Djerba : tuer des juifs est-il un acte antisémite ?
Jean-Yves Camus - Charlie Hebdo
L'attentat perpétré à Djerba contre une synagogue, mardi 9 mai, fait l'objet d'une minimisation des autorités, qui veulent y voir non pas un crime antisémite, mais un simple acte isolé.
L’émoi suscité par la manifestation fasciste du Comité du 9 mai a donné lieu à des commentaires sur l’antisémitisme, les convictions nazies et négationnistes de certains participants. Certes, l’organisation, en guise d’after, d’un concert de « rock aryen » dans une salle municipale dénommée Simone-Veil incline à penser que les participants n’étaient pas philosémites.
Mais on ne doit pas oublier ceci : la semaine dernière, ce n’est ni à Paris ni à Saint-Cyr-l’École qu’on a tué des Juifs, mais à Djerba, en Tunisie, devant une synagogue déjà touchée par un attentat en 2002. Certains médias s’interrogent doctement : attentat ou acte isolé ? D’autres glosent sur les motivations du tireur. On s’en fout ! Un gendarme tunisien a tué deux Juifs qui étaient en pèlerinage à la synagogue de la Ghriba. Dont un citoyen français qui n’est pas mort tué par des nazillons à Marseille, où il vit, mais à Djerba, dans son pays d’origine, pour la seule raison qu’il était juif. Répétons : pour la seule raison qu’il était juif.
Dingue ou pas dingue ?
Les sceptiques avancent un argument : avant de s’attaquer aux pèlerins, le gendarme auteur de l’attentat a tué plusieurs de ses collègues. Oui, et alors ? S’il a parcouru 15 km jusqu’à la Ghriba, c’est qu’il avait une cible juive. Le média tunisien Business News est lucide, lui : « Peut-on définir l’attentat de Djerba comme un acte terroriste ? » Oui. « […] Nous avons une personne qui a pris délibérément une arme et s’est dirigée délibérément vers un lieu de pèlerinage pour cibler une communauté bien particulière […] . Il s’agissait donc d’atteindre des objectifs idéologiques et de manifester sa haine à l’égard d’une communauté […] . »
Le président Macron a rappelé que notre pays lutte sans relâche contre l’antisémitisme : c’est vrai. Une enquête est ouverte en France par le parquet antiterroriste, très bien. Mais la vérité, c’est qu’un membre des forces de l’ordre tunisiennes, dont le rôle est en principe d’assurer la sécurité des pèlerins, juifs compris, en a tué deux. Est-ce un de ces nombreux islamistes infiltrés dans l’armée ? Peut-être. Même si ce n’est pas le cas, même s’il est déclaré dingue, c’est un antisémite, d’une espèce qui n’est pas celle des adorateurs de Pétain.