Une théorie du complot vient-elle de s'effondrer ? Sandy Hook et Alex Jones

Une théorie du complot vient-elle de s'effondrer ?
Sandy Hook et Alex Jones

par Daniel Pipes
 

Les théories du complot ont tendance à perdurer indéfiniment. Pensons à celles qui entourent l'assassinat de John F. Kennedy en 1963. Dès lors, ce qui s'est produit récemment dans un tribunal d'Austin, au Texas, est remarquable et réjouissant car rare, à savoir l'effondrement probable d'une théorie du complot.

Alex Jones, une machine à paroles soutenue par Donald Trump (« incroyable ») et Joe Rogan (« hilarant »), a refusé de reconnaître le fait qu'Adam Lanza a tué 26 personnes et en a blessé 2 autres le 14 décembre 2012 à l'école primaire Sandy Hook à Newtown, dans le Connecticut. Cette fusillade dans une école n'était pas la plus meurtrière de l'histoire américaine. Au contraire, « personne n'est mort » ce jour-là. Le tireur, les victimes et les parents étaient tous des « acteurs de crise » qui ont suivi scrupuleusement le scénario élaboré par l'administration Obama en vue de gagner le soutien de l'opinion publique en faveur de lois plus strictes sur le contrôle des armes à feu.

Pendant près d'une décennie, Jones a conquis un large public et a fait fortune en colportant son récit d'une réalité inversée. Il a également causé une grande douleur, en particulier aux parents des 20 enfants massacrés. Les théoriciens du complot inspirés par Jones se moquaient des parents, les menaçaient, les harcelaient et même tiraient sur leurs maisons. En réponse à ce qu'ils ont appelé un « enfer sur terre », Neil Heslin et Scarlett Lewis, parents d'un enfant de 6 ans assassiné, ont intenté une action en diffamation contre Jones.

Étonnamment, le dernier jour de son témoignage, Jones a reconnu que la fusillade était « 100% réelle » et a admis que ses propos invoquant un canular étaient « absolument irresponsables ». Il s'est également excusé : « J'ai involontairement pris part à des choses qui ont blessé les sentiments de ces personnes et j'en suis désolé. »

Or, si Jones espérait que cette concession de dernière minute lui permettrait d'économiser de l'argent, il s'est trompé car les parents ont obtenu 4,1 millions de dollars de dommages-intérêts compensatoires et 45,2 millions de dollars de dommages-intérêts punitifs, des montants que la grande richesse de Jones pourrait bien être en mesure de couvrir (Un témoin expert des demandeurs a déclaré que Jones avait gagné 62 millions de dollars en 2021).

Jones n'est pas non plus seul sur le banc des accusés. En 2015, James Fetzer et Mike Palecek ont publié Nobody Died at Sandy Hook: It Was a FEMA Drill to Promote Gun Control [Personne n'est mort à Sandy Hook: C'était un exercice de la FEMA pour promouvoir le contrôle des armes à feu]. En 2019, un jury a infligé une amende de 450.000 dollars à Fetzer pour avoir faussement prétendu que Lenny Pozner, le père de Noah, un étudiant tué à l'école, avait rempli un faux certificat de décès pour son fils. Palecek a publié une déclaration de repentir : « La Cour a statué que le certificat de décès de Noah Pozner n'est pas un faux. ... J'accepte la décision de la Cour sans appel et je présente mes excuses pour la peine que j'ai pu causer. »

Le triple coup porté à une théorie du complot dont des tribunaux ont jugé la fausseté et dont les auteurs ont dû payer de lourdes amendes en plus d'avoir avoué leur mensonge est un événement aussi important que rare et ce, pour deux raisons.

Premièrement, en punissant les diffamateurs qui tourmentent les victimes d'une atrocité, les procès de Sandy Hook font le ménage dans la société. Ils rappellent à l'ordre les irresponsables, mettent an avant la responsabilité de ces derniers et imposent un coût aux accusations sans preuve. Comme l'affirme Pozner, les dommages-intérêts infligés aux condamnés envoient « un message aux falsificateurs, aux théoriciens du complot et à tous ceux qui cherchent à utiliser Internet pour victimiser à nouveau et terroriser les personnes vulnérables, à savoir que leurs actions ont des conséquences ».

Les procès offrent un intermède de sobriété salutaire à une époque où les accusations de « fausses nouvelles » sont continuelles et les théories du complot foisonnantes, en provenance à la fois de la Droite (par exemple, les allégations selon lesquelles l'élection présidentielle américaine de 2020 a été truquée) et de la gauche (allégations de coopération russe avec la campagne de Trump en 2016). Tous doivent non seulement se réjouir de cette issue mais aussi s'en inspirer.

Deuxièmement, et plus fondamentalement, les procès de Sandy Hook pourraient véritablement mettre fin à une théorie du complot. Il s'agit là d'un événement exceptionnel étant donné que généralement, ces théories s'enveniment et grandissent avec le temps. Le débat autour d'événements majeurs – la répression violente des Templiers en 1312, l'éclatement de la Révolution française en 1789, l'affaire Dreyfus dans les années 1890 ou les attentats du 11 septembre 2001 – ont tendance à perdurer indéfiniment. Il en va de même pour les soupçons qui pèsent sur des conspirateurs présumés tels que les Juifs, les Rosicruciens, les Templiers, les Jésuites, les Francs-maçons, les Philosophes, les Illuminati et les Jacobins. Ils peuvent traverser les siècles, voire les millénaires.

Alors que les théoriciens du complot ont le chic pour nier des évidences (bientôt, on entendra dire que Jones ne s'est jamais excusé et que c'est une doublure qui l'a fait) et que les pessimistes voient leur message perdurer, l'obsession de Sandy Hook sera probablement discréditée et dépérira. Des poursuites similaires contre Jones, Fetzer, Palecek et d'autres fantaisistes aideront à fermer cette singulière boîte de Pandore.

Rappelez-vous toujours que les théories du complot ne sont pas des diversions inoffensives mais bien d'horribles inversions de la vérité qui créent trop souvent un enfer sur terre.

Français