Polemique sur Michel Boujenah, par Eber Haddad
Eber Haddad
Cette polémique sur Michel Boujenah au sujet d'un spectacle qu'il doit donner en Tunisie est indécente sinon carrément obscène. Elle m'était totalement indifférente jusqu'à présent mais je constate avec lucidité qu'elle dépasse largement le cadre d'une représentation artistique.
La communauté Juive de Tunisie forte, dans les années 60, de plus de 120.000 âmes a quasiment disparu en quelques années. Les Juifs tunisiens avaient, et ont toujours pour la plupart, un attachement sentimental profond, mais aussi charnel, spirituel et émotionnel pour leur pays. Sans rancunes, les Juifs originaires de ce pays ont continué non seulement à l'aimer mais à y retourner en vacances et à le défendre chaque fois que l'occasion leur en est donnée. Parmi les plus inconditionnels se trouve Boujenah devenu, qu'on le veuille ou pas et peut-être bien malgré lui, un symbole du judaïsme tunisien mais plus encore un "ambassadeur" bénévole de Tunisie acharné à en faire la publicité et la promotion aussi bien touristique qu'économique avec un zèle impressionnant parfois même excessif. Et voilà que maintenant une polémique aussi violente que nauséabonde fait rage à propos de sa présence, totalement indésirable pour certains, sur son sol natal pour un spectacle au Festival de Carthage sous le fallacieux prétexte de ses relations avec Israël, "l'entité sioniste" comme aiment l'appeler péjorativement de nombreux Tunisiens totalement ignorants de l'Histoire, et encore plus de celle du peuple Juif qu'ils ont pourtant côtoyé pendant des siècles, et qui ont fait de la haine de cet unique pays juif leur principale raison de vivre.
Je n'ai rien à voir avec Boujenah dont je n'apprécie l'humour qu'avec mesure mais, personnellement, je trouve lamentable l'obsession pathologique de nombreux Tunisiens au sujet d'Israël, pays que non seulement ils ne connaissent pas, autrement que par la propagande instillée au quotidien depuis bientôt 70 ans, n'ont jamais visité mais aussi avec lequel ils n'ont, en réalité, ni contentieux ni frontières communes. Au "délit d'opinion" s'est rajouté le "délit de penchant" puisqu'on "reproche" à Boujenah sa "sympathie" pour Israël ! Cette histoire, pourtant bien dérisoire, montre quelque chose de plus décevant, révoltant et je dirais même déconcertant: si c'est ça le traitement infligé à une personne qui aime la Tunisie avec autant de passion et la défend bec et ongles en toutes circonstances, c'est qu'il y a des haines irréductibles, masochistes et irrationnelles qui ne sont, malheureusement, pas près de disparaître et qui ne profiteront en rien à ce pays. Et c'est laisser bien peu d'espoir pour l'avenir...