À travers la création de deux musées, Maroc et Tunisie renouent avec leur histoire juive

À travers la création de deux musées, Maroc et Tunisie renouent avec leur histoire juive

Deux musées consacrés à l’histoire juive ont ouvert de façon concomitante en Tunisie et au Maroc. Ces initiatives tendent à rappeler que les populations juives sont une composante historique de l’identité du Maghreb.

Au mois d’août, le Maroc et la Tunisie ont chacun ouvert un musée consacré à la mémoire juive de leur pays.

Un musée a été inauguré dans la ville de Nabeul, située dans le nord-est de la Tunisie, afin de célébrer l’identité judéo-nabeulienne.

L’une des dernières traces du judaïsme maghrébin

La tradition fait remonter la présence juive sur l’île de Djerba au règne du roi Salomon, rapporte L’Économiste maghrébin. En cela, le pèlerinage de la Ghriba, qui rassemble les juifs originaires d’Afrique du Nord, est célébré jusqu’en Israël et s’inscrit dans la tradition juive. Ainsi, comme le rappelle The Times Of Israël, selon cette tradition, la Ghriba aurait été fondée au VIe siècle avant notre ère, à partir d’une relique sacrée du temple de Salomon, par des prêtres ayant fui la destruction de Jérusalem par les Babyloniens, en 597 av. J.-C.

En outre, le pèlerinage de la Ghriba est organisé chaque printemps lors de Lag Ba’omer, une fête juive d’institution rabbinique qui donne lieu, chaque printemps, à des pèlerinages rituels.

Du côté tunisien, pour la reprise du pèlerinage après deux années d’absence, Business News note que, cette année, “le pèlerinage de la Ghriba n’a pas manqué de recevoir quelques Israéliens, notamment ceux d’origine tunisienne”.

Le site tunisien d’actualité rappelle “que le pèlerinage de la Ghriba et [la présence] des Israéliens a toujours été l’objet de polémiques en Tunisie”, les islamistes et les nationalistes arabes s’étant “toujours opposés à ce que des Israéliens viennent en Tunisie, y compris ceux d’origine tunisienne, sous prétexte que c’est une forme de normalisation avec l’État hébreu”.

Mais, tempère aussitôt Business News, d’autres Tunisiens ont toujours trouvé “normal” que des Israéliens viennent effectuer le rite religieux sur le site juif, “érigé bien avant l’arrivée de l’islam et des Arabes en Tunisie”.

C’est visiblement la ligne des autorités tunisiennes puisque à l’occasion de ce pèlerinage, indiquait Tunisie Numérique en mai, Najla Bouden s’était rendue à Djerba pour visiter la Ghriba. La Première ministre avait alors mis l’accent sur le fait que “Djerba et la Ghriba constituent un symbole de la tolérance et de la rencontre des civilisations et des religions en Tunisie”.

Plus largement, avec la Hilloula, ou culte des saints chez les juifs marocains, le pèlerinage à la Ghriba est l’une des dernières traces du judaïsme maghrébin et de la coexistence des monothéismes. Courrier International

Pour l’occasion, le représentant du comité juif de Nabeul, Albert Chiche, a exprimé sa volonté de faire visiter le musée à des enfants de l’école primaire. “L’idée est de leur faire savoir que notre communauté a existé à Nabeul et qu’elle continue à être”, a-t-il indiqué au média tunisien La Presse.

Du côté marocain, le royaume a ouvert ce mois-ci un espace muséal également consacré à la mémoire juive, dans la ville de Tanger. Les Megorachim, Juifs originaires de la péninsule Ibérique, s’y étaient réfugiés à la suite des persécutions antijuives de 1391 et de l’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492.

Ce musée de la mémoire juive, baptisé Beit Yehouda, situé dans l’ancienne médina, vient couronner un projet de réhabilitation d’une synagogue abandonnée depuis plus de soixante ans, détaille le quotidien Médias24 : la synagogue Assayag.

Les travaux de réhabilitation ont coûté 2 millions de dirhams, soit l’équivalent d’environ 190 000 euros, et ont permis de redonner vie à cet espace “à forte portée civilisationnelle”. Ce musée et cette synagogue s’ajoutent à une longue liste de lieux de culture hébraïque existant dans le royaume, notamment des synagogues historiques à “Marrakech, Tétouan, Sefrou, El-Jadida, Essaouira et Rabat”, énumère le site d’information Maroc Hebdo.

Le Maroc avait déjà lancé, fin 2020, une réforme scolaire axée sur l’enseignement de l’histoire et la culture de la communauté juive. Enseignés en langue arabe, ces cours sont dispensés depuis début 2021 aux élèves de la dernière année de primaire, précise le site d’information Barlamane.
Des pèlerinages fédérateurs

Les pèlerinages sont aussi un pont entre les deux pays du Maghreb et la diaspora juive.

Sur l’île tunisienne de Djerba, par exemple, se déroule annuellement le pèlerinage de la synagogue de la Ghriba, la plus ancienne d’Afrique du Nord. Les pèlerins, principalement d’origine juive maghrébine, affluent alors des quatre coins de la planète.

Au Maroc, le pèlerinage de la Hiloula est prisé par les fidèles souhaitant se recueillir sur la tombe du rabbin Haïm Pinto, enterré à Essaouira (sur la côte atlantique). Riche de son histoire juive, la ville portuaire abrite Bayt Dakira (“la maison de la mémoire” en arabe), “un musée consacré à la coexistence entre l’islam et le judaïsme”, note le média Morocco Jewish Times.

Outre sa politique mémorielle, le pays a annoncé en juillet dernier une réforme des institutions juives du pays associant trois entités : un conseil national de la communauté, une commission des Juifs marocains de l’étranger et une fondation du judaïsme marocain, afin de protéger la culture judaïque. Ces trois organes doivent “répondre plus efficacement aux besoins de la communauté”, précise le site d’information Hespress.

La communauté juive du Maroc est considérée comme la plus grande d’Afrique du Nord, avec 3 000 Marocains juifs résidant sur le territoire. La communauté des Juifs d’origine marocaine résidant en Israël compte “800 000 personnes”, note le Desk.

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