La détresse sociale en Tunisie à l’origine d’une nouvelle vague d’émigration

La détresse sociale en Tunisie à l’origine d’une nouvelle vague d’émigration

 

En 2017, plus de 6 000 Tunisiens ont débarqué illégalement en Italie. Parmi eux, 700 jeunes du village minier de Redeyef, dans l’intérieur du pays.

Par Frédéric Bobin (Redeyef, Tunisie, envoyé spécial) - LE MONDE 

 

Hedi Labet rêvait du grand large, de l’Italie, de la France, de l’Europe. Partir loin de cette steppe caillouteuse de la Tunisie intérieure, son pays à lui, qui, dit-il, « tue l’ambition ». S’évader de son bourg de Redeyef, tout près de la frontière algérienne, où l’industrie vieillissante du phosphate ne suffit plus à nourrir son monde, attisant la détresse sociale dans toute la région minière de Gafsa. « Rien ne m’encourage à rester ici », grince le jeune homme qui, comme tant d’autres, a songé à partir – avant d’abandonner.

Il est gringalet, Hedi, si frêle dans son jean, si gauche en apparence avec ses grosses lunettes sur le nez, mais la traversée de la Méditerranée ne l’effrayait pas. Pourquoi pas lui ? Tant de ses amis, ces jeunes désœuvrés de Redeyef, ont déjà tenté l’aventure et l’ont parfois réussie. Le phénomène est troublant : l’émigration clandestine des jeunes vers l’Italie, porte d’entrée de l’Europe, a littéralement explosé en 2017. Le nombre de Tunisiens arrivés illégalement sur la péninsule a atteint 6 150 personnes, soit 7,5 fois plus qu’en 2016. Si les routes maritimes peuvent varier – certains Tunisiens partent de Libye –, ces migrants sont arrivés pour l’essentiel de Tunisie même, d’où ont embarqué 5 900 illégaux ayant accosté en Italie. Parmi eux s’est glissée une petite minorité (moins de 10 %) d’Africains subsahariens.

« Les larmes de ma mère »

Partir, fuir. En arabe, on dit « haraga » : brûler. Prendre le bateau, c’est « brûler » les frontières, « brûler » aussi ses papiers en mer pour brouiller les pistes, compliquer un éventuel futur refoulement. A Redeyef, les jeunes ne parlent que de ça, la haraga, brûler les limites. « Ici, je ne connais personne qui n’y pense pas », lâche Hedi. Lui s’était même fort bien préparé à l’odyssée.

Electricien de formation, il avait travaillé sur les chantiers de Redeyef de quoi gagner le pécule nécessaire : 2 800 dinars...

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