Les differents pelerinages Juifs en Tunisie

 

Par  - Webdo.tn

 

Du nord au sud du pays, ces pèlerinages sont nombreux et prennent souvent la forme d’une « hiloula », c’est à dire d’une visite rituelle à l’occasion de l’anniversaire d’un saint personnage de la tradition juive tunisienne.

Au Borgel, la tombe de Rebbi Hai Taieb Lo Met

La plus emblématique de ces « hiloula » est celle qui célèbre au cimetière du Borgel à Tunis la mémoire du rabbin Hai Taieb. Cette commémoration a lieu durant les mois d’automne, entre novembre et décembre, le dix-neuvième jour du mois hébraïque de Kislev.

L’aura intacte d’un saint personnage

Mort il y a 180 ans, Rebbi Hai Taieb était un grand érudit, exégète de la Torah et de la Kabbale. Ses œuvres écrites ont été perdues et selon la légende, sa mère les aurait jetées par erreur.

A l’occasion de sa « hiloula », un pèlerinage a lieu au Borgel sur sa tombe et la tradition veut que des dons et des repas soient servis aux démunis.

Le mystère des stèles détruites

Un chant datant du dix-huitième siècle et dédié au saint personnage continue de nos jours encore à être psalmodié à la mémoire de Rebbi Hai Taieb. Son surnom de Lo met qui signifie « n’est pas mort », il le doit aussi à sa légende.

On raconte en effet que la stèle désignant sa tombe était régulièrement et mystérieusement détruite. A chaque fois qu’on la remplaçait, elle était de nouveau détruite, jusqu’au jour où le rabbin apparut en rêve au graveur de la stèle.

Le saint homme s’adressa au tailleur de pierres en ces termes : « Pourquoi écris-tu que je suis mort à telle date? Mon nom est Hai et signifie le Vivant. Corrige ta stèle et elle ne sera plus détruite ! »

Toujours vivant !

C’est alors que le graveur ajouta la mention « lo met » qui signifie donc « n’est pas mort ». Depuis, la stèle n’a plus été détruite et le rabbin repose en paix avec le nom de Hai Taieb Lo Met.

Auteur de nombreux miracles, Rebbi Hai Taieb Lo Met est très vénéré dans la communauté juive tunisienne et compte parmi les grands « tsadik » de notre tradition.

Pèlerinage à Testour à la mémoire
des miracles de Rebbi Fraji Chaouat

La-synagogue-de-la-Ghriba-à-Djerba-Tunisie-Crédit-upyernoz-via-CC-JTA

Selon la tradition, Testour serait un mot sumérien et il signifierait « terre sainte ». C’est dans cette ville andalouse de Testour que se tient autour des fêtes de Succoth, le pèlerinage au mausolée de Rebbi Fraji Chaouat.

Un saint rabbin, exégète de la Torah

Si le pèlerinage a aujourd’hui perdu de sa superbe, il n’en demeure pas moins autant fréquenté que sanctifié par la vox populi. Chaque année, le pèlerinage a ainsi lieu sur la tombe de ce saint personnage qui a vécu à Béja au début du dix-septième siècle.

Exégète de la Torah, d’une grande piété, il guérissait les malades et faisait la charité autour de lui. Assisté par un fidèle secrétaire, il consacrait sa vie à l’étude et au bien.

Selon sa légende, il aurait un jour parlé à son secrétaire en ces termes ; « Demain matin, je ne serai plus de ce monde. Je compte sur toi pour mettre ma dépouille sur une jument puis laissez aller la jument et enterrez-moi là où elle s’arrêtera ».

Le miraculeux périple de la jument de Béja à Testour

Cette dernière volonté fut respectée. Lorsqu’il trouva le corps sans vie du rabbin, reposant sur son lit de mort, son secrétaire alerta la synagogue. On délibéra puis il fut décidé de déposer le corps sur une jument comme il l’avait indiqué.

La jument prit la route et une petite foule la suivait. L’histoire s’étant ébruitée et la réputation du rabbin aidant, un véritable cortège se forma. A petit pas, la jument sortit de la ville et après des heures de marche, le cortège se trouva face au camp du bey, venu dans la région collecter l’impôt.

Les soldats du bey pétrifiés…

Alors qu’un soldat fit signe à la procession de s’arrêter, son bras resta en l’air, paralysé. Chaque soldat qui faisait signe à la jument et son cortège restait comme pétrifié. On raconte que cent soldats furent ainsi paralysés. Jusqu’à ce que le bey du camp apparaisse et demande l’identité du mort.

On lui expliqua qu’il s’agissait de Rebbi Fraji Chaouat et qu’on devait l’enterrer là où s’arrêterait la jument. Alors, le bey demanda à sa troupe d’accompagner la jument et les soldats de nouveau alertes, se joignirent au cortège au son des fifres et des tambours.

Arrivée à Testour, la jument s’arrêta puis s’assit sur le sol. On creusa à cet endroit la tombe de Rebbi Fraji Chaouat et, depuis, elle est vénérée par les juifs et les musulmans.

Les caravanes de pélerins se retrouvaient à Medjez el Bab

Dans le temps, on venait à pied de Béja et Medjez el Bab pour participer au pèlerinage de Testour. Tous les moyens étaient bons pour venir de Béja, lieu de naissance du rabbin, et on empruntait des calèches, des charrettes ou des ânes.

Une petite caravane partait ainsi de Béja et retrouvait à Medjez les pèlerins venus de Tunis. Les deux groupes continuaient alors leur route ensemble pour les 25 kilomètres restants. La liesse était mise avec des musiciens qui animaient cette longue procession populaire.

A l’arrivée à Testour, les pèlerins logeaient chez les habitants qui, juifs ou musulmans, ouvraient leurs maisons pour, eux-aussi, être imprégnés de la baraka de Rebbi Chaouat.

Tous autour de la tombe de Rebbi Fraji

Deux jours durant, le mausolée abritant la tombe du saint réunissait une foule joyeuse et de nombreux commerçants venus avec leurs halwa et leurs objets divers, au son des chants dédiés au saint personnage: « Rebbi Fraji machi maana, essayed ikoun maana » (Rebbi Fraji chemine avec nous, le saint est avec nous ».

On prie sur la tombe, on fait la charité et des offrandes et on revient chaque année pour honorer le saint homme dont les miracles sont nombreux.

Avec moins de faste qu’à la Ghriba de Djerba mais autant de liesse que par le passé, le pèlerinage de Testour se déroule chaque année autour de Succoth, la fête qui symbolise l’exode du peuple juif et réunit encore de nombreux pèlerins qui, par ailleurs, visitent ce mausolée de Rebbi Fraji tout au long de l’année.

Rebbi Yossef El Maarabi et les pèlerins d’El Hamma de Gabès

Après la révolution tunisienne, des informations alarmistes sont venues d’El Hamma de Gabès, lorsqu’une tentative d’incendie et de profanation avait visé le mausolée de Sayed Yossef El Maarabi.

Une hiloula au temps de Hannouka

Heureusement, les vandales n’ont pas ravagé ce mausolée lors de cet assaut du 13 janvier 2011 lorsque le pays était en pleine tourmente.

Il faut le souligner: nombreux sont les pèlerins de la Ghriba qui feront un crochet par El Hamma pour honorer le saint personnage dont la tombe se trouve dans cette oasis non loin de Gabès.

Quant au pèlerinage proprement dit, il a coutume de se dérouler pendant les fêtes de Hannouka, précisément le premier dimanche de Hannouka, la fête des Lumières, généralement au mois de décembre.

Un grand rabbin du seizième siècle

Al Maarabi est un rabbin du seizième siècle et, jusqu’aux années soixante, on venait de tout le sud tunisien pour honorer sa mémoire.

Son pèlerinage avait lieu pour Rosh hodesh tevet et réunissait de nombreux fidèles qui se recueillaient sur sa tombe, y allumaient des bougies et échangeaient des vœux dans une atmosphère festive qui se propage aussi aux bains chauds d’El Hamma.

Disciple du kabbaliste Haari Zal, Rebbi Al Maarabi serait la réincarnation de Rebbi Yossi, lui-même disciple de Shimon Bar Yohai dont la hiloula symbolique a lieu à Djerba, en même temps que le pélerinage de la Ghriba.

Si de nos jours, les visites continuent à El Hamma, elles se perpétuent également dans la localité israélienne de Ramleh, au centre du pays, où le mausolée de Rebbi Al Maarabi a été reconstitué. A Paris aussi, précisément à Sarcelles, les juifs émigres du sud tunisien continuent à célébrer la mémoire du rabbin d’El Hamma.

Une légende célébrée sur trois continents

Une aura de légende entoure les bienfaits de Rebbi Yossef El Maarabi. Ce « tsadik » de la tradition juive avait le don de rendre leur fertilité aux femmes stériles. On raconte qu’un char nazi qui cherchait à démolir sa sépulture pendant la Deuxième Guerre mondiale fut englouti par le sol friable et demeura embourbé.

On raconte aussi qu’il apparut en rêve au curateur de son mausolée qui hésitait à quitter El Hamma de peur de voir le mausolée délaissé. Le rabbin lui conseilla de partir en affirmant que le jour où plus personne ne prendrait soin de sa tombe, les sources d’eau chaude s’assècheront.

Telle est la légende de Rebbi Yossef el Maarabi dont le pèlerinage se déroule encore en trois lieux différents, et sur trois continents, le premier dimanche de Hannouka…

Rebbi Haim Houri et la singulière hiloula du Néguev

Pour la petite histoire, Rebbi Yossef el Maarabi n’est pas le seul rabbin d’origine tunisienne à être célébré en des lieux différents. En effet, c’est aussi le cas de Rebbi Haim Houri dont deux hiloulas distinctes ont lieu aussi bien à Sarcelles en France qu’en Israël, à Beer Sheva.

Né en 1885 à Djerba, Haim Houri a étudié chez les réputés Moshé Mazzouz et Fraji Allouche avant d’être nommé rabbin à Gabès. Quelques années plus tard, en 1926, il deviendra le grand rabbin de Gabès et écrira de nombreux livres d’exégèse.

Rebbi Haim Houri a quitté la Tunisie en 1955 puis mourra à Beer Sheva en 1957. Cette hiloula du Néguev a lieu sur sa tombe le 25 Iyar de chaque année et se déroulera le 1er juin 2016 en l’ancien cimetière de Beer Sheva.

Le pèlerinage nabeulien de Rebbi Yaacov Slama

Dernier pèlerinage toujours vivace en Tunisie, celui de Rebbi Yaacov Slama se déroule chaque année au cimetière juif de Nabeul et continue à réunir de nombreux fidèles.

Au cimetière juif de Nabeul

Cette célébration d’un grand rabbin de Nabeul atteste l’importance de son héritage, notamment en matière d’études talmudiques.

Mort en 1774 à Nabeul, sa tombe est vénérée par les juifs tunisiens qui continuent à se rendre nombreux à son mausolée qui, lui, date de 1934 dans sa configuration actuelle. La hiloula de Rebbi Yaacov est ainsi un autre de ces temps forts de la vie communautaire et réunit de nombreux émigrés qui reviennent à cette occasion.

La mémoire de Rebbi Hai Guez

Les rabbins nabeuliens à l’image de Rebbi Yaacov Slama ou Rebbi Hai Guez jouissent d’une grande réputation et reflètent l’ancrage et la piété d’une communauté installée de haute mémoire à Nabeul, comme le suggèrent les sépultures et les sept synagogues historiques de cette cité.

En effet, les Uzan, Mammou, Guez ou Haddad comptent parmi les plus anciennes familles juives nabeuliennes. Et même si aujourd’hui, la communauté n’est plus que l’ombre d’elle-même, elle revit symboliquement à travers ce pélerinage et le souvenir des sept synagogues.

Les sept synagogues de Nabeul

La grande synagogue se trouvait non loin de la grande mosquée de Nabeul alors que les autres lieux de culte étaient dispersés aux alentours comme la synagogue Mordekhai Karila fondée en 1904 ou celle dite Gaston Karila créée en 1914.

Une synagogue était aussi dédiée à Rebbi Hai Guez et une autre à Ephraim Haddad. Enfin, la synagogue Braouma et la synagogue Yaacov Mammou complètent cette liste et soulignent la richesse patrimoniale juive de Nabeul.

Traditions vivaces dans la diaspora et la communauté juive tunisienne

Tous ces pèlerinages qui se déroulent encore en terre tunisienne, s’ils n’ont pas le rayonnement médiatique de celui de la Ghriba de Djerba n’en restent pas moins des temps forts communautaires dont l’importance rituelle importe beaucoup pour les nombreux fidèles qui s’y pressent.

A la veille du pèlerinage de Lag be Omer à Djerba, il importait de rappeler leur caractère vivace et la ferveur qui les entoure dans la vaste diaspora et la petite communauté juive de Tunisie.

Puissent les mérites de tous ces rabbins et hommes de savoir rejaillir sur vous et vos proches comme le veulent la formule consacrée et les vœux de tous les pèlerins…

H.B.

Commentaires

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53 années 8 mois
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bonjour

ma grand mère m'a toujours dit qu'il y avait un pélerinage sur la tombe de son aïeul Yaaqoub al Fassi

avez-vous des informations à ce sujet

merci de votre aide

cordialement

Marie Josée Brakha

mj-b@orange.fr

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