La guerre des airs - David Bensoussan
Une révolution technologique au-dessus de nos têtes
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a fait réviser les stratégies de défense dans les pays occidentaux. Au moment où les pays de l’OTAN s’apprêtent à augmenter leur budget de la défense à 2% de leur PNB, il est fort probable que les investissements seront orientés vers l’achat d’avions furtifs de type F-35, de missiles et d’armes antimissiles.
Malgré l’omniprésence de termes tels que fusées, missiles, roquettes ou drones dans les actualités internationales, les distinctions entre ces engins restent souvent floues. Cet article propose une vue d’ensemble des grandes catégories d’engins aéroportés, autres que les avions de combat, pour mieux comprendre cette technologie au cœur des conflits modernes.
Les récents conflits en Ukraine et en Israël ont offert des enseignements cruciaux, notamment en matière de guerre des missiles. L’expérience israélienne dans ce domaine mérite une attention particulière pour analyser les solutions développées face à ces menaces.
Catégories d’engins aéroportés
Une roquette est lancée à des distances inférieures à 50 km et peut parfois atteindre des vitesses hypersoniques de 10 000km/h. Leur trajectoire est fixée d’avance.
Les drones, contrôlés à distance ou autonomes (drones de surveillance ou drones kamikazes), couvrent des distances de 100 à 200 km.
Les missiles sont équipés de systèmes de navigation avancés et peuvent être subsoniques, soniques, ou hypersoniques. Ces derniers, capables de modifier leur trajectoire en vol, révolutionnent la guerre moderne par leur vitesse fulgurante.
Les missiles balistiques tactiques comprennent des missiles de courte portée (1 000 km), de portée moyenne (entre 1 000 et 3 000 km), de portée intermédiaire (entre 3 000 et 5 500 km). Les missiles balistiques intercontinentaux ICBM (Intercontinental Ballistic Missile) se déplacent à des vitesses supersoniques en passant au-dessus de l’atmosphère terrestre et ont plus de 6000 km de portée.
Les missiles de croisière épousent le terrain qu’ils survolent en comparant la carte du terrain au relief survolé. Cela constitue un avantage du fait que les signaux radars sont difficilement visibles à basse altitude. Ils peuvent avoir une portée de plusieurs centaines de kilomètres.
Techniques de navigation
L’efficacité des missiles et des drones repose sur des systèmes de navigation satellitaire sophistiqués. Les satellites en orbite basse (LEO), par exemple, offrent des résolutions photographiques dix fois supérieures à celles des satellites géostationnaires. Pour éviter les interférences électromagnétiques, certains missiles utilisent des systèmes de navigation inertielle autonomes.
Le guidage de missile tactique peut être manuel, comme c’est le cas pour le viseur optique qui permet de suivre la cible dans un missile antitank. Il peut également être téléguidé en recevant des instructions à partir de radars de détection qui suivent la trajectoire de la cible et calculent le point d’impact.
Un missile peut suivre le faisceau du radar qui est orienté vers la cible. Alternativement, le missile peut s’orienter vers la réflexion par la cible du faisceau du radar terrestre ou aérien qu’elle réfléchit ou même s’orienter vers le radar de la cible émettrice. À proximité de la cible, les missiles explosent ou s’orientent dans la direction de la source de chaleur (rayonnement infrarouge) émise par les aéronefs.
Exemples
La défense antiaérienne d’Israël comprend des missiles de différentes portées : Arrow 3 (au-dessus de l’atmosphère terrestre, 2 400km), Arrow 2 (1 600km), Fronde de David (300km), dôme de fer (70 km), dôme de laser (10 km). Israël a également produit 70 modèles de drones.
Les armes antimissiles Arrow2 et Arrow 3 ont été testées en avril 2023 alors que l’Iran avait tiré sur Israël 110 à 130 missiles balistiques, 36 missiles de croisière et 185 avions sans pilote lesquels ont causé un dommage mineur. Ces armes antimissiles ont été testées contre des missiles iraniens de différentes portées : Fattah (supersonique) Ghadr F (1950 km) Ghadr H (1650 km) et Shahab 3 (1350 km) auxquels s’ajoutent les drones de type Shahed. C’est la première fois qu’un missile aura été détruit en dehors de l’atmosphère terrestre.
Les armes au laser
Les innovations les plus marquantes concernent l’utilisation de lasers pour neutraliser les menaces. Ces armes, capables de concentrer un faisceau d’une précision extrême, perforent les missiles en quelques secondes.
Un laser est un amplificateur de lumière; l’onde électromagnétique générée oscille entre deux miroirs (tout comme une corde oscille lorsqu’elle est pincée alors qu’elle est tendue entre deux murs). L’un des miroirs est légèrement perforé et il en sort un rayon laser qui est cohérent, c’est-à-dire que les rayonnements émis sont en phase. Le rayon laser est très fin et il est possible de concentrer plusieurs rayons laser pour en faire un rayon plus puissant. À Syracuse en 213 avant l’ère courante, Archimède avait utilisé le même stratagème en focalisant les reflets des miroirs sur les galères ennemies.
Les lasers de haute puissance peuvent avoir une puissance de plusieurs milliers de Watts. Un laser dont le faisceau a un diamètre de 10 cm et une puissance de 100 kW touchant une cible durant 2 à 3 secondes peut perforer le corps d’un missile.
Le territoire d’Israël est exigu et le temps de détection et de tir doit être minime. Pour lutter contre des drones ou des roquettes tirées à partir de territoires proches, des lasers de 10kW ont été développés.
La défense antimissile représente un investissement colossal. Un seul missile Arrow coûte 3 millions de dollars, tandis que chaque tir du système Dôme de fer atteint 60 000 dollars. Les armes laser offrent une alternative économique : après l’investissement initial, chaque tir coûte une fraction de ces montants. Mais pour répondre aux menaces croissantes, comme les essaims de drones ou les missiles à têtes multiples, de nouvelles solutions devront émerger.
Le brouillard ou la pluie atténuent fortement le rayon laser et c’est là un des gros inconvénients des armes laser. Aussi, des lasers dont la puissance peut atteindre 1 MW (Arrow 4) sont également en développement.
L’essor de l’intelligence artificielle
La course aux armements aéronautiques et antimissiles continue d’accélérer, mobilisant des ressources financières et intellectuelles colossales. L’intégration de l’intelligence artificielle redessine les champs de bataille d’essaims de drones, de missiles à têtes multiples et de satellites militaires, placent la prise de décision algorithmique au centre des stratégies militaires. Cette tendance, où la supervision humaine passe au second plan, soulève des enjeux éthiques et sécuritaires majeurs.