AMOS OZ : LA PLUME ET LES COLOMBES
Avant de commencer la rédaction de ce billet de blog, j'ai ouvert le dernier livre d'Amos Oz paru il y a quelques mois, Chers fanatiques. Une feuille pliée en deux glisse des premières pages du livre. J'y découvre les paroles de Shir laShalom. Quelqu'un m'avait remis cette feuille en novembre dernier, place Rabin à Tel Aviv, à l'occasion des commémorations de l'assassinat de l'ancien Premier ministre israélien. En quittant la place, je l'avais glissée dans ma lecture du moment.
Ce petit signe empreint de cynisme me fait sourire. Même en ayant Amos Oz entre les mains, la paix nous file entre les doigts.
J'ai découvert Amos Oz en lisant Entre amis. Une fresque d'une poésie sans pareille de la vie au Kibboutz. Le lecteur se perd au milieu des histoires des kibboutzniks et de leurs états d'âme. L'écriture efficace d'Amos Oz ne laisse cependant rien a hasard et chaque mot a le poids qu'il entend peser. Entre amis est le témoin de la moiteur des jours de printemps et de la fraîcheur du crépuscule, du bruit du vent qui s'engouffre dans les maisons et des pluie storrentielles qui innondent les cultures, de la larme d'une femme qui s'eternise sur sa joue et du bruit des jouets des enfants. Evidemment, je ne pouvais que tomber sous le charme de la plume de ce conteur de l'Israël que j'aime.
Après avoir passé en revue la plupart des oeuvres romanesques de notre écrivain, je me suis intéressée à ses essais et publications de discours. J'ai dévoré Aidez-nous à divorcer : Israël Palestine, deux Etats maintenant en quelques heures, animée d'un sentiment de joie, celle de lire tout ce que je n'avais jamais réussi à formuler.
C'est un tort de distinguer l'Amos Oz écrivain de l'Amos Oz politique. D'abord parce que les écrivains ont toujours eu l'immense responsabilité politique du lanceur d'alerte, de celui qui écrit sur ce qui est à peine visible, de celui qui interroge sur ce dont on a pas conscience. Ensuite, parce qu'Amos Oz n'aurait certainement jamais écrit ce qu'il a écrit s'il navait pas eu les positions politiques que l'on lui connait et une ambition dévorante pour la paix.
Amos Oz était bien plus qu'un écrivain israélien. C'était un amoureux d'Israël, capable d'en dépeindre les contours les plus ambigus. Un amoureux tenace, qui n'a jamais cessé de croire en la beauté et la grandeur de son pays. Amos Oz était un sioniste comme on en fait plus, n'en déplaise à une certaine gauche qui se perd parfois dans des considérations politiques sans intérêt.
Amos Oz conclut la dernière phrase de son dernier livre par le mot "rêvé". Amos Oz était un rêveur. Et si le rêve n'est plus tellement encouragé pour ceux qui ont Israël quelque part dans le coeur, Amos Oz nous redonne, à chaque lecture de ses oeuvres, la force de rêver encore, comme des millions l'ont fait avant nous, et comme des millions continueront de le faire.
Pour découvrir ou redécouvrir Amos Oz :
La boîte noire, 1986
Une histoire d'amour et de ténèbres, 2002
Entre amis, 2012
Marie-Sarah Seeberger