L’aviation militaire, une arme révolue ? Par David Bensoussan

L’aviation militaire, une arme révolue ? Par David Bensoussan

David Bensoussan Professeur de sciences à l’Université du Québec

À l’heure où le Canada compte moderniser son aviation militaire, il est utile de se pencher sur le rôle de l’aviation à la lumière du conflit actuel en Ukraine. Comment expliquer l’absence relative de l’aviation russe dans la guerre qui se tient en Ukraine ? Signifie-t-elle que l’arme aérienne – qui est des plus coûteuses – est révolue et qu’il faut repenser les stratégies ? Que le champ de bataille du futur sera essentiellement celui de l’affrontement de missiles, de drones et de fusées antimissiles ?

La superpuissance russe dispose de 1500 avions de combat (MIG 31, Soukhoï Su-34 et Su-35), de 125 bombardiers stratégiques Tupolev, d’avions radars (Berlev A-50 AWCS) et de 1300 hélicoptères (Ka 52, MI35, MI17). L’Ukraine dispose de modèles moins récents (Soukhoï Su-27 et Mig 29) en quantités minimes ainsi que de fusées antiaériennes SA11.

De fait, aux premières semaines de la guerre, l’aviation russe a fait près de 140 sorties quotidiennes. Elle a eu la suprématie aérienne et a ciblé des bases d’aviation et de défense antiaérienne ainsi que les dépôts de munitions ukrainiens.

Toutefois, il semblerait que les communications russes aient été brouillées au point que les aéronefs russes n’ont pu recevoir des instructions.

Par contre, près de 10 000 armes personnelles antiaériennes de type Stinger (américain) et STARstreak (britannique) ont été distribuées et éparpillées sur le territoire ukrainien. S’y ajoutent les armements hérités de l’ère soviétique ainsi que des développements locaux telle la tablette de contrôle de combat Kropyva qui transmet les images de drones en temps réel à l’artillerie. En outre, l’armée et la population ukrainiennes ont accès aux communications internet grâce au réseau de satellites Starlink d’Elon Musk.

Contrairement aux armées occidentales dans lesquelles le commandement de l’aviation constitue un corps à part, l’aviation russe est commandée par l’armée de terre qui se trouve au front. Quand on sait que l’armée de terre s’est présentée sur le terrain avec des cartes géographiques périmées, on peut comprendre que les attaques aériennes russes n’ont pu être réellement ciblées et que leurs bombes ont été larguées comme au temps de la Seconde Guerre mondiale. L’armement russe sophistiqué n’a pu être exploité à la mesure de ses possibilités.

Outre le fait de manquer de composants en raison des sanctions imposées à la Russie, l’aviation russe n’a pas pu tirer avantage de son armement de précision. À titre d’exemple, l’avion MIG 31 peut poursuivre 24 cibles dans un rayon de 120 km et en attaquer 6 simultanément. L’avion Su-35 peut s’attaquer à des cibles aériennes ou terrestres. Toutefois, il faut assurer la fiabilité de la communication et de la navigation entre le centre de commande et les aviateurs.

L’aviation russe est ensuite passée à des attaques nocturnes dans les régions citadines. Les attaques de missiles et de drones suicide contre les installations électriques et hydrauliques de l’Ukraine ont suivi. La livraison de missiles antiaériens américains de type Patriot constitue une première réponse à ce type d’attaques. Les drones iraniens utilisés par l’armée russe sont très bruyants et peuvent être abattus par des canons antiaériens ou des fusées portatives lorsque la visibilité est bonne.

De la théorie à la pratique

Pourtant, les groupes d’experts militaires du monde entier s’accordent à dire que l’école de stratégie russe est la plus avancée au monde. Toutefois, de la théorie à la pratique, il faut franchir un grand nombre de difficultés logistiques. Qui plus est, la moyenne d’heures de vol annuelle d’un pilote de combat russe est de 120 heures, comparée à 250 heures dans les armées occidentales.

Il est fort probable que les dirigeants russes vont chercher à corriger les faiblesses de l’armée et tenter une attaque massive coordonnant barrages d’artillerie, infanterie, forces spéciales, cyberguerre et armée de l’air pour tenter de rétablir son prestige et sa force de dissuasion. Toutefois, cela prendra bien plus que quelques mois pour y arriver. Le fait que la Pologne ait décidé de faire des exercices militaires avec 200 000 soldats et autant de réservistes au mois de mars 2023 est peut-être le signe que ce pays se prépare au pire.

La majorité des pays alliés des États-Unis opte pour l’avion furtif F-35 doté de capteurs avancés. Son rayon d’action est supérieur à 600 milles nautiques et, en fonction de sa mission, il peut transporter plus de 18 000 livres de munitions.

Il est utile de garder à l’esprit que l’aviation est une arme puissante qui est autrement plus flexible que les fusées sol-sol. Assurer une communication coordonnée et fiable en temps réel est un atout essentiel pour pouvoir prendre avantage d’une force aérienne bien entraînée.

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