NISARD Maurice - Par Jacques Girault
Né le 31 mars 1914 à La Goulette (Tunisie), mort le 2 décembre 2000 à Paris ; avocat en Tunisie, professeur de droit, président de l’Université de Paris 13 ; militant syndicaliste ; membre du Parti communiste tunisien puis du Parti communiste français.
Son père, juif tunisien, clerc d’avocat, vers 1900, devenu avocat, mourut en 1930. Sa mère était juive, d’une famille originaire de Livourne (Italie) installée depuis le XVIIIe siècle en Tunisie. Maurice Nisard, né dans une famille peu pratiquante. Atteint de poliomyélite, il en garda quelques séquelles en dépit des soins prodigués à Tunis où il passa sa jeunesse. Élève du lycée Carnot, bachelier en 1930, il fit ses études de droit au Centre d’études juridiques de Tunis, dépendant de la Faculté de Droit d’Alger. Après avoir obtenu sa licence en 1934, devenu avocat, il s’inscrivit au barreau de Tunis.
Intéressé par la poésie, inscrit au Mouvement surréaliste, il vint à Paris en 1935 et rencontra André Breton. Au contact avec la misère de la population tunisienne, attiré par le marxisme, dans l’atmosphère du Front populaire, il adhéra au Parti communiste dans le XIe arrondissement et devint rapidement secrétaire de sa cellule. Il trouva un poste de surveillant d’externat au lycée Voltaire à Paris. Il devint peu après le responsable de la propagande et le rédacteur en chef de l’agence officielle d’information de l’Espagne républicaine en France en 1937-1938.
Dans l’été 1939, Maurice Nisard revint en Tunisie. Après la déclaration de guerre, empêché de rentrer en France, il se réinscrit au barreau de Tunis. Il adhéra au Parti communiste tunisien en octobre 1939 devenu illégal. Il suivit les consignes du PCT de s’engager dans l’armée française mais fut refusé avec d’autres communistes. En 1940, il fut un des organisateurs de l’évasion d’Ali Djerad, secrétaire du PCT interné à Maktar.
En janvier 1942, Ferdinand Pauser, membre du bureau politique du PCT, sous la torture, livra son nom avec ceux de plusieurs militants communistes. Entré dans l’illégalité sous le pseudonyme de « Nicolas », jugé par le tribunal maritime de Bizerte le 18 mars 1942, Maurice Nisard fut condamné à mort par contumace. Lors du débarquement allemand en Tunisie, le 14 novembre 1942, consécutif à l’arrivée des Américains à Alger le 8 novembre, la Résidence générale décida de libérer tous les prisonniers politiques, à l’exception des Destouriens. Maurice Nisard, le 15 novembre, encore dans l’illégalité, alla remettre à la Résidence une lettre du PCT demandant la libération des Destouriens dans la perspective d’une « union nationale ». Il devint peu après le secrétaire-adjoint du PCT. Fut élaborée à la fin décembre 1942 la tactique du PCT sous le titre « les buts de guerre du peuple tunisien », la victoire des Alliés devant permettre la naissance d’une « Union française démocratique et socialiste », revendication qui, bien que sous-estimant le sentiment national, fut maintenue jusqu’en 1949.
Il se maria en octobre 1944 à Tunis avec Sarah, Sabine, Éliane Narboni, employée des postes, puis institutrice et enfin professeur de français au lycée Alaoui de Tunis. Le couple eut deux filles. Militante dans le mouvement des jeunes filles et communiste, elle fut elle-même emprisonnée sous Vichy.
En 1948, après l’exclusion du secrétaire général Ali Djerad, Nisard, toujours secrétaire-adjoint, exerça de fait la responsabilité de secrétaire général. Organisateur du Comité tunisien des partisans de la Paix et de la Liberté, directeur du journal communiste L’Avenir de la Tunisie, il était toujours partisan d’un rapprochement avec le Néo-Destour. En 1952, avec d’autres militants pour l’indépendance tunisienne, il fut déporté successivement à Tataouine, Rémada, Borj le Bœuf puis emprisonné près de Tunis. Il fut un des trois derniers libérés en juillet 1954.
En avril 1956, lors du Veme congrès du PCT, on lui retira la fonction de secrétaire adjoint mais il resta membre du bureau politique, responsabilité dont il fut déchargé, contre son gré, lors du congrès suivant.
Son épouse milita après la guerre dans le syndicalisme écrivant sous le pseudonyme de « Cassandre » des articles dans L’Avenir de la Tunisie.
En 1956, Nisard reprit son métier d’avocat à la Cour de cassation de Tunis. Il apprit l’arabe pour pouvoir plaider et obtint une licence à la faculté de Tunis. Docteur en droit en 1968, avec une thèse sur « le droit international privé tunisien en matière de statut personnel », il prononça quelques conférences en arabe à la faculté de Tunis et à la Grande Mosquée.
Entré en France en 1968 où ses filles étaient étudiantes, Maurice Nisard, docteur en droit, obtint un poste d’assistant à la Faculté de Droit de Paris où il coordonnait aussi les enseignements des assistants. Naturalisé français en 1972, agrégé sur le contingent national en 1972, il fut nommé professeur à la faculté de Droit de Besançon en 1972-1973. Puis il devint maître de conférences, professeur à l’Université de Paris 13 et directeur de l’Institut universitaire de technologie de Villetaneuse en 1973. Il avait souhaité diriger cet IUT par intérêt pour cette formation courte appliquée au Droit. Il enseigna le droit civil privé au département « Carrières juridiques » de l’IUT et à l’UFR de droit jusqu’à sa retraite en 1982. Candidat syndical élu président de son université de 1977 à 1982, il eut à affronter diverses actions de ses opposants pendant son mandat. Sollicité pour être membre du jury du Certificat d’aptitude à la profession d’avocat, il obtint l’éméritat à la majorité de la section du Comité national des universités. Jusqu’en 1988, il présida ce jury et assura un cours de Diplôme d’études approfondies sur le droit de la consommation.
Maurice Nisard réadhéra au Parti communiste français à son arrivée en France en 1968. Il collaborait avec le comité central et le groupe parlementaire pour la préparation des projets de loi. Il fut candidat aux élections législatives de 1986 sur la liste communiste en Seine-Saint-Denis.
Après avoir applaudi, lors d’un séjour à Prague, aux manifestations du printemps, fidèle à l’URSS, il approuva l’intervention militaire et soutint l’action soviétique en Afghanistan. D’accord avec les actions de Gorbatchev, il suivit avec intérêt les propositions de « rénovateurs » et prit part à leurs travaux. Bien que fortement déçu lors de l’effondrement de l’URSS, il ne remit pas en cause sa fidélité au PCF. Parallèlement, il fut un des rédacteurs des statuts de l’appel des Cent pour la paix et militait à l’association « Agir contre la colonialisme d’aujourd’hui ». En outre, il joua un rôle actif dans le Syndicat national de l’enseignement supérieur et, fut membre de la commission administrative nationale, élu sur la liste « Action syndicale ». Il aida la direction nationale, notamment sur la question des IUT.