Le plan de Trump pour régler le conflit israélo-palestinien
Le président américain veut profiter d'un environnement plus favorable : les Arabes craignent plus l'Iran qu'ils ne détestent Israël.
Par Michel Colomès - Le Point.fr
Donald Trump l'a baptisé « l'accord ultime ». Le traité de paix qui terminerait enfin le conflit entre Israël et les Arabes, qui n'a jamais vraiment cessé depuis 1948 et sur lequel tant de présidents américains – à l'exception de Carter et de Clinton – ont épuisé leur énergie et leur crédibilité, en vain.
Le nouveau président y pense depuis qu'il est à la Maison-Blanche. Même s'il reconnaît qu'il est un néophyte en la matière. Et peut-être justement pour cela. Laisser à l'histoire la trace d'un homme qui échoue dans presque toutes les affaires en politique intérieure, que beaucoup d'Américains jugent inapte à la fonction qu'il occupe, mais qui aurait réussi ce coup impensable : terminer un conflit qui, depuis 70 ans, pèse sur le Proche-Orient et crée tensions et violences dans tous les pays où existent des communautés arabes.
Un premier signe qu'il attache énormément d'importance à cette affaire (plus qu'Obama) : depuis qu'il occupe le Bureau ovale, il a rencontré trois fois chacun Benyamin Netanyahu et Mahmoud Abbas. Plus que beaucoup d'autres chefs d'État.
Un second signe : il a désigné Jared Kushner, son gendre, comme conseiller spécial chargé de ce dossier. Or le fait qu'il ait nommé un de ses très proches, le mari de sa fille Ivanka, à cette mission a été considéré dans toute la région – pays arabes comme Israël – non pas comme un geste de népotisme, comme on s'en est parfois gaussé dans la presse occidentale, mais comme un signe de l'intérêt que le président portait au sujet.
Un ami très proche d'Israël
Le paradoxe est que Trump n'a jamais caché qu'il était « un ami très proche d'Israël » et que Jared Kushner est un juif orthodoxe, très pieux et obnubilé par la survie de l'État hébreu. Mais le gendre du président est aussi devenu, lors de ses nombreux voyages dans les capitales du Proche-Orient, un ami de Mohammed ben Salmane (MBS), le nouvel homme fort de l'Arabie saoudite. Il était encore à Riyad à la veille de l'opération « mains propres » lancée par le prince héritier. Il a été très certainement averti de ce que les Saoudiens avaient poussé Hariri, le Premier ministre libanais, à la démission, de crainte qu'il ne tombe sous la coupe du Hezbollah.
Il a surtout été informé des propos, sans ambiguïté ni excès de chaleur, que MBS allait tenir à Mahmoud Abbas, le leader palestinien, convoqué à Riyad dans la semaine du 11 novembre. Le prince lui a rappelé qu'à sa demande l'Égypte était intervenue pour normaliser ses rapports avec le Hamas pour la maîtrise de Gaza. Il lui a confirmé qu'il était maintenant le seul représentant légitime du peuple palestinien, mais qu'à ce titre il était « impératif » qu'il accepte la reprise du dialogue avec les Israéliens sur la base du plan que les Américains étaient en train d'affiner, avec son plein accord.
Corridor terrestre entre Téhéran et Beyrouth
En fait, Jared Kushner n'a pas eu trop de peine à convaincre Ben Salmane du risque, par exemple, de voir le Hezbollah, bras armé de l'Iran, prendre le contrôle des camps palestiniens au Liban. Au-delà, il mise sur le fait que les Saoudiens sont de plus en plus inquiets de voir que l'Iran, grâce à la fin de la guerre en Syrie, est en passe d'établir un corridor terrestre entre Téhéran et Beyrouth. L'Arabie saoudite et ses alliés de Golfe ne peuvent se permettre d'être sur deux fronts à la fois. Il serait donc urgent d'en terminer avec l'abcès israélo-palestinien, pour faire face à la menace que représentent les ambitions hégémoniques de l'Iran.
C'est un discours presque identique qui est tenu en Israël. Un diplomate israélien définit ainsi la position de Jérusalem : « Nous devons capitaliser sur le fait qu'il y a aujourd'hui plus de préoccupations communes que de différences entre les Arabes et nous, dès qu'il s'agit de l'Iran. » Netanyahu aurait d'ailleurs été stupéfait de constater que les Saoudiens et leurs alliés sont prêts à discuter de tout, y compris de l'existence même d'Israël, qu'ils ont toujours niée. Et sur l'initiative de Trump, il vient de déclarer à Londres : « Il a l'avantage de ne pas avoir d'idées préconçues. »
Restent tout de même les sujets qui fâchent et sur lesquels rien de précis n'a encore été avancé : la délimitation des frontières, le statut de Jérusalem, les prisonniers palestiniens, les colonies de peuplement, etc. C'est maintenant que Donald Trump et Jared Kushner vont entrer dans la zone de turbulences.