La revolte de la soif couve en Tunisie

La révolte de la soif couve en Tunisie

Par Jacques Deveaux@GeopolisAfrique

Année après année, la sécheresse s’installe en Tunisie, compliquant un peu plus à chaque fois le passage de la saison estivale. Le retour des touristes au pays du jasmin ne va pas arranger les choses. Les barrages sont remplis au tiers de leur capacité. Sur le réseau vieillissant, les incidents se multiplient.

La sécheresse en Tunisie a atteint un point critique. Dans les régions du nord-ouest, la situation est telle que la distribution est régulièrement interrompue. Du coup, la population s’échauffe, et les manifestations se multiplient. Cela se concrétise notamment par des blocages de route par les agriculteurs. Selon l’Observatoire tunisien de l’eau, cité par Jeune Afrique, on compte une centaine de ces manifestations par mois.
 
En fait, cette sécheresse est récurrente depuis des années. Le seuil de stress hydrique est atteint quand la disponibilité d’eau par habitant passe sous les 1000 m3. Or selon Mosbah Helali, le PDG de la Sonede, la société nationale de distribution, cette disponibilité n’est plus que de 450 m3 en Tunisie. Dans les colonnes du journal La Presse, il dresse un tableau inquiétant de la situation. Les barrages ne sont remplis qu’au tiers de leur capacité. Le barrage Nebhana, qui assure l’alimentation de Sfax, du Cap Bon et du Sahel, est quasiment à sec.

Les nappes souterraines sont également impactées, leur niveau a baissé de quatre mètres dans la ville de Zaghouan pour le seul mois de mai, réagissant brusquement à l’absence de pluie au printemps. Il faut donc réduire le volume pompé pour préserver la ressource le plus longtemps possible.
 
L'investissement en retard
Dans ce contexte, la compagnie nationale peine à entretenir le réseau. Il faudrait renouveler 1.100 km de conduites chaque année. De l’aveu même de son directeur, «la Sonede ne renouvelle qu’entre 120 et 150 km de conduites». Le prix de vente de l’eau est trop bas et ne permet pas des investissements plus importants, explique-t-il. Bien évidemment, les fuites se multiplient, ce qui exaspère une population rationnée.
 
Dans le même temps, les débats portent sur l’usage de cette eau, chacun se renvoyant la balle. L’industrie des phosphates est accusée de consommer des tonnes d’eau. Mais c’est surtout l’agriculture qui est la plus grande utilisatrice. 82 % de la ressource contre 14 % pour les ménages, expliquait Laurent Ribadeau Dumas sur Géopolis. Certains préconisent d’abandonner les cultures trop gourmandes en eaux, comme la fraise (380 litres/kg), par des cultures adaptées au climat aride, tel l’olivier ou le figuier.

Irrigation contrôlée 
Désormais, l’irrigation se fait après autorisation du ministère de l’Agriculture qui a planifié les usages. En plein été, l’attente peut durer 40 jours entre deux arrosages. Le prix à payer pour sauver les récoltes. Selon le syndicat agricole tunisien, les pertes sont énormes. En avril dernier, elles étaient estimées déjà à 500 millions de dinars (160 millions d’euros).
 
Et l’avenir n’est pas rassurant. Les experts tablent sur une diminution de la ressource en eau de 30% d’ici 2030. L’élévation du niveau de la mer rendra en outre inutilisable certaines nappes qui seront devenues trop salées.

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