Le mandat des casques bleus reconduit et revitaminé entre Israël et le Liban

Le mandat des casques bleus reconduit et revitaminé entre Israël et le Liban (info # 020209/17) [Analyse]

Par Michaël Béhé à Beyrouth © Metula News Agency

 

Mercredi dernier, le mandat des Casques bleus de la FINUL, la Force Intérimaire des Nations Unies au Liban, a finalement été reconduit pour une année supplémentaire. Le Conseil de Sécurité de l’ONU a en effet adopté à l’unanimité de ses quinze membres la résolution 2373, qui prolonge ledit mandat, non sans y apporter plusieurs modifications importantes, comme les avaient demandées les Etats-Unis et Israël.

 

Rappelons que la présence de la FINUL au Liban, dans la région frontalière avec l’Etat hébreu, est régie par la résolution 1701, adoptée par le Conseil le six août 2006. La 1701, proposée par la France et des pays arabes, avait pour but de mettre un terme à la contre-offensive de Tsahal au Liban en échange de plusieurs dispositions, dont les principales étaient : le désarmement de tous les groupes armés dans l’ensemble du pays aux cèdres, cette clause s’adressant particulièrement au Hezbollah, la milice chiite supplétive de l’Iran, ainsi que l’éviction de toute force armée autre que l’Armée libanaise et la FINUL au sud du fleuve Litani qui coule parallèlement à la frontière israélienne.

 

Dans les faits, si l’Etat hébreu avait cessé ses opérations militaires, de notre côté, la décision onusienne n’a jamais été suivie d’effets. Au contraire, depuis 2006, le Hezbollah, grâce aux armes qu’il reçoit de Téhéran, s’est imposé comme un Etat dans l’Etat, disposant de sa propre armée et supplantant les institutions nationales chaque fois qu’il le décide.

 

Près de la frontière avec notre voisin du Sud, la présence des Forces armées libanaises est très discrète et se résume à quelques postes d’observation et à de très rares patrouilles. La milice chiite, quant à elle, a constitué des dizaines de bastions militaires dans les villages, et amassé de grandes quantités d’armement et de munitions en vue d’une prochaine confrontation avec Israël, le tout, bien entendu, en contravention flagrante avec les clauses de la Résolution 1701.

 

De plus, comme à l’est de la Bekaa face à la Syrie et dans d’autres bastions qu’il contrôle, le Hezbollah utilise des uniformes de l’Armée qu’il a dérobés par milliers afin de vêtir ses miliciens et de les faire passer pour des soldats légitimes de la République libanaise.

 

Face à nos camarades de la rédaction à Métula, les membres de l’organisation terroriste chiite ont également plantés leurs drapeaux, de même que ceux de la République Islamique d’Iran et disséminé des effigies de leur chef, Hassan Nasrallah, de leurs "martyrs" et de l’instigateur de la Révolution islamique en Iran, feu l’ayatollah Rouholla Khomeiny.

 

De temps à autres, le Hezb organise des visites guidées sur la frontière à l’intention des journalistes présents au Liban, démontrant par là même que la force armée qui contrôle cette région n’est pas l’Armée de notre pays.

 

Quant à la FINUL, qui compte aujourd’hui un peu plus de 10 500 Casques bleus – des soldats dont la tâche, en principe, est le maintien de la paix, non pas uniquement l’observation passive des infractions à la résolution de l’ONU -, sa présence dans la zone limitrophe est à peine tolérée par le Hezb..

 

Ainsi, la milice n’autorise pas les casques bleus des 39 pays participant au contingent de maintien de la paix à pénétrer dans les villages qu’elle occupe ni à inspecter ses positions. Par le passé, les Casques bleus avaient tenté de mener à bien la mission qui leur est confiée, mais ils avaient été accueillis à coups de pierres, puis d’armes automatiques, par les Hezbollani et leurs affidés.

 

Depuis, la FINUL se contente de patrouiller sur les routes principales, à l’écart des villages, des fortifications et des entrepôts d’armes de la milice pro-iranienne. Elle utilise aussi un hélicoptère deux fois par jour qui suit précisément le tracé de la frontière de la Méditerranée aux contreforts du Golan.

 

Il est évident que ces "aménagements" avec les provisions de la Résolution 1701, qui résultent de décisions prises au niveau national par les pays participant à la force internationale sont parfaitement irréguliers, puisque le mandat de la FINUL ne saurait être dicté que par la résolution en question, qui seule est valide pour définir ses fonctions et obligations. Dans son rôle législatif, l’organe de référence, c’est-à-dire le Conseil de Sécurité des Nations Unies, supplante en effet les gouvernements qui fournissent des hommes, et qui sont censés le faire dans le respect de la seule autorité du Conseil en la matière.

 

Il n’appartient pas aux Etats qui envoient des troupes d’adresser directement à leurs soldats des ordres contraires ou divergents à ceux déterminés par le Conseil de Sécurité dans ses résolutions. L’un des champions de l’exercice de ce mode opératoire délétère est la France, qui avait pourtant rédigé les dispositions de la 1701 mais qui n’a jamais tenté de les faire respecter sur le terrain. Au contraire, à la veille du dernier vote de reconduction du mandat, dans un vif différend qui l’opposait à Washington et Jérusalem, Paris se déclarait satisfait du rôle joué actuellement par la FINUL, et ne désirait aucune modification à son mandat. Entre 2006 et 2017, la France a d’autre part réduit sa participation à la FINUL de 2 000 à 800 hommes.    

 

Pour Anne Guéguen, l'ambassadrice adjointe de la France auprès des Nations Unies, la FINUL, avec son rendement existant, "joue un rôle décisif dans un contexte régional très difficile pour stabiliser le sud du Liban". Pour Madame Guéguen, "la Force onusienne a fait preuve d'un effet stabilisant dans un environnement volatil, complexe et perturbé. Sa mission, conformément à la résolution 1701 (sic), a contribué avec succès au maintien d'une situation calme dans son domaine d'activité le long de la ligne bleue depuis août 2006".

 

Si la résolution 1701 ne provisionnait que le maintien d’un calme relatif le long de la frontière entre le Liban et Israël, et encore selon les termes imposés par une organisation classée terroriste par l’ONU est dont la présence à cet endroit est bannie, Paris aurait sans doute raison. Mais ce n’est pas le cas ! La Finul doit principalement désarmer le Hezbollah et l’empêcher d’exister au sud du Litani, et c’est le Quai d’Orsay qui avait rédigé ces termes et qui ne s’en souvient plus. Elle doit donc non seulement s’assurer que la frontière soit calme, mais aussi qu’elle le restera. Ce, en appliquant, stricto sensu, les résolutions votées au Conseil de Sécurité.

 

La portée du comportement français s’étend au-delà de la discussion du cadre juridique du mandat de la FINUL et des désaccords entre diplomates. Elle comprend des effets hautement nocifs et complémentaires : d’une part, en tolérant la présence armée du Hezbollah au sud du Litani, et en se pliant sans broncher à son autorité, l’ONU prend acte de cette présence et la légitime de facto.

 

Ensuite, lorsque l’on sait que, sur une autre frontière de notre pays, dans la région des Jurds, au Nord-Est, le Hezbollah vient de se livrer à une vaste opération militaire – sans s’en référer le moins du monde à l’autorité souveraine du Liban – contre des organisations armées sunnites, cela devrait tout de même appeler à une certaine analyse.

 

Lorsque l’on sait aussi que le même Hezbollah vient d’ordonner à l’Armée nationale d’interrompre sa propre offensive, dans la même région et face aux mêmes ennemis, pour la raison qu’il s’est mis d’accord avec eux pour l’établissement d’un cessez-le-feu, même à Paris, on ne devrait pas se satisfaire du calme apparent qui prévaut au Sud.

 

En ignorant intentionnellement ces atteintes à notre souveraineté nationale, ceux qui se gaussent de la situation actuelle mettent simplement la survie de tous les Libanais en danger. Car ce faisant, ils laissent à la milice à la solde de Téhéran le choix de déclencher un nouveau conflit armé avec Israël, tout en sachant que, si les Hébreux étaient une fois encore agressés sans l’avoir aucunement provoqué, ils renverraient le Liban au temps des dinosaures. Ils ont déclaré qu’ils le feraient, et si des tirs provenant du Liban tuent leurs civils, personne ne doute à Beyrouth qu’ils mettront leur menace à exécution et que, de plus, ils ne feraient qu’exercer leur droit à la légitime défense le plus strict.

 

Ainsi, une milice terroriste, issue d’une communauté minoritaire – représentant environ 33 pour cent de la population nationale -, agissant au service d’un Etat étranger et au détriment du sien, peut exposer, à n’importe quel moment, la majorité de notre population à un terrible conflit dont elle ne veut absolument pas.

 

Il y a une semaine, l’ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley, avait fermement condamné cet aveuglement, déclarant  que les Casques bleus de la force de paix des Nations Unies au Liban ne faisaient pas leur travail de manière correcte. Madame Haley a précisé que le FINUL se montrait particulièrement inefficace pour empêcher "l'approvisionnement massif en armes du Hezbollah, la plupart du temps par des trafics alimentés par l'Iran".

 

Répliquant indirectement à l’ambassadrice française, la déléguée U.S. a affirmé que ce que faisait actuellement la FINUL, "ce n'est pas prévenir la guerre, c'est la préparer !". Madame Haley a dit vouloir amender le texte du mandat de la force de l’ONU, afin qu’il "qui dise clairement à la Finul de faire ce qu'elle aurait dû faire depuis des années".

 

L’ambassadrice s’en est aussi vertement prise au commandant de la Finul, le Général irlandais Michael Beary, qu’elle accuse d'être "aveugle" sur les trafics d'armes dans le sud du Liban. "Il semble être la seule personne dans le sud du Liban à ne pas voir ces trafics, et fait preuve d'un manque de compréhension embarrassant sur ce qui se passe autour de lui", a-t-elle conclu.

 

Le représentant israélien à l’ONU, Danny Danon, a soutenu l’analyse faite par son homologue américaine, exigeant de la FINUL qu’elle mette "un terme aux violations par le Hezbollah des résolutions du Conseil de Sécurité afin d'instaurer [durablement ? Ndlr.] le calme dans la région". Pour M. Danon, les Casques bleus "doivent insister pour avoir un accès illimité à toutes les installations suspectes sous leur mandat". Dans le Wall Street Journal, il a prôné "une inspection méticuleuse des villes et des villages du sud du Liban", et "le démantèlement des bastions du Hezbollah", en conformité avec le mandat reçu par la FINUL.

 

Finalement, c’est la version américano-israélienne qui est passée, et encore à l’unanimité, ce qui est remarquable, les grandes puissances que sont la Russie et la Chine votant en faveur de la résolution. Il est vrai que les Etats-Unis ont pesé de toute leur influence pour parvenir à ce résultat. A noter que le gouvernement libanais du président Aoun, menotté par la menace permanente que lui applique le Hezb, s’était calqué sur la position initiale de la France soutenant le statu quo. Israël et le Liban n’étaient pas représentés au Conseil durant le vote.  

 

Quatre nouveaux dispositifs ont été désormais intégrés au mandat des Casques bleus. Il s’agit de :

 

1. L’augmentation significative de la présence de la FINUL, devant se traduire par une augmentation du nombre de ses soldats et des moyens à leur disposition.

 

2. L’injonction faite à la FINUL d’entrer dans les villes et les villages tenus par le Hezbollah.

 

3. La demande qui lui est faite de fournir davantage de rapports sur ses missions.

 

4. L’injonction d’informer immédiatement le Conseil en cas de violation des résolutions onusiennes par le Hezbollah.

 

Reste à voir si ces amendements seront mis en pratique par les Casques bleus sans interférences de la part des Etats qui participent à leur contingent. Force est de constater que la mouture de 2006 de la Résolution 1701 aurait dû suffire mais que les soldats de l’ONU, pour se préserver, ne l’avaient pas mise en œuvre.

 

Au cas où, sous le regard accru et déterminé de l’Amérique, ces nouvelles dispositions se traduiraient par les actes qu’elles préconisent, une confrontation ponctuelle avec la milice terroriste chiite semble inévitable. Mais la paix est à ce prix, de même que la sécurité des civils israéliens et la préservation du Liban.

 

Dans tous les cas, notre rédaction principale de Métula – située à moins de 400 mètres de la ville chiite, tenue par le Hezbollah, de Kfar Kileh -, est idéalement placée afin de vérifier l’application de ces nouvelles clauses, et elle ne manquera pas, selon son habitude, de nous tenir informés.

 

 

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