Daniel Houri nous a quittés

Daniel Houri nous a quittés

 
Mon ami Daniel Houri nous a quittés - Un homme plus qu’estimable . Je suis très peiné . Daniel faisait partie de ces Tunes qui rendent fier plutôt que honteux… de faire partie de cette communauté magnifique. Il faut lire ce parcours c’est édifiant. Repose en paix ami Daniel. Nos condoléances à Simone , sa femme et à leurs fils - Paul Germon
 
 
Je suis né en 1942 à Gabès, dans le sud de la Tunisie, ville à l’époque réputée pour son oasis et ses plages. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. En 1942, Gabès, ville occupant une position stratégique, au bord de la Méditerranée, de la Libye , de l’Algérie et du désert, croule sous les bombes des alliés et des allemands. La situation de ses habitants est insoutenable et extrêmement périlleuse.
 
En 1947, mon père, instituteur diplômé de l’école normale, est muté à Tunis à l’école bab ei khadra que je rejoindrai quelques années plus tard.
 
À 10 ans , je suis admis au célèbre lycée Carnot qui n’a rien à envier aux grands lycées parisiens, dont les professeurs, pour la plupart, sont issus de métropoles françaises et surtout très motivés. Il faut dire que dans les années 50, la Tunisie est considérée comme un pays accueillant où il fait bon vivre même durant le processus qui conduira pacifiquement à son indépendance en 1956.
 
En 1958 et 1959, je réussis à mes 4 baccalauréats dont 2 français et 2 tunisiens ( à l’époque, le bac en classe de première existait et depuis 1957 ou 1958 le bac tunisien reconnu équivalent au diplôme
français est créé).
 
J’engrange sur une math sup puis d’une math spé de niveaux comparables aux classes préparatoires des bons lycées de France.
 
Nous sommes en juin 1961, la Tunisie s’enflamme, le gouvernement du pays réclame le départ des français de la base militaire de Bizerte, ô combien stratégique pour la France. Le général de Gaulle oppose un refus catégorique. Il s’ensuit entre le 19 et le 23 juillet une guerre de courte durée, violente et meurtrière qui décimera presque exclusivement les autochtones.
 
Durant cette période tragique, mon frère, effectuant son service militaire à Bizerte, risque d’être présumé combattre les tunisiens. Mes parents très inquiets, envisagent le départ en France, bien que nos voisins et amis musulmans nous aient assurés de leur protection. Je serai néanmoins le premier à quitter mon pays natal.
 
Le 19 août 1961, j’embarque sur le ‘’Ville de Tunis’’, un énorme paquebot à destination de Marseille en compagnie de nombreuses personnes dans mon cas.
Précautionneux, mon père, naturalisé français en 1925, avait réussi à constituer un dossier qui désormais faisait de moi un rapatrié.
 
Je suis accueilli au port de Marseille par la Croix rouge, questionné et même désinfecté, puis acheminé vers une cité de transit ou plutôt de transition où je séjourne 3 jours.
Puis départ de la gare Saint Charles, puis gare de Lyon à Paris où l’on m’attribue presque immédiatement une chambre à la maison de Cuba de la Cité universitaire de Paris au boulevard Jourdan où une bombe a explosé la veille de mon arrivée.
 
Je me rends quelques jours plus tard au célèbre boulevard Gouvion Saint Cyr, décidé à entreprendre stoïquement les démarches administratives afférentes à ma situation de rapatrié. À ma grande surprise, mon dossier est bouclé avec une célérité étonnante que seul le proche exode des centaines de milliers de français d’Algérie explique. En quelque sorte, je suis un cobaye et les fonctionnaires se rodent sur moi. L’État français me propose une chambre à la cité universitaire d’Antony, que j’accepte, ainsi que 80000 francs doublement anciens.
 
Une nouvelle vie commence pour moi. La cité est triste, les couloirs sont longs et sinistres, les chambres sont correctes, l’activité culturelle intense et la politique omni-présente car la guerre d’Algérie, en voie de terminaison, suscite encore des affrontements entre les résidents algériens et ceux qui s’opposent à la paix, dont certains partisans de l’OAS. Il y a beaucoup d’antillais, d’africains, de français des provinces et évidemment.......de juifs tunisiens.
 
Je m’inscris à la faculté des sciences d’Orsay, encore en construction, qui deviendra plus tard un très important centre universitaire. J’ai réussi à obtenir une bourse assez facilement en raison de ma qualité de rapatrié. J’entame une licence de mathématiques composée de 6 certificats. Je réussis brillamment au certificat de mathématiques pures avec la mention très bien, ce qui me vaut d’être convoqué par le professeur qui me suggère d’orienter ma carrière vers la recherche en mathématiques . Après réflexion je décline la proposition.
 
Paris est une belle ville, j’apprends à la connaître. Je fais du sport, j’établis mon quartier général au café ‘’ le Soufflot’’ où nous nous retrouvons chaque soir de plus en plus nombreux. Avec quelques copains, évidemment nés en Tunisie, nous écumons le quartier latin, Saint Germain et Montparnasse en quête d’aventures féminines dont, il faut le reconnaître, nous fûmes privés dans notre pays natal.
En 1965, je suis convoqué au château de Vincennes, pour y passer 3 jours préalables au service militaire encore en vigueur. Compte tenu de mon diplôme, j’étais déjà accepté dans un centre de recherche opérationnelle pour y effectuer un service civil. Toutefois une visite médicale s’imposait durant la première demi-journée . Nu, à peine vêtu d’un slip, le médecin m’ordonna de faire quelques pas. À ma grande surprise, il m’annonça que mes pieds étaient creux, me reforma et me congédia.
 
Je cherche une activité rémunérée et suis vite recruté : pour enseigner les mathématiques en classe de seconde et première au Cours Marcel Proust, rue des écoles, en plein quartier latin, dirigé par des juifs Oranais, parents de Georges DAYAN , l’ex ami intime de François Mitterrand. La directrice générale est la mère du talentueux Pierre Bénichou qui fut, entre autres activités, rédacteur en chef du nouvel observateur, et la veuve d’André Bénichou, le grand ami d’Albert Camus. Ma situation financière s’améliore singulièrement et je suis satisfait car mes élèves m’apprécient beaucoup.
 
En même temps , je m’inscris à un DEA d’économétrie et à un DESS d’administration des entreprises car la gestion et le management commencent à être très prisés . J’obtiens avec mention les deux diplômes.
Nous sommes en 1966, je ne sais pas trop quel chemin doit emprunter ma carrière. En attendant, je suis chargé de cours de mathématiques à Paris 2 ( Assas), et plus tard à l’université Paris Dauphine. Parallèlement j’accepte la co- gérance d’un restaurant italien à la rue Racine, qu’un ami m’a proposée en me faisant miroiter de belles choses. En effet, il bâtira le groupe Pizza Pino et ce sera une grande réussite.
 
J’entreprends également une thèse en économie
Ma situation financière s’améliore, je m’offre une petite Austin qui agrémentera ma vie.
1967, sera une année inoubliable. La guerre des 6 jours éclate. Je vis avec le transistor collé à mes tympans et passe mes journées à écouter Europe 1 et son téméraire journaliste Julien Besançon. Je me sens bouleversé et très concerné. Quelques jours plus tard, en compagnie de Sydney Galès , un des meilleurs physiciens nucléaire actuels, nous embarquerons à Naples, à destination d’Israël où mon cousin germain, député, nous fera visiter tous les théâtres de la guerre.
 
Je vis intensément Mai 1968, tant sur le plan intellectuel que physique, car j’habite à l’époque un 2 pièces au carrefour de l’Odéon. Le théâtre de France est occupé et les CRS qui l’entourent, m’empêchent d’accéder à mon domicile que je ne rejoins souvent que très tardivement.
Fin 1968, je m’ennuie, il est temps de me stabiliser et d’exercer un métier de bon niveau qui correspond à mes compétences et fait honneur à mes parents.
 
Un ami m’informe que le service des affaires économiques et industrielles ( SAEI ) du ministère de l’équipement recrute. Je postule et suis engagé.
 
J’ai de la chance. Le service est peuplé d’ingénieurs des ponts et chaussées ( X +Ponts ) et de contractuels de haut niveau, tous jeunes et désireux de faire progresser l’économie du pays. Cela tombe bien. Une nouvelle méthode de management, le planning programming budgeting system ( PPBS ) , voit le jour aux États Unis, se propage dans le monde entier et connaît un succès considérable, notamment en France. Il est question de rationaliser la prise de décisions publiques et les choix budgétaires (RCB). Le SAEI et la Direction de la Prévision du ministère des finances sont chargés de parfaire les méthodes, de les adapter à la France et de former la haute fonction publique.
 
Mon travail me plait beaucoup, je participe à des études, j’anime des sessions de formation à destination des décideurs publics, j’effectue également des recherches sur la théorie de la décision qui me permettront d’obtenir un doctorat en économie appliquée. Dans certains domaines, j’excelle. À peine 6 mois après mon recrutement, on me charge d’une mission aux EU, à NY, Washington et San Francisco au cours de laquelle je rencontre les grands maîtres du PPBS.
 
Nous sommes en 1970, la notoriété de la RCB atteint des sommets. Le ministère de l’équipement décide de former à ces méthodes la totalité de ses hauts fonctionnaires , essentiellement ses directeurs départementaux et régionaux de l’équipement , presque tous, au moins polytechniciens.
Je suis chargé avec un collègue et des professeurs de HEC, de concevoir et d’animer une série de séminaires d’une semaine sur la RCB et le management. La formation, très appréciée,connaît un vif succès Dès lors, Je me lie d’amitié avec plusieurs enseignants ainsi qu’avec des membres de la direction du groupe.
 
En 1972, je suis recruté à plein temps par le groupe HEC, en temps que professeur assistant, où j’enseigne et pratique un jour sur 5 une activité de consultant, conformément à ses statuts.
C’est également l’année où j’epouse une belle et intelligente juive d’origine tunisienne: Simone SAMAMA.
En 1974, 6 ans après 1968, les goûts et préférences des étudiants ont varié, la finance est délaissée, le marketing considéré comme du bla-bla, etc. En revanche, le secteur public est prisé, il est dit que c’est là que le changement doit s’opérer. Ainsi raisonnent de plus en plus certains étudiants.
 
On me prie de créer une option de gestion des organisations publiques en troisième et dernière année de scolarité. Cela est étonnant de la part d’une business school de haut niveau, mais cela révèle aussi sa capacité à s’adapter aux tendances nouvelles.
 
La parenthèse publique ne durera que quelques modestes années.
 
À la rentrée 1973-1974, j’accueille les étudiants qui ont choisi le nouvel enseignement que je dirige, dont parmi eux, François Hollande. Il a 20 ans et possède déjà une licence en droit. Le futur président de la République est très doué, estimé par ses camarades et grand amateur de football. Nous deviendrons amis et à ce jour, cela dure encore.
 
En 1974, le Président Pompidou décède. Lui succède Valéry Giscard d’Estaing, l’archétype du technocrate. À cette époque, ma sensibilité politique s’apparente à la social démocratie plutôt libérale, tendance Rocard, mais je ne suis membre d’aucun parti.
 
Cela va changer. VGE alors en visite en Jordanie se met à observer Israël avec des jumelles, alors qu’il n’a jamais rendu visite au pays. Le tollé est général et ma colère immense, à tel point que deux heures plus tard, je m’ inscris à la section du PS située à quelques pas de mon domicile.
Ça y est, le pas est franchi, mais cela ne n’empêchera pas de poursuivre mon ascension professionnelle.
En 1975 puis en 1979, je suis élu par mes pairs, les 100 professeurs du groupe HEC, à la tête de ‘’HEC management’’, dont l’objet est la formation des cadres supérieurs. Je participe désormais au conseil de direction du groupe.
 
J’aime beaucoup cette période qui débute en 1975: J’enseigne, je gère le service, je suis membre influent du comité de direction du groupe, je développe des projets nouveaux, je donne des conférences en Italie, au Portugal, au Brésil, au Mexique où j’anime un séminaire d’une journée, sur la RCB, devant plusieurs centaines de hauts fonctionnaires. avides de connaissance et très sensibilisés. je participe aussi à la création d’écoles de management surtout en Afrique, etc. Je publie également une dizaine d’articles et je dirige même une collection chez Dalloz.
 
En même temps, je fais mes premiers pas en politique. Je me forme, je colle même des affiches, je m’implique un peu plus dans la vie de la commune où j’habite. Je suis élu à son conseil municipal en 1977 où le groupe auquel j’appartiens est minoritaire et muselé. Je m’y sens un peu inutile, excepté lors d’un conseil municipal extraordinaire consacré à l’école et ouvert au public, où, prenant de manière intempestive la parole, j’entreprends sans être interrompu un discours d’une demi-heure sur le sujet. Beaucoup de parents d’élèves et d’enseignants me remercieront.
 
Souvent, une fois ma journée de travail achevée, je consacre du temps à la politique. Je fais désormais partie de la commission économique du Parti socialiste, je suis co-auteur d’un ouvrage intitulé ‘’. 89 réponses aux questions économiques’’ que je présente, accompagné d’un collègue, à François Mitterrand en 1978. J’anime aussi des groupes de travail avec, comme perspective, les élections de 1978 et 1981.
Tout au début de l’année 1980, le directeur général du groupe HEC, un ami cher qui m’a toujours soutenu, un grand développeur d’idées et de projets, est nommé à la direction internationale de la CCIP. À l’époque en effet, la Chambre de commerce et d’industrie de Paris finance en partie le groupe HEC et le gère à distance en s’efforçant de préserver son indépendance.
 
Sur le campus de Jouy en Josas, la situation se tend. Qui sera nommé? À ce niveau , il ne s’agit plus d’élection par le corps professoral mais de nomination par l’organisme consulaire.
Je suis un candidat possible qui présente des inconvénients dirimants pour certains et notamment pour les décideurs de la CCIP. Le poste restera vacant durant un couple de mois. L’hésitation est palpable, mon engagement politique que peu de gens désormais ignorent, semble poser un problème à la CCIP. Finalement je suis nommé. Je rends hommage à ceux qui ont pris cette décision, cela était difficile.
Désormais à la tête du groupe, au début de l’année 1980, je m’emploie à accroître sa notoriété et à développer des activités nouvelles. Je travaille beaucoup sans pour autant ralentir mon implication en politique, l’élection présidentielle en effet est proche et ma promotion professionnelle a fait monter, dans la sphère politique, ma notoriété de plusieurs crans.
 
En 1981, François Mitterrand est élu Président de la République. Rapidement, le programme commun commence à être appliqué. Entre autres réformes très importantes, plusieurs grandes entreprises seront nationalisées, ainsi que 39 banques
dont le montant des dépôts dépasse un certain seuil.
 
Je suis désormais davantage disponible et consacre tout mon temps au groupe HEC. j’habite même sur le campus à Jouy en Josas où une villa de 300 m2 et 3 ha de Jardin est mise à ma disposition. Cela rassure mes collègues, le personnel et surtout certains chefs de la CCIP qui s’attendent au pire : le rattachement du groupe à l’Education nationale.
 
La première année du gouvernement Mauroy se déroule correctement mais on sent déjà poindre des difficultés au sein même de la majorité. En ce qui me concerne, conscient du travail que j’ai accompli dans les cénacles du nouveau pouvoir, ainsi que du prestige du groupe HEC que je dirige, je pressens que ma situation va évoluer. Ce sera le cas.
j’apprends par François Hollande, que je n’ai pas revu depuis 1974 et qui est très proche de Jacques Attali, le conseiller spécial du Président Mitterrand , que mon nom figure à côté de la Banque Parisienne de Crédit, sur la deuxième liste des banques à nationaliser en 1982. J’en informe mon épouse, elle est réticente.
 
Le temps passe, des noms disparaissent, d’autres apparaissent, et selon le futur Président de la République( FH) qui m’informe régulièrement, je suis toujours destiné à la BPC.
Quelques jours plus tard, on m’extirpe d’une réunion dont personne ne connaissait l’existence, pour répondre à un appel téléphonique d’un conseiller du Premier ministre. Il me demande si j’accepterai d’être nommé à la BPC. Je réponds positivement. Un peu plus tard, la liste des nominations est publiée au journal officiel, mon nom y figure.
 
Le surlendemain, je prends contact avec le président de la BPC qui va être nationalisée et que je vais remplacer (pour la petite histoire, nous deviendrons quelques mois plus tard très amis).
Il m’accueille avec élégance, me remet symboliquement les clés de la banque et me présente ses principaux collaborateurs.
 
À ce stade, je ne suis que Commissaire du gouvernement ( une appellation que je déteste). Il m’appartient de fournir un rapport et d’assister aux conseils d’administration et assemblées générales qui se tiendront durant la période qui précède la nationalisation effective.
 
Cela commence mal. Ordre est donné par le gouvernement d’opposer durant la première AG, ouverte au public, un veto à la distribution des dividendes destinés aux actionnaires. . L’ambiance de la réunion devient délétère, plusieurs personnes s’insurgent, des vieilles dames proches du président sortant pleurent.
Quelques semaines plus tard, les membres du nouveau conseil d’administration sont nommés. Je suis désormais président de la banque.
 
La BPC compte environ 3000 salariés. Elle comporte d’une centaine d’agences situées à Paris et en région parisienne. Elle dispose à Bordeaux d’une filiale et détient plusieurs participations. Sa clientèle est composée de petites et moyennes entreprises et évidemment de particuliers. Sa rentabilité est très bonne.
En 1982, plusieurs banques sont en difficulté et souhaitent avec insistance se rapprocher, voire fusionner avec la BPC. Je mettrai du temps à m’opposer à cette mauvaise idée.
 
Avec l’aide et en accord avec le directeur général qui a conservé son poste, J’enrichis l’organigramme en créant une direction industrielle dont la mission est d’aider les entreprises en difficulté ou même en croissance. Je renforce la structure dédiée à la formation interne et je crée même des sessions destinées aux clients. J’utilise à cette fin mes anciens collègues du groupe HEC. Je réforme aussi les critères de choix relatifs à l’attribution des prêts, etc.
 
En 1982, les banques nationalisées désormais nombreuses n’inspirent pas confiance aux entreprises. Les entrepreneurs sont craintifs, hésitants et même méfiants. Je souhaite casser ces préjugés. que je considère infondés. Avec le concours d’une agence de publicité, je lance une campagne d’affichage, bien ciblée à Paris et en région parisienne, avec un slogan qui plaira beaucoup, jugez en: ‘’un banquier c’est fait pour aider les patrons qui foncent’’.
 
On m’a rapporté que le Président Mitterrand rentrant chez lui un soir, déclara au passager assis à ses cotés : ‘’je suis sûr qu’il s’agit d’une banque privée’’. Il fut satisfait d’être contredit.
J’ai également fixé à la banque, d’emblée, des objectifs de rentabilité élevée, à juste titre, car un peu oubliée dans la tourmente du changement, la rentabilité fut exigée . Je consacre une bonne partie de mon temps à la gestion de la banque qui obtient de bons résultats, mais je participe aussi activement à la vie économique du pays. Je suis en effet nommé administrateur de : la banque Monod, la banque française commerciale, les Mutuelles du Mans, et Vice President de la banque de l’Aquitaine.
J’interviens souvent dans des colloques et suis fréquemment consulté par les grands décideurs du pays.
Premier trimestre de 1983, je visite l’agence de la BPC située à l’angle de l’avenue du Maine et du boulevard Montparnasse. Quelques dizaines de minutes plus tard, deux motards de la police nationale me remettent une invitation à déjeuner du Président de la République. Celui ci en effet, hésite à emprunter le tournant de la rigueur après la politique de relance keynésienne inspirée par le programme commun, qui était en vigueur et donc Il consulte.
Jacques Attali relatera ci-dessous l’évènement dans son verbatim.
 
En 1983, j’accepte la présidence de la Fondation pour l’exportation de l’artisanat ( FONDEXPA ). Beaucoup est à faire dans ce domaine et le ministre du commerce et de l’artisanat est décidé à relever le défi. Plusieurs événements sont organisées ainsi que des voyages à l’étranger. Ainsi, accompagnés d’une trentaine d’artisans, nous avons été intégrés au voyage officiel au Japon de la ministre de l’industrie Édith Cresson et les artisans ont pu, avec exposer leurs produits au Printemps, le magasin très réputé, situé à Ginza, au cœur du quartier chic de la ville de Tokyo.
 
La BPC obtient de bons résultats et sa notoriété augmente. Il faut reconnaître que la première campagne d’affichage a laissé des traces dans les esprits du public, que je m’empresse de raviver par une seconde campagne sur les panneaux d’affichage de Paris et alentours avec un slogan offensif’’Dans une banque moyenne les clients sont plus grands’’.
 
Un peu plus tard, le gouvernement et la banque de France estiment à juste titre qu’il convient de renforcer la solidité du secteur bancaire français. Ils exigent des regroupements. La Compagnie financière de Suez ayant toujours entretenu des liens étroits avec la BPC, entame une négociation avec la banque que je préside Elle prendra in fine 51% de son capital.
 
J’entre au Conseil d’administration de la Compagnie financière de Suez.
En 1986. Le Président Mitterrand dissout l’assemblée nationale, Jacques Chirac est élu Premier ministre. Quelques mois plus tard, je ne suis pas reconduit à la tête de la banque pour des raisons qu’il n’est pas difficile de comprendre.
Je quitte également un peu plus tard la présidence de la FONDEXPA.
Je suis également nommé Officier de l’Ordre national du mérite Sans passer par la case départ. ( chevalier).
 
J’accuse le coup, je crois même que je déprime un peu. Mon épouse me soutient beaucoup, heureusement.
Je reprends contact avec HEC où je prends en charge un enseignement. Je suis démotivé et me sens mal à l’aise sur ce campus qui m’a tant procuré de satisfaction professionnelle.
Début 1977, Le Matin , célèbre journal de gauche connait périodiquement des difficultés financières. Je suis contacté par certaines personnes ayant occupé de très hautes fonctions dans l’État, qui me proposent avec insistance, d’accepter la présidence de la publication afin de conduire son redressement financier, qu’ils affirment déjà bien avancé.
 
Manquant de clairvoyance, j’accepte.
 
La situation financière du journal est désastreuse, les fournisseurs ne sont pas payés, le comité d’entreprise siège en permanence jour et nuit, les syndicats sont agressifs, et de surcroît, un financier sorti de nulle part, fait miroiter le redressement de l’entreprise grâce à des financements qui se révéleront fictifs.
Le prétendu sauveur causera plus tard un tort considérable au Crédit Lyonnais.
Je vis la pire expérience de ma vie professionnelle. Cela s’achèvera quelques mois plus tard par le dépôt de bilan.
Je suis fatigué et surtout je manque de lucidité. Il est temps de m’éloigner du microcosme parisien. Accompagné de ma famille, je me retire à Giulianova, une belle bourgade des Abruzzes au bord de la mer adriatique où vit la sœur de mon épouse. Nous y séjournerons plus d’un mois.
Retour à Paris, je me remets à enseigner à HEC sans enthousiasme. je suis toutefois approché par des ‘’chasseurs de têtes’’.
 
Début 1987 je suis nommé directeur général d’une société financière, filiale du Crédit social des fonctionnaires que je dirigerai plus tard.
Le CSF est une société mutualiste qui, moyennant rémunération, se porte caution des prêts fournis par des banques et consentis à sa clientèle, essentiellement composée de fonctionnaires.
Évidemment le taux du prêt est un peu plus élevé.
Son conseil d’administration comprend des représentants des banques, d’une compagnie d’assurance et surtout des enseignants retraités mais relativement jeunes . Le groupe compte quelques centaines de salariés.
 
Le créneau qu’occupe le CSF sur le marché est bon mais la gestion de l’entreprise est archaïque et sa notoriété insuffisante , alors que sa clientèle potentielle est très importante.
Je vais relever le défi.
 
Entouré de quelques cadres dont j’ai apprécié la compétence et la motivation, je nomme un comité de direction. Nous nous emploierons à : élargir le cercle des banques qui accordent les prêts cautionnés par le CSF et renforcer le rôle du Crédit Lyonnais dans le dispositif, négocier à la baisse le taux des prêts, définir et mettre en œuvre une politique de marketing et commerciale, mettre en place un véritable contrôle de gestion et les indispensables tableaux de bord.
Évidemment , au moment opportun, aidé par une agence de publicité, je lance, en pleine page, dans certains journaux de la Presse quotidienne, une campagne de publicité ou l’on voit la photo de Philippe Léotard, l’acteur, réjoui d’avoir un frère ministre ( François Léotard), ce qui lui permet de bénéficier des prêts du CSF.
Le succès sera retentissant et l’objectif commercial atteint.
 
Je suis nommé membre du Conseil d’administration du Crédit Lyonnais.
Fin 1989 et 1990, après avoir obtenu un accord de son président, je m’emploie à renforcer le Conseil d’administration du CSF en y faisant entrer deux personnalités réputées, susceptibles de booster le rythme de sa croissance. Cela est perçu comme une sorte de tentative dont le but est de réduire le rôle que jouent ou plutôt ne jouent pas certains administrateurs. je maintiens ma position, le conflit dure. Je finis par négocier mon départ avec soulagement et...... une indemnité.
 
Début 1991, je suis contacté par le secrétaire général adjoint de la Présidence de la République qui s’enquiert de ma disponibilité et m’indique que le Président Mitterrand souhaite me nommer conseiller maître à la Cour des comptes. J’accepte.
 
En mai 1991, je prête serment en robe noire de magistrat devant tous les membres de la juridiction et suis intronisé avec un cérémonial parfaitement réglé.
 
Je suis affecté respectivement aux chambres en charge de l’industrie puis de La Défense et je dispose d’un bureau que je serai seul à occuper tout au long de ma carrière à la Cour.
Mon travail à la Cour, au début, est fondamentalement différent de tous ceux que j’ai pratiqués auparavant. Je participe deux fois par semaine aux délibérations des sections auxquelles j’appartiens et j’effectue seul ou en compagnie d’un collègue des contrôles tels que: comptes et gestion d’EDF, de Bull, de Superphénix le réacteur nucléaire qui sera fermé ultérieurement, la politique énergétique de la France, etc.
La tâche est immense, complexe et périlleuse. C’est aussi un travail de solitaire et certains magistrats en souffrent.
 
Je serai appelé pus tard à contre-rapporter des travaux très importants qui figureront parmi les rapports publics de la Cour: la certification des comptes de l’État et surtout la crise économique de 2008, Philippe Séguin le Premier président de la Cour, m’ayant en effet nommé sur ce sujet,à titre exceptionnel, contre-rapporteur du futur rapport public, alors que je n’appartiens pas à la chambre qui en a la charge.
Je donne souvent des conférences à l’étranger, notamment en Italie, au Maroc , en Tunisie où j’effectue des missions de conseil.
 
Philippe Séguin me chargera également de concevoir et d’animer un colloque d’une durée de deux jours, destiné aux présidents des Cours des comptes de l’Afrique francophone. Il se tint au célèbre palais de Pharo à Marseille et connut un immense succès.
 
Mes premiers pas à la Cour furent difficiles. Habitué dans ma vie antérieure à beaucoup parler, animer des réunions, organiser, décider...,je me suis retrouvé seul, cloisonné dans un bureau, au bout d’un long couloir souvent désert, face à fa face avec mon ordinateur. Je n’aurais jamais cru pouvoir tenir tenir 20 ans dans de telles conditions. Et pourtant, ce fut le cas. Le haut niveau et la courtoisie des personnes que je côtoyais, l’indépendance et même l’inamovibilité que me procurait mon statut, l’excellente réputation de la juridiction, l’intérêt des travaux connexes que je conduisais eurent raison de mes réticences premières.
 
En 1993, le Président François Mitterrand me remet au Palais de l’Élysée la Légion d’honneur.
 
Entre 1997 et 2012, j’assure la présidence de la commission des marchés de La Poste. Tous les marchés dont le montant dépasse un certain niveau sont obligatoirement soumis à la commission, qui émet un avis favorable ou non En cas d’avis défavorable , le conseil d’administration peut passer outre. Ce ne sera jamais le cas durant mes 15 ans de présidence.
 
Durant la meme période , je préside également avec des prérogatives importantes la commission financière de l’AFP, la troisième agence de presse du monde. Elle peut refuser le budget initial, ce fut le cas à 2 où 3 reprises et demander sa révision en cours d’exercice. Elle a également la possibilité d’effectuer des contrôles et évidemment, elle présente un rapport annuel largement diffusé
 
En 1997; Jacques Attali me propose de participer à la création de Planet finance dont l’objectif est de financer des programmes de microfinance destinés aux personnes exclus du système financier. Survient en 2001 un problème personnel grave qui m’oblige à cesser ma collaboration. Planet finance depuis, a connu une diversification de ses activités et une notoriété internationale. Cela ne m’étonne guère , Jacques Attali est bourré de compétences et de talents.
 
De 1998 à 2012, je fais partie de la commission des infractions fiscales ( CIF) qui intervient dans le domaine de la fraude fiscale. Composée de conseillers d’État et de conseillers maîtres à la Cour des comptes, elle examine les dossiers de contribuables susceptibles d’avoir commis une infraction. En cas d’avis positif, la procédure pénale peut suivre son cours. Dans le cas contraire, la direction générale des finances publics ne peut en aucun cas porter plainte.
 
La commission rend un avis après avoir examiné un rapport succinct et auditionné un rapporteur, la plupart du temps issue de l’administration fiscale. La commission dispose de peu de temps , environ 20 minutes pour prendre une décision lourde de conséquences pour les personnes mises en cause. Or, elle est parfois confrontée à des dossiers complexes qui nécessitent un examen plus approfondi. J’ai souvent protesté et critiqué son fonctionnement.
 
En 2002, je suis promu Officier de la Légion d’honneur.
Entre 2001 et 2007, nommé par le Premier président de la Cour des comptes, j’assure la présidence de le la commission financière de le Fondation pour la mémoire de la Shoah ( FMS ) créée en 2001. Celle ci dispose d’une dotation de 400 millions d’euros correspondant à la récupération des fonds résultant de la spoliation des juifs durant la deuxième guerre mondiale. Le produit financier de cette somme servira au financement des projets acceptés par la Fondation. Le rôle de la commission financière est de préserver la valeur de la dotation, de fournir un avis sur les projets qui lui sont présentés et conformément à ses statuts de procéder périodiquement à des audits.
Sans conteste, les objectifs furent atteints. Grâce à la compétence et à la vigilance du directeur général adjoint, les avis sur les projets furent toujours suivis par le Conseil d’administration de la Fondation. Quand à la valeur de la dotation initiale, elle fut augmentée. La commission était composée de: Yvette Chassagne ancienne présidente de l’UAP, de David de Rothschild président de la banque éponyme, de Claude Pierre Brossolette ancien secrétaire général de l’Élysée, ancien président du Crédit Lyonnais, de Hubert Lévy Lang ancien président de la banque Paribas, de Pierre Lubeck inspecteur général des finances.
Elle sut allier prudence et rentabilité.
 
En 2008 je suis promu Commandeur de l’Ordre national du mérite.
 
En 2001, je suis également nommé président de la commission chargée d’évaluer le réseau de gaz que l’État français souhaite vendre à ses concessionnaires. Elle comprend: un conseiller d’État, un inspecteur général des finances, un ingénieur général des mines, le président de l’Institut français du pétrole.
La mission est complexe. , il convient d’abord de délimiter le problème, de comprendre les problématiques économiques, comptables, financières , fiscales, mathématiques et même politiques en jeu, puis de définir une méthode que d’aucuns surnommeront plus tard la ‘’méthode Houri’’, qui permettra de fixer les prix de cession.
Ce fut très intéressant.
 
En 2007, la commission de contrôle des elections présidentielles est nommée. Elle comprend le vice Président du Conseil d’État, le président de la Cour de cassation, le président de la Cour des comptes, chacun d’entre eux étant accompagné d’un magistrat de leur juridiction. Je suis choisi par Philippe Séguin. j’ai été impressionné par la quantité de problèmes à régler, parfois d’apparence négligeable, tel que la taille des affiches des candidats, mais dont il faut se méfier car ils peuvent avoir de redoutables conséquences.
 
En 2008, jusqu’en 2014 , je suis membre de l’Autorité des normes comptables ( ANC ) qui, outre les règlements qu’elle publie , fournit la position de la France sur les normes comptables internationales. ( IFRS ).
En 2009, les conseillers maîtres de la Cour m’élisent à une large majorité ( comme Ben Ali, me taquinera P.Séguin) et je suis nommé membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts. La CDC est un organisme financier de premier plan, considéré comme le bras armé de l’État français. Elle possède plusieurs filiales , la Banque publique d’investissement créée durant le mandat que j’exerce, Icade, Transdev, la Compagnie des Alpes,CNP assurance, etc. Elle assure aussi des missions d’intérêt general et joue le rôle d’investisseur institutionnel.
Je me suis beaucoup investi et J’ai apprécié cette phase de ma vie professionnelle.
 
En 2012, je suis promu au grade de Commandeur de la Légion d’honneur. Je serai parmi les six premières personnes que François Hollande, désormais Président de la République française, décorera en septembre de la même année.
 
En 2011, je prends ma retraite et quitte la Cour des comptes.
Quelques semaines plus tard, Je suis nommé président bénévole d’une association importante dédiée à la création d’entreprises, dotée de tous les compartiments nécessaires: formation, couveuse, conseil aux créateurs, co-working, prix d’excellence, etc. J’ai apprécié les valeurs et l’état d’esprit du personnel de l’association ainsi que la compétence et le dynamisme de la brillante directrice générale.

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