On fait tout pour faire de la Tunisie une tombe - Par Dr Lilia Bouguira

On fait tout pour faire de la Tunisie une tombe

Par Dr Lilia Bouguira

Qu’est- ce qu’un professeur émérite. C’est un titre qui a été créé pour la première fois en Tunisie par décret numéro 93-1825 du 6 septembre 1993 fixant le statut particulier des enseignants chercheurs des universités.

Ce titre est accordé par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique aux professeurs de l’enseignement supérieur qui arrivent à l’âge de la retraite et qui demandent à continuer à diriger les travaux des chercheurs au master et au doctorat et à participer à des jurys d’évaluation ou animer des séminaires.

Il ne s’agit point d’un but lucratif mais d’un titre qui leur autorisent à continuer la recherche scientifique dans l’encadrement des jeunes doctorants surtout.

Aujourd’hui, une cabale est livrée contre un ancien professeur et doyen de la faculté de la Manouba le professeur Habib Kazdhagli qui est en attente de ce titre. Certains de ses collègues ont appelé le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, seul habilité aux travers de critères académiques bien codifiés basés sur les travaux de recherche et compétences du chercheur, pour le lui refuser. Mais qui est ce professeur à qui une cabale est livrée depuis quelques jours sur les réseaux sociaux?

Pour résumer, le professeur Habib Kazdaghli est un historien et universitaire tunisien spécialiste de l’époque contemporaine. Ses axes de recherche portent sur l’histoire contemporaine de la Tunisie et du Maghreb, l’histoire du communisme et l’histoire des minorités religieuses de Tunisie. Il est élu doyen de la faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba en 2011. Il est également couronné par plusieurs universités de renommée avec plusieurs distinctions nationales et à l’étranger à savoir :

Docteur Honoris Causa de l'université Paris Nanterre (2014)

Prix du « Courage de penser » (Amsterdam, 2014)

Commandeur de l'Ordre du Lion d'or d'Alexandrie (2014)

Commandeur de l’Ordre de la Liberté (Portugal, 2015)

Distinction Pro Facultate Philosophiae de l'université Szeged-Hongrie (2016)

Palmes Académiques, Ministère de l’Education nationale France (2018).

A côté de ce brillant parcours académique, se dresse un fervent militant de la gauche tunisienne. Il est l’un des symboles de la lutte contre le niqab à l’université pour laquelle il a subi des menaces salafistes voire un procès qui lui a été intenté par deux étudiantes niqabées et qu’il a gagné en 2013.

De même que le 7 mars 2017, il inaugure une plaque commémorative des événements de mars 2012 durant lesquels un salafiste a abaissé le drapeau tunisien pour hisser le drapeau noir de l’état islamique.

Il est également de tous les combats pour la liberté, la démocratie et des droits de l’homme en Tunisie.

Pourquoi donc cette chasse aux sorcières à ce professeur qui n’a point démérité ? Pourquoi donc cette polémique et surtout maintenant quand on sait que le seul tort de ce professeur est d’avoir été invité à une conférence où d’autres professeurs ont été également invités ?

Seul bémol est la nationalité de certains intervenants comme si la nationalité était déterminante dans la qualité scientifique du travail de l’intervenant. Pourquoi donc cette cabale quand le seul préjudice est subi par le professeur et non le contraire car au lieu de juger de la matière et de ses fondements, il y a remue- ménage sur le hors-sujet.

Le problème en lui-même est hors sujet. Tout cela pour dire qu’il ya anguille sous roche dans cette guerre menée contre le professeur. Ils se liguent pour torturer le savant et emmurer les avancées de la pensée libre dans une Tunisie qu’on veut voir reculer chaque jour un peu plus.

Ils n’ont rien à envier aux fondamentalistes qui ne supportent aucune opinion contraire. Ils ne savent dresser que des réquisitoires et envoyer au bûcher son élite et ses savants.

Je conclurai par ces mots de Khalil Gibran à propos des gens de son village : « Les hommes ne voient que cette brume mais nous, nous voyons la clarté, le soleil et l’au-delà illuminé. Nous sommes au sommet, aux Cèdres. Force nous est de réformer le monde. »

Aussi cher professeur, réformons le monde et qu’il n’en plaise à vos détracteurs. Ne leur donnez point l’occasion de gagner sur vous et de faire de ce pays une tombe ni de la liberté un boulet à traîner.

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