Le Café Chadly de l’Ariana, par Pierrot Sitbon
Ce café a été pour moi et certains Ariannais, notre point de rencontre. L’endroit où nous passions le plus de temps possible, avant d’aller à Tunis, pour voir un film, et à la goulette pour nous baigner, en été bien sur. Je parle bien du temps de nos 15-18 ans, pendant nos moments d’inactivités. Après c’était le mariage ou l’expatriation.
Ce café que tant de Tunisois connaissent pour sa situation (à l’entrée de l’Ariana), son air pure des soirées de printemps et surtout pour certains, son eau du puits Bellacene (« Bir Bel hassen », eau ferrugineuse, rien à voir avec Bourvil).Ces Tunisois venaient surtout le vendredi soir après le couscous. Nous autres Ariannais, étions un peu agacés par cette invasion. Nous perdons nos repères et surtout nos tables. (Dans certains cas, « nos filles »)
Comme je le disais, ce café, nous servait de Quartier Générale, de point de rencontre et surtout, pour mes copains et moi, le lieu de toutes nos discussions : copines, sorties et échafauder notre avenir. Nous passions du matin au soir, avec bien entendus un « break » pour le dejeuner.Notre consommation du jour n’était que d’un café noir filtre. Nous avions une ardoise hebdomadaire de 140 millimes (140Frs. de cette époque) plus un pourboire de 2 cigarettes (Supérieur), que nous réglons à Hassen le serveur tous les dimanches. (Il gonflait parfois l’adition de quelques cafés, mais nous fermions l’œil).
Pour certains, c’était les parties de belotte ou de jacquet interminables, qui se soldées pour le perdant par payer les consommations.
Les plus assidus de ce café étaient « La bande Rouge » et les Juniors de cette bande. Nous faisions parties des juniors (les petits frères). Je ne vais pas les nommer, ils se reconnaîtront. (Certains sont malheureusement décédés.)
Le dimanche matin, au Printemps, c’étais la matinée pour nous la plus intellectuelle. Nous étions pressés de rencontrer Jacquot Taiëb (Jaques Taiëb) le sociologue, que beaucoup de Tunes connaissent pour ses conférences et écrits.
Jacquot n’était Ariannais, que par adoption. Il habitait l’Ariana que le Printemps et l’été. Il était aussi Prof. à l’ORT.
Nous étions réunis autour de lui, et il commençait à nous parler des familles de l’Ariana. Il les connaissait toutes, les vrais et les fausses (c'est-à-dire les plus récentes.), les anecdotes sur certains, les origines, les surnoms, bref, tout.
Ce fameux café était aussi, le lieu de rencontre des plus vieux, ceux qui restaient à l’intérieur et qui joués au jacquet avec le plus souvent des partenaires Arabes.
Une petite pensé à Robert Pérez, (l’oncle à ma femmes) que l’on surnommé « Pérez la brute », due à sa grosse voix, et qui était un grand joueur de jacquet.
Malgré quelques frictions avec les moins âgés, la cohabitation avec les Arabes Ariannais, était très bonne.
Comme par exemples : à Pessah, le café étais « cacherisé » (bien que le propriétaire, Chadly étais musulman), et les non juifs, ne pouvais pas franchir le seuil avec du pain à la main. Moumou étais la, et veillait au grain (pas de pain).
A cette époque (début des années ’60), nous avions, Pierrot et moi , nos copines,Mimi et Simone( qui deviendrons nos femmes plus tard), qui n’étaient pas toujours libres les samedis et dimanches après midi. Leurs parents respectifs, ne voulaient pas qu’elles sortent avec des garçons avec un avenir encore incertain. A ce moment la, le mot « sortir » voulait dire, sortir et pas plus, pas comme le sens qu’il a aujourd’hui. Bref, pour nous réfugier et se lamenter mutuellement de notre déception et de nos après midi gâchées, nous allions au café le faire, en grillant quelques cigarettes « Supérieur ».
Voila quelques souvenirs épars de ce café, qui a beaucoup compté, pour moi et mes copains. C’était ça pour nous le café chedly.
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Commentaires
Le nom a disparu.
Bonjour,
C'est bien de replonger dans la douce nostalgie de l'Ariana du bon vieux temps et des amours et rigolades !
Le nom de ce café, qui sert toujours de café, a disparu, et c'est 'Café Bellar'. Bellar en arabe c'est tout simplement 'verre' d'où le nom de 'Bellar'.
Hélas, la commune de l'Ariana a bien changé. La dernière personne juive à quitter la ville est l'une des soeurs jumelles S'madja. Décédée il y a une année.
L'ambiance a changé, mais les 'cheveux gris' de l'ancienne Ariana évoquent toujours avec amour et émotion les bons souvenirs du majestueux bon voisinage. Les fameux 'cakes' de Lallou, les sandwiches de Flifel et les rixes et ménages de la bonne Maïha.
Que les belles plumes se mettent à écrire sur cette jadis coquette ville et ses bonnes gens !