Depuis la «révolution de jasmin», le pays, miné par le terrorisme et les tensions sociales, cherche à rassurer la communauté internationale.
Six ans déjà que Ben Ali a été chassé du pouvoir. Depuis son départ, le 14 janvier 2011, pour l’Arabie saoudite, la Tunisie a connu un destin chaotique et sanglant. Tandis que l’ex-président despote jouit d’un exil paisible, ce pays, d’une dizaine de millions d’habitants, reste miné par le terrorisme, avec trois attentats en 2015, dont celui commis au musée du Bardo.
A la tête d’un Etat considéré comme un incubateur à terroristes (5.000 de ses ressortissants combattent dans les rangs de Daech), Youssef Chahed, chef du 7e gouvernement post- « révolution de jasmin », s’efforce de rassurer la communauté internationale. «La situation est sous contrôle. Nous avons infiltré les mouvements djihadistes», a-t-il affirmé à Challenges. A l’évidence, sa tâche ne s’annonce pas facile alors que les touristes (8 % du PIB) boudent son pays. «Ils commencent à revenir. Nous espérons avoir atteint les 5 millions de visiteurs en 2016.» Ce chiffre reste éloigné des 7 millions (dont 20 % de Français), réalisés dans les meilleures années.
Instabilité sociale permanente
Pas évident non plus pour les investisseurs internationaux de miser sur un pays marqué par une instabilité sociale quasi permanente et qui a vu le rating de sa dette souveraine par Moody’s passer de stable à négative, fin novembre. Face à la crise économique, les gouvernements précédents ont acheté la paix sociale en recrutant massivement pour la fonction publique, dont la masse salariale a doublé en cinq ans.
Coincés entre les exigences de réformes structurelles du Fonds monétaire international (FMI) et une pression syndicale forte, les dirigeants tunisiens se démènent pour séduire les investisseurs internationaux. «Nous sommes le site le plus compétitif de la rive sud du bassin méditerranéen», s’est exclamé Fadhel Abdelkefi , ministre du Développement, devant les représentants des plus grands bailleurs de fonds publics et privés lors de la conférence Tunisia 2020, fin novembre.
Avec 15 milliards de dollars de fonds levés, ce symposium a été présenté comme un succès par le pouvoir. Pourtant, nombre de ses participants ne partageaient pas cet enthousiasme. Certains, comme Samir Saïed, directeur général de STB Bank, insistent sur le manque de fonds propres des entreprises tunisiennes. Alors qu’Isabelle Bébéar, directrice de l’International à Bpifrance, s’inquiète « de la prégnance de l’économie informelle », qui représenterait plus de la moitié du PIB. «Le clan Ben Ali est parti, mais d’autres réseaux ont pris le relais et la corruption gangrène toujours ce pays», nous confie un puissant homme d’affaires tunisien. Dans ce contexte, les investisseurs internationaux attendent beaucoup de l’application du nouveau Code des investissements qui devrait alléger les procédures administratives et, espèrent-ils, faciliter l’accès de l’économie tunisienne aux capitaux étrangers.