Comment, Salomon, vous êtes juif ?

Comment, Salomon, vous êtes juif ? : l'éditorial de Raphaël Morata

Par Raphaël Morata, rédacteur en chef magazine à Point de Vue.

Dans sa DS noire, surmontée d’un bateau, le Germaine II, Victor Pivert (Louis de Funès), patron d’entreprise raciste, antisémite et xénophobe, tombe des nues. Son chauffeur, juif ? Cette scène des Aventures de Rabbi Jacob est aussi irrésistible que la course-poursuite dans la fabrique de chewing-gum, Le Yankee. Mais plus encore, c’est la manière magistrale avec laquelle Gérard Oury et sa fille Danièle Thompson, coscénaristes, ont montré en une seule réplique toute l’absurdité, la bêtise, de tous les Pivert de notre société gangrenée par les préjugés.

Cette comédie, rythmée par la musique de Vladimir Cosma, fête son 50e anniversaire. Et reste plus que jamais d’actualité. Si à l’époque il n’avait pas atteint les 17 millions d’entrées de La Grande Vadrouille, le 8e long-métrage d’Oury demeure l’un des hymnes à la tolérance les plus brillants du cinéma français et même au-delà puisqu’il fut nommé aux Golden Globes. Incarnant de façon magistrale ce personnage odieux contraint de se déguiser en rabbin pour échapper à des sicaires arabes pourchassant le leader d’opposition Mohamed Larbi Slimane, Louis de Funès, aristocrate espagnol et catholique pratiquant, dira même avoir ait un voyage intérieur : "Ce film m’a fait du bien, car j’avais de 'bonnes petites idées'. Il m’en est resté. Mais cela m’a décrassé l’âme."

Max-Gérard Houry Tannenbaum, dit "Gérard Oury", lui, aura pris des coups de toutes parts. Son film sera taxé par la communauté juive orthodoxe de New York de "pornographique".
En évoquant les tensions au Proche-Orient, on le jugera "anti-palestinien". Ce qui donnera lieu à une dramatique prise d’otages dans un avion par Danielle Cravenne, dont le mari Georges Cravenne s’occupait de la promotion du film. Nous sommes un an seulement après l’assassinat des athlètes israéliens aux JO de Munich. Et la guerre du Kippour commence à faire la une des journaux…

Courageusement, mais franchement traumatisé (on dit qu’il portait sur lui un pistolet lors de la sortie du film), Oury ira jusqu’au bout, croyant à la main tendue entre communautés. Lors du tournage, ses équipes avaient d’ailleurs reconstitué la rue des Rosiers, avec les boutiques des familles Rosenfeld, Rosenberg et Levi’s, à Saint-Denis. "La grande majorité des figurants étaient des gens du quartier, donc plutôt des musulmans…", se souvient Danièle Thompson. Avant de s’élancer sur une moto, papillotes au vent, pour assister au mariage de sa fille aux Invalides, Pivert sous les traits de Rabbi Jacob s’interroge malicieusement : "Slimane ? Salomon ? Vous ne seriez pas cousins ?"

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