Ma Tunisie juive, chrétienne et musulmane

 Œuvres de Abbes Boukhobza et de Eliane Tahar / Benjamin Haddad et Aviel Haddad Œuvres de Abbes Boukhobza et de Eliane Tahar / Benjamin Haddad et Aviel Haddad

Ma Tunisie juive, chrétienne et musulmane

Hatem Bourial - Webdo

J'en veux à ma Tunisie qui refuse de reconnaître qu'elle a été juive et chrétienne avant de devenir musulmane. J'en veux à ma Tunisie que je ne représente pas, car elle est un pays et moi un simple individu ; parce qu'elle est frileuse au point de ne pas dire ses condoléances à des familles juives - si profondément enracinées - frappées par la terreur des mercenaires du pétrodollar.

J'en veux à ma Tunisie de ne pas reconnaître les siens véritables, à cause d'écrans de fumée géopolitiques et de délires identitaires. Ma Tunisie a été la matrice de dizaines de milliers de rabbins dont certains ont fait de Ben Guerdene, la capitale de l'exégèse du Talmud. Ma Tunisie a donné trois papes à l'église catholique et inspiré Augustin, Cyprien et Fulgence.

Ma Tunisie s'appelle Africa et a donné son nom à tout un continent. Ma Tunisie fait un bras d'honneur à tous les intégristes drapés dans les arcanes maquillés des livres saints.

Ma Tunisie, c'est ma mère et mon père et l'échelle qui monte jusqu'à Eve et Adam.
« Ma Tunisie fait un bras d'honneur à tous les intégristes
drapés dans les arcanes maquillés des livres saints ».

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Serions-nous de ces États qui ne reconnaissent pas leurs propres citoyens ? Être juif en Tunisie reviendrait-il à être une sorte d'otage malgré soi, comme ces captifs chrétiens au temps des corsaires barbaresques qui attendaient leur rachat ?

Notre pays en partage n'est pas ainsi, n'a jamais vécu ainsi. Au temps de Lamine Bey pour ne citer que le dernier des Husseinites, nous étions tous reconnus et aussi bien les rabbins que les imams honoraient la cour de leur présence.

Quand Bourguiba abolit les tribunaux religieux pour unifier le droit, il le fit au nom de l'égalité de tous les citoyens mais l'histoire a démontré que les intentions aussi nobles soient-elles, ne suffisaient pas pour inverser un ostracisme à la peau dure.

Aujourd'hui, ce que beaucoup de Tunisiens attendent de leur gouvernement, c'est simplement de la compassion envers les familles frappées par le terrorisme aveugle. De la compassion pour les sécuritaires qui au fond, sont tombés au champ d'honneur. De la compassion pour les familles juives de Djerba qui ont perdu des êtres chers sous un feu terroriste qui les ciblait expressément.

Une question me brûle les lèvres : pourquoi, à ce je sache, aucun haut responsable n'a-t-il pour le moment fait le déplacement jusqu'à Djerba pour présenter des condoléances officielles et rassurer les citoyens tunisiens de confession juive ?

J'attends encore ce geste de compassion et je crains que personne ne le fasse en notre nom à tous ? Est-ce à dire que les commis de l'État ne ressentent rien de la douleur juive et de la peur de l'avenir qui lui est chevillée ?

Serions-nous dans la configuration insupportable selon laquelle une majorité aveuglée par des œillères identitaires ignorerait superbement cet attentat terroriste voire s'en réjouirait ? Est-ce le populisme ambiant et ce qui se passe en Orient, à mille lieues de la Tunisie, qui freinerait mon gouvernement de se rendre au chevet de citoyens tunisiens meurtris dans leur chair ?

Je supplie modestement le gouvernement tunisien de lever tous ces doutes et déléguer ministres et gouverneur qui ne feraient que leur devoir moral en allant au-devant de nos concitoyens éprouvés par les circonstances.

Faut-il rappeler que la tradition tunisienne est tout autre ? En d'autres temps, les autorités présentaient leurs vœux à la minorité juive à chaque grande fête religieuse. Je ne cite que cet exemple mais pourrais en évoquer plusieurs autres.

Je me contenterai d'ajouter que les simples citoyens que nous sommes, ont heureusement suppléé à la défaillance des gouvernants. Nous avons été nombreux à présenter nos condoléances fussent-elles virtuelles et pour ma part, je me suis rendu jeudi à la grande synagogue de Tunis où se déroulait un service funèbre dirigé par le rabbin Amram, à la mémoire de toutes les victimes de la tragédie.

J'ai accompli mon devoir moral, humain, fraternel. J'attends de celles et ceux qui ont mandat de me représenter qu'ils en fassent autant. J'attends des députés de la nation et du pouvoir exécutif des mots clairs, francs et massifs pour nous dire que tous les citoyens sont égaux et que le terrorisme est unanimement condamné.

Ce serait pourtant simple de déléguer par exemple le président de l'Assemblée des représentants du peuple pour dire au nom de tous les citoyens que nous sommes, notre douleur et notre colère partagée quand n'importe quel Tunisien, où qu'il soit, est pris pour cible par ces fous de Dieu qui jouent sur le sempiternel amalgame entre juif et sioniste, ravivant l'antisémitisme le plus abject qui soit.

Ne tombons pas dans ces pièges grossiers et montrons à leurs commanditaires et marionnettistes de la terreur, que notre front est uni et que nous sommes Tunisiens, que nous le sommes foncièrement et résolument, dans le respect de toutes nos différences et l'honneur de notre nation.
« J'attends des députés de la nation et du pouvoir exécutif
des mots clairs, francs et massifs pour nous dire que
tous les citoyens sont égaux et que
le terrorisme est unanimement condamné ».

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Terminons avec ces paroles fortes et inspirées de Vanina Reine Simha Taieb. En peu de mots, elle résume ce que nous, enfants du pays, aurions aimé lire et entendre de la part de nos gouvernants.

"Chers compatriotes, Chers pèlerins, Chers fidèles amis de la Tunisie,
Rien ne peut expliquer que l’on tue des policiers, que l’on porte atteinte à la sécurité de l’État, rien ne peut expliquer que l’on tue nos fidèles, pèlerins juifs venus prier en nombre dans notre synagogue de la Ghriba.

Au cœur de notre île, celle qui est célébrée par tous les poètes, adulée par les artistes, vénérée des croyants, se trouve la synagogue de la Ghriba, l’une des plus anciennes synagogues d’Afrique, mais aussi l’une des dernières communautés vivantes juives du monde arabe. Une communauté pieuse, érudite, généreuse et savoureuse, une communauté de Tunisiens engagés et déterminés à vivre paisiblement sur cette île mystique.

C’est à cette communauté que certains ont déclaré leur haine ce 9 mai 2023.
Ce combat contre l’obscurantisme, nous devons l’affronter ensemble et le gagner ensemble. A tous ces ennemis qui s’en prennent à leurs compatriotes, qui tuent nos forces de police, qui déchirent ce contrat exceptionnel unissant toutes nos diversités, je leur dis qu’il n’y a aucune explication qui vaille. Vouloir s’expliquer c’est déjà essayer d’excuser.

Nous avons vu de nombreux tunisiens juifs quitter leur pays et l’exode a continué parce que certains ne se sentaient plus en sécurité. Mais sans doute aussi car certains ne se sentaient plus compris, ne se sentaient plus à leurs places.

La Tunisie a vécu tantôt dans la douleur et tantôt dans la gloire mais la Tunisie a toujours surmonté les difficultés, ce que nous allons faire tous  ensemble.

La Tunisie est une République, et honorera toujours sa promesse faite à chaque citoyen de pouvoir vivre libre quels que soient son origine, ses opinions et ses croyances. La Tunisie que nous chérissons est ouverte sur les autres et sur le monde. Elle sait se protéger sans se replier, se défendre sans se renier, se définir sans exclure.

Je rends hommage à nos forces de l’ordre qui chaque année assurent la sécurité de ce pèlerinage et son succès.

Je vous adresse mes plus sincères condoléances et mes vœux de solidarité en fidélité au sacrifice de nos compatriotes de toutes religions dont nous honorons aujourd’hui et pour toujours la mémoire : Abdelmajid Attig, Maher Arbi, Kheredinne Ellafi, Aviel Haddad et Benyamin Haddad".

Merci Vanina, vos mots nous disent si bien et posent clairement tous les enjeux. Oui, notre Tunisie est plurielle et, quelles que soient les difficultés, est destinée à le rester.

« La Tunisie est une République, et honorera toujours sa promesse faite à chaque citoyen de pouvoir vivre libre quelque soit son origine, ses opinions et ses croyances ».

Commentaires

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54 années 8 mois
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ya hasra!!  ma tunisie n'existe plus. Ne a tunis a l'avenue de paris au 110  juste en face de la synagogue. Au 123 mon pere avait une belle et grande epicerie/ j'ai des bons souvenirs/pas plus..je ne veux pas etre un protege.

 

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