Le scandale Harvey Weinstein fait trembler le cinéma français
Par Christophe Carrière
Les accusations d'agressions sexuelles contre le producteur américain pourraient bien avoir des répercussions dans le cinéma français et soulever des affaires tout aussi scandaleuses.
Ce n'est plus une pluie d'accusations mais une tornade! Qui nettoie tout du sol au plafond - le premier recouvert d'un tapis rouge, le deuxième situé dans la salle du conseil d'administration de The Weinstein Company, présidé par Bob Weinstein qui a limogé illico presto son co-président de frangin, Harvey.
Et pour cause. Si vous avez manqué le début -ou si vous avez passé une semaine au fond d'une cave ou loin de la Terre, un article du New York Times, suivi d'un autre dans le New Yorker, accusent le producteur Harvey Weinstein d'agressions sexuelles, harcèlement et viol. Rien de moins. Enquêtes appuyées par les témoignages de personnalités comme Ashley Judd (Divergente), Rose McGowan(Scream), Angelina Jolie, Cara Delevingne... Très vite rejointes par les Françaises Emma de Caunes, Léa Seydoux, Judith Godrèche.
L'onde de choc a donc atteint les rivages du cinéma français et, par conséquent, secoue beaucoup de décideurs qui travaillaient de près ou de loin avec le producteur. Tous jurent qu'ils n'étaient au courant de rien. "En tout cas pas à ce point, précise ce distributeur. J'avoue que l'histoire d'Emma [de Caunes] m'a profondément choqué. Comment voulez-vous que j'imagine qu'un type avec qui je parle affaires le plus sérieusement du monde dans sa suite, soit capable de sortir de sa douche son appareil à la main devant une comédienne?"
"Tout le monde savait que l'homme pouvait être lourd"
Albane Cleret, directrice d'Albane Communication, agence événementielle organisant moult événements, notamment durant le Festival de Cannes, est une proche de beaucoup de comédiennes françaises. Savait-elle pour autant, elle qui a souvent reçu Harvey Weinstein sur sa terrasse cannoise lors de déjeuners, de junkets ou de soirées? "Pas une actrice n'est venue se plaindre à moi. Si cela avait été le cas, je serai allée le voir, toute petite Albane Cleret que je sois, et je l'aurais immédiatement fait sortir. Par ailleurs, tout le monde savait que l'homme pouvait être lourd. Moi, en dix ans, il ne m'a jamais fait offense. Le seul compliment qu'il m'ait adressé, c'était il y a un an: 'Tu as beaucoup maigri, ça te va très bien.' On ne peut pas dire que ce soit déplacé ou rentre-dedans." Elle rit à ce souvenir, même si elle n'a pas le coeur à blaguer.
Personne ne l'a. "Ce qu'a fait Harvey Weinstein est inadmissible, reconnait une attachée de presse, mais beaucoup de professionnels français, journalistes compris, devraient cesser de jouer les candides. On en est à reprocher à Weinstein de participer à des partouzes cannoises où la coke circulerait... Vous parlez d'un scoop! Apparemment, la fameuse phrase 'Ce qui se passe à Cannes reste à Cannes' n'a plus le lieu d'être."
"Deux ou trois producteurs français doivent trembler sur leurs jambes"
Certes, mais on s'éloigne du sujet. Celui-ci demeurant les agressions sexuelles de Weinstein. "Là, je suis à Londres pour affaires et tout le monde ne me parle que de cela, avoue cet investisseur français joint au téléphone. Avec cette question en corollaire qu'on me balance comme une boutade: comment fera-t-on pour gagner des oscars maintenant ? Comme si c'était le souci..."
L'interlocuteur marque une pause, avant de reprendre, à la fois grave et sybillin: "Toutes ces actrices qui libèrent la parole donne à cette histoire une ampleur dont on n'imagine pas les répercussions. Si les comédiennes trouvent le courage de tout dire, je connais deux ou trois producteurs français qui doivent actuellement trembler sur leurs jambes." "Vous devriez creuser..." ajoute-t-il avant de raccrocher. De toute évidence, la tornade Weinstein en appelle d'autres.