Ady Steg : portrait d’un homme au destin extraordinaire et exemplaire

Ady Steg : portrait d’un homme au destin extraordinaire et exemplaire

 

Alors que l’immigration est actuellement au centre d’un débat épineux et douloureux, il n’est peut-être pas inutile de s’intéresser à ce documentaire d’Isabelle Wekstein, qui nous offre un exemple particulièrement heureux d’intégration républicaine. Le film s’ouvre sur une archive de 1987 montrant son personnage principal, Ady Steg (1925-2021), interrogé comme témoin par la commission d’adoption du code de la nationalité. Peu connu du grand public, il fut une figure marquante du judaïsme français ainsi que de la recherche médicale.

Quelques dates remises en contexte diront sans doute mieux que des mots l’itinéraire de cet homme. Né le 27 janvier 1925 à Nioszni Verecky, ville juive perdue de Ruthénie des Basses-Carpates, en Tchécoslovaquie, dans un milieu traditionaliste. Arrivée en France avec sa famille en 1932, à l’âge de 7 ans, un transport immédiat d’amour vers la gauloisité environnante et les vertus émancipatrices de la République française.

Retour glaçant pendant l’Occupation, portant l’étoile jaune, père déporté à Auschwitz, miracle de survie. Aya Stag quitte la guerre avec plus que des honneurs, après avoir rejoint les Forces françaises de l’intérieur en zone libre, à l’âge de 17 ans. On n’a encore rien vu. La médecine l’attendait, il en conquit bientôt les sommets.

Docteur de François Mitterrand

Successeur du professeur Pierre Aboulker à la tête du service d’urologie de l’hôpital Cochin à Paris en 1976, il y opère le président François Mitterrand en 1992 d’un cancer de la prostate, puis partage avec lui jusqu’au bout le lourd secret de sa maladie. Soucieux par ailleurs, par fidélité à ses origines, de défendre un judaïsme intégré à la ville, il devient une figure de cette communauté, comme président du Conseil représentatif des institutions juives de France, de 1970 à 1974, puis de l’Alliance israélite universelle. en 1985, sans évoquer, plus tard, son rôle de premier plan au sein de la mission d’étude sur la dépossession des juifs de France, dite « mission Mattéoli ».

Aussi, sous le portrait d’un homme au destin exemplaire, ce qu’évoque plus largement ce film, c’est bien la relation, sans doute moins irénique que ce que suggère ce destin, des juifs de France à leur pays au cours du XXe siècle.e siècle. Une histoire connue, certes, mais le montage de ce film, qu’on sent une nouvelle fois à cran, se présente à la lumière d’une menace qui, jusqu’au plus haut niveau de l’État, n’aura jamais été complètement éteinte.

« Des gens sûrs d’eux et dominants » (Charles de Gaulle sur la guerre des Six Jours en juin 1967). « Des Français innocents » (Raymond Barre au sujet des victimes non juives de l’attentat de la rue Copernic, à Paris, le 3 octobre 1980). Amitié indéfectible entre François Mitterrand et René Bousquet, qui avait notoirement du sang juif sur les mains en tant que secrétaire général de la police de Vichy. “Détail de l’histoire” (Jean-Marie Le Pen au sujet du génocide). Cette belle guirlande nationale montre à quel point, après des siècles de massacres ininterrompus, après la Shoah elle-même, l’antisémitisme se révèle être une maladie incurable de l’humanité.

Le film ne va pas si loin, mais quand on le voit, on pense, à l’occasion des derniers événements du Moyen-Orient, que cette vieille démangeaison, étendue à de nouveaux territoires, démange à nouveau une partie de la société française et de ses classe. politique.

Ady Steg, un voyage juif, une histoire françaisedocumentaire d’Isabelle Wekstein (Fr., 2023, 55 min.)

Jacques Mandelbaum

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