au dernier rang de la partie non occupée de la salle. Les salles du Lycée Carnot de Tunis, très spacieuses, n’étaient en règle générale, occupées que partiellement. Bien que très humilié je compris assez vite que je constituais un exemple. Cette manifestation d’autorité était assortie d’une si grande injustice que je m’interrogeais sur la manière d’y répondre ou d’y faire face. D’autant que j’ai passé cette année scolaire 1960-1961 isolé au fond de cette salle de classe. Je n’avais que le droit d’écouter le cours sans aucune autre forme de participation !

 

Monsieur Durand était nouvellement affecté au Lycée Carnot de Tunis par l’Académie de Paris en récompense de ses bons services dans la région parisienne. A cette époque l’Education Nationale récompensait ses meilleurs profs de France par une affectation dans les territoires français au soleil. Et monsieur Durand était effectivement un excellent prof, bien que je n’aie malheureusement pas pu bénéficier de sa pédagogie, du fait de ma positon au fond de cette classe. Je crois même me souvenir qu’il ne m’a jamais adressé la parole tout au long de cette année. De plus, handicapé par ma myopie, j’avais des difficultés de lecture au tableau, handicap qui venait se cumuler à mes lacunes de ma médiocre quatrième !

 

PAUL FELIX ZARKA

 

paulzarka@mac.com

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