Historiographie biblique et preuves archéologiques, par David Bensoussan

Historiographie biblique et preuves archéologiques, par David Bensoussan

 

L’archéologie a révélé de nombreux épisodes historiques et a permis de reconstituer l’histoire de plusieurs civilisations. Depuis plus d’un siècle, le récit biblique de l’Exode fait l’objet de nombreuses recherches et théories scientifiques.

De fait, chaque année voit poindre un nouveau lot de théories qui confirment ou contredisent différents passages du récit biblique. Mais toute ébauche d’hypothèse historique confirmée par l’archéologie débouche sur de nouvelles conjectures qui nous poussent à remettre en question l’hypothèse de départ dans une spirale sans fin. Les exemples suivants – parmi tant d’autres – illustrent cet état de chose.

L’école d’analyse littéraire dite documentaire qui a découpé le Pentateuque en sources multiples compilées sur le tard n’arrive pas à expliquer les convergences et les contradictions qui résultent de ce découpage.

Dans l’Orient Ancien, les migrations des Sémites en Égypte confirment la plausibilité du récit des patriarches Abraham et Jacob que la famine a poussé: à émigrer en Égypte. Or, ces migrations se sont produites durant plusieurs siècles.

Les chronologies biblique, égyptienne et assyrienne ont été soigneusement comparées sans pour cela arriver à dater l’Exode. L’an 1230 AEC semble être accepté par de nombreux chercheurs. Cela signifierait que l’Exode se fit du temps du puissant Ramsès II (1279-1213) qui entreprit des travaux de construction gigantesques et dont la fin du règne fut affaiblie par l’invasion de l’Égypte par les Peuples de la Mer dont les Philistins.

Des statistiques ont été calculées pour déterminer le nombre d’esclaves sortis d’Égypte – 600 000 adultes majeurs selon la Bible – pour conclure que 35% de la population égyptienne avait un statut d’esclave. Il a été également avancé que le terme éléf devrait être traduit par clan plutôt que par mille et que donc 600 clans auraient quitté l’Égypte, ce qui réduirait considérablement la population libérée d’Égypte.

Mais il existe une autre thèse selon laquelle l’Exode coïnciderait avec la fin de l’occupation de l’Égypte par la dynastie des Hyksos au XVe siècle. De fait, la stèle du pharaon Merneptah (1209) précise qu’Israël a été détruit en terre de Canaan. Il pourrait s’agir d’une partie de la descendance de Joseph qui se serait installée dans la région de Sichem après être venue d’Égypte pour enterrer le patriarche Jacob dans le caveau des patriarches à Hébron.

Mille et une explications scientifiques ont été avancées pour expliquer l’avènement des dix plaies, y compris celle des conséquences de l’éruption du volcan Théra qui a englouti toute une cité en Méditerranée orientale.

Les étapes suivies par les Hébreux dans le désert ont donné lieu à une pléthore d’explications étymologiques ayant recours aux langues de l’Orient Ancien dont l’amorite, l’hébreu ou l’égyptien. Il reste que la route empruntée par les Hébreux dans le désert ne fait pas l’unanimité des chercheurs.

La plupart des lieux de pérégrination de la fin de la traversée du désert (à partir de Kadesh Barnéa) ne sont documentés par l’archéologie qu’à partir du VIIe ou du VIIIe siècle, ce qui a poussé certains chercheurs à avancer que le récit de l’Exode a été compilé sur le tard, peut-être du temps où le roi de Judée Josias (640-609) combattait l’Égypte. Néanmoins, l’Exode est mentionné par les prophètes du VIIIe siècle que sont Amos et Joël.

On a également tenté de faire coïncider une secousse tellurique majeure au XVIe siècle avec la destruction des murailles de Jéricho du temps de Josué, mais sans succès.

Par contre, l’évidence archéologique qui montre une explosion démographique qui serait survenue dans les hauteurs centrales du Canaan au début de l’Âge de Fer (vers 1200) a été considérée par beaucoup comme la preuve tangible selon laquelle l’Exode aurait eu lieu dans la seconde moitié du XIIIe siècle.

La complexité du travail de chronologie en matière de Bible laisse perplexe. Autant la précision du texte biblique est extrême lorsqu’il s’agit de décrire des traits psychologiques, des attitudes ou des finesses de langage, autant la fluidité du texte en termes de datation par rapport aux principales découvertes archéologiques faites jusqu’à maintenant nous confond. Les images que la Bible évoque en nous sont puissantes. Elles ont de plus des assises historiques indéniables. C’est l’enchaînement de ces images qui demeure une énigme pour le chercheur avide de cohérence linéaire.

Si l’origine théologique du texte biblique est écartée, le récit de l’Exode serait une composition de nombreux récits antérieurs authentiques et de légendes transmis à travers les âges. La correspondance biunivoque entre le récit biblique et l’historiologie serait à écarter.

La relation historique comme telle n’est vraiment pas l’objectif premier de la Bible. Cela étant dit, la plupart des mythes naissent à partir de certaines expériences du vécu et dont il ne reste que de puissants symboles. Du point de vue de la Bible, le vécu n’a d’intérêt que dans la mesure où des valeurs morales peuvent en être retirées.

Il n’en demeure pas moins que tant le texte biblique que la Hagadda de Pâque ont forgé l’identité juive au travers des âges.

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