Le petit cabri. Par Rav Elie Kling
Et si le petit cabri vendu pour 2 zouz représentait, en fait, Joseph que son père envoya à Sichem où il fut vendu pour 20 Shekalim? Il faudrait alors identifier le chat qui le mordit aux frères que la haine à son égard avait rendus si agressifs. Mais, à leur tour, les frères et leurs descendants eurent à supporter la haine des Egyptiens qui en firent des esclaves durant plusieurs siècles et que leurs chiens surveillaient. Il faudra alors attendre le bâton de Moïse qui, depuis qu’il se transforma un jour en serpent, devint le symbole même des miracles qui causèrent tant de douleur aux Egyptiens. Ce bâton qui ne cessa de les frapper, transformant d’abord le Nil en fleuve de sang et fendant finalement la Mer afin de mieux les engloutir. Supportant de plus en plus mal les coups répétés, les Egyptiens avaient donc fini par céder. Ce jour-là, comme nous l’enseigne le verset, même leurs chiens n’aboyèrent plus ! Mais l’impression que laissa le bâton et ses miracles, bien que profonde, fut de courte durée. A peine la Mer franchie, le feu du mauvais instinct consuma l’effet produit par le bâton et nous vîmes les Hébreux se plaindre de tout et de rien, réclamant grossièrement à manger de la viande, beaucoup de viande, comme si la Manne ne leur suffisait pas! Il fallut toute la grandeur et la majesté de la Révélation du Sinaï pour éteindre le feu destructeur du mauvais penchant. Nos Sages nous ont d’ailleurs suffisamment répété que l’eau symbolise la Thora! Malheureusement, alors qu’ils étaient encore au pied du Sinaï, nos ancêtres célébrèrent un veau en or. Et il ne resta plus grand-chose de cette Thora, de cette « eau » apaisante que l’animal semblait avoir bu jusqu’à la dernière goutte. C’est Maïmonide qui nous explique le mieux que, pour venir à bout de cette tentation idolâtre, il faudra que l’on construise un ‘Mishkane’, un sanctuaire portatif et démontable avant qu’il ne soit définitivement installé à Jérusalem sous la forme d’un superbe temple construit par Salomon. Dans l’enceinte de ce Temple, agira le Shohet, le sacrificateur rituel. Ainsi fut mis en place ce qui aurait dû être l’antidote de l’idolâtrie que l’animal représentait. Mais vint le jour où, par nos fautes, le Temple fut détruit, par deux fois, et dans un bain de sang. Un long et douloureux exil commença alors avec son long cortège de persécutions. L’ange de la mort semblait triompher pour de longues années. Mais ce sera Dieu qui aura le dernier mot. Il neutralisera l’ange de la mort, mettra fin à l’Exil et ramènera les enfants dispersés en Erets Israël. La boucle est donc bouclée et l’histoire qui avait commencée par la vente de Joseph se termine par le rachat de ses enfants et leur Retour au Pays.
Cette interprétation du célèbre ‘Had Gadia a le mérite de faire remonter à la vente de Joseph le récit de l’esclavage égyptien, ainsi que déjà le suggérait Rachi dans son commentaire du verset : « Il (Jacob) l’envoya (Joseph) des profondeurs de Hébron et il arriva à Sichem »: c’est à partir de là, explique Rachi que commence la réalisation de la prophétie annoncée au patriarche Abraham enterré à Hébron et selon laquelle ses enfants seront un jour esclaves en terre étrangère.
Elle présente aussi l’avantage de clôturer le seder par un survol de l’Histoire Juive qui commence en Egypte et s’achève à Jérusalem lorsque les enfants d’Israël seront à nouveau rassemblés dans la Ville reconstruite, signifiant une fois de plus que la soirée pascale ne consiste pas seulement à rappeler le passé mais aussi à envisager l’avenir, obligeant ainsi les convives attablés autour de la table familiale d’actualiser le message de Pessah à chaque génération, « comme si nous-mêmes sortions aujourd’hui d’Egypte ».
Arrêtez-moi si je dis des bêtises…
Rav Elie Kling