Pour sa première expérience en tant qu’écrivaine, Judith Elmaleh a choisi une histoire bouleversante, celle de sa grand-mère, mariée à son insu à l’âge de 14 ans. «Une Reine», paru cet automne chez Robert Laffont et disponible au Maroc, dévoile un secret de famille et entraîne le lecteur au cœur de la vie intime d’une famille juive marocaine dans le Maroc des années 1930, marqué par les non-dits et le silence. Avant d’entamer sa première aventure littéraire, Judith a affûté ses armes aux côtés de son frère Gad Elmaleh en met-tant en scène et en co-écrivant ses One-man show. Née en 1969 à Casablanca, Judith est passionnée par le monde du spectacle depuis son plus jeune âge. Après des études de journaliste à Strasbourg et une mission de directrice internet de TV5 Monde, elle trace sa voie en tant que metteuse en scène, scénariste et réalisatrice. Elle est présente sur tous les fronts, que ce soit au théâtre, à la télévision ou encore au cinéma et aujourd’hui en librairie.
Votre avez sorti votre premier roman «Une Reine» et votre frère Gad Elmaleh a réalisé la comédie «Reste un peu», des œuvres sur la famille Elmaleh. Pourquoi ce besoin de se dévoiler maintenant ?
C’est le hasard des calendriers, mais en même temps, je pense que ça correspond à notre moment de vie, mon frère Gad et moi. On arrive à la cinquantaine et on fait le point. On va peut-être avoir des petits-enfants bientôt et je pense que chacun d’entre nous a choisi un moyen de transmettre à nos enfants et à nos futurs petits-enfants notre histoire qu’on ne veut pas qu’elle soit réinterprétée différemment de comment on l’a ressentie.
Votre grand-père était clown dans les marchés, votre père faisait du mime et Gad a percé dans la comédie et le One-man show. La famille Elmaleh est-elle tombée dans la marmite du rire ?
Mon grand-père était effectivement un clown dans le marché de Bab Marrakech dans l’ancienne médina de Casablanca. Pour lui, le rire c’était du sérieux. Si quelqu’un racontait une blague à table, il l’écoutait et si elle n’était pas bien racontée, il devait la recommencer jusqu’à ce qu’on rie tous. Le rire, c’était aussi ce langage qui nous permettait de chasser le drame, c’était très présent dans notre famille et on en a fait finalement notre fonds de commerce. De manière générale, c’est une chose que je retrouve beaucoup au Maroc. La dérision, drôlerie, tout est pris avec le sourire, avec beaucoup d’humour.
A travers «Une Reine», vous effectuez un véritable retour aux sources. Comment avez-vous vécu cette expérience lors de la réalisation de cet ouvrage ?
C’est une plongée en soi. Il y a des souvenirs qui sont apparus, dont je ne me rappelais même pas, j’ai redécouvert mon histoire. En me posant devant une feuille blanche, je me suis demandé si cela c’était bien arrivé et j’ai replongé non seulement dans ce que m’avait raconté ma famille, mais aussi dans mon enfance à Casablanca, dans mon quotidien casablancais où j’ai vécu jusqu’à 17 ans et ça a suscité énormément d’émotion en moi. J’ai aussi trouvé des clés et j’ai redécouvert des éléments importants qui s’étaient passés et qui étaient déclencheurs pour moi.
L’histoire du roman se déroule dans les années 30 du siècle dernier et interpelle sur le phénomène du mariage forcé. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Quel regard portez-vous sur les Marocaines et le Maroc d’aujourd’hui ?
Les événements se déroulent durant les années 30 pendant que ma grand-mère vivait dans le Mellah de Casablanca. Le roman commence à ce moment-là. Le regard que je porte sur le Maroc d’aujourd’hui, c’est le regard d’une fille du pays qui aime le Maroc mais aussi un regard admiratif du vivre-ensemble qu’on retrouve dans ce pays et qui est extraordinaire à bien des égards. C’est un vivre-ensemble qui ne gomme pas les différences et qui les respecte. On peut parler de son judaïsme, de son islam entre nous sans aucun a priori et c’est très précieux pour moi. Le Maroc est un exemple dans ce sens. Concernant le fait d’interpeller ou pas sur le phénomène du mariage forcé, ce n’est pas le but premier du roman. L’objectif était de raconter l’histoire de ma grand-mère qui a vécu un mariage à son insu. Ce qui a été bouleversant dans son histoire, c’est qu’elle avait 14 ans et qu’elle n’était pas au courant qu’elle allait se marier. Il fallait interpeller à ce niveau-là et au niveau de tous les consentements.
Le Maroc vous manque, mais Essaouira beaucoup plus… Qu’est-ce qui vous lie parti-culièrement à cette ville ?
Je suis installée à Paris, mais je viens souvent au Maroc qui, effectivement, me manque toujours, spécialement Essaouira qui est très chère à mon cœur. Ma mère est née là-bas. C’est une ville magnifique, il y a la poésie, la mer, la portée historique… C’est la ville que je préfère au monde et où j’aimerais mourir.
Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?
Je travaille sur l’écriture d’une série avec le philosophe Frédéric Lenoir, dont le thème est le milieu estudiantin. L’objectif est de passer des messages philosophiques par le rire et la comédie. Le 27 janvier 2023 sortira à Paris la pièce «Suite Royale» au Théâtre de la Madeleine avec Elie Semoun et Julie de Bona. La pièce que j’ai co-écrite avec Hadrien Raccah est mise en scène par Bernard Murat. Et puis, je joue aux côtés de mon frère et de mes parents Régine et David Elmaleh mon propre rôle dans le film réalisé par Gad, «Reste un peu», sorti en novembre dernier. Une comédie qui a connu un grand succès et qui traite avec subtilité et humour des sujets liés à la religion, à la famille… Le succès du film a été également au rendez-vous dans les salles de cinéma au Maroc. Et ça nous rend fiers !
Quel est votre livre de chevet ?
Les poèmes et chansons de Leonard Cohen. Ce sont des poèmes très forts. Mais, vous savez, je lis toujours plusieurs livres en même temps. J’aime beaucoup les romans intimes, je ne suis pas friande des romans d’aventure ou de science-fiction.
Un second roman en projet ?
La suite d’«Une Reine» ?
Oui, absolument. Je ne sais pas si ça sera la suite d’«Une Reine», mais il s’agira en tout cas de liens familiaux, c’est un sujet inépuisable.
Une sortie en 2023 ?
Normalement oui, c’est prévu pour septembre 2023. Je vous le dis, comme ça je m’engage, comme ça je le fais (rires).
Commentaires
Essaouira …
Essaouira
" C'est la ville que je préfère au monde et où j'aimerais mourir "
Si la France c'est fait pour y vivre ce n'est déjà pas si mal .